Harcelé, je me suis sauvé tout seul
Arrivé au collège, je me suis tout de suite retrouvé face à la brutalité et au manque d’humanité. Né avec divers problèmes de santé, j’ai toujours été catalogué comme le garçon « différent ». Et cette discrimination s’est accentuée à mon entrée au collège. Harcelé, j’ai découvert que ma vie n’allait pas être facile.
Dès la sixième, j’ai commencé à subir des moqueries, justifiées par des : « Mais on rigole Yamine ! ». Mais, si je ne rigolais pas, c’est que c’était pas drôle ! Je suis rapidement devenu la curiosité du collège à cause de mes problèmes de santé. Tout le monde cherchait à savoir ce que j’avais. Ça devait être une sorte de jeu, de concours entre élèves. C’était très douloureux d’être réduit au statut de « trophée ».
Je me sentais intérieurement mort
C’est monté crescendo. On me bousculait dans les couloirs. On m’insultait ou on me crachait dessus. Mes multiples passages dans le bureau du CPE ou même du directeur ne changeaient absolument rien à la situation. Personne ne craignait le personnel dans le banal petit collège de ZEP où j’étais.
Si je devais donner un exemple d’une situation récurrente, ce serait celle-ci : visualisez une grande brune, la quarantaine, qui passe dans un couloir en vous regardant droit dans les yeux, son regard criant : « Gros, je peux rien faire pour toi, désolé. ». Pendant ce temps, vous, impuissant, vous vous faîtes insulter. Cette dame est censée être votre CPE.
Croyez-vous qu’ils auraient cherché à exclure l’élève responsable ? Non. Ils rangeaient cela dans la case « chamailleries », ils étouffaient l’histoire. Evidemment, si le collège a une mauvaise réputation, ce n’est pas bon. Puis, s’occuper de ça, c’est trop compliqué…
J’ai développé une phobie scolaire
D’année en année, mon état psychologique s’est dégradé, j’ai développé une sorte de phobie scolaire. Quand je me levais le matin, j’avais une boule au ventre, une énorme pression et cette voix dans ma tête qui me disait : ça va recommencer.
J’avais perdu ma joie de vivre. J’avais perdu mon caractère éclatant. Je me sentais intérieurement mort. J’étais un corps en pilote automatique. J’allais en cours, je revenais chez moi. Et entre les deux, on me tuait à nouveau. Chaque jour de cours était un combat contre moi-même, à défendre la dernière part saine de moi, sûrement celle qui me permettait encore de me rendre compte des choses, de la situation, d’être un peu conscient de ce qui m’arrivait.
J’en veux à la société, j’en veux au monde. Pourquoi ? Et bien parce que les gens adorent se mettre des œillères, ils aiment faire semblant de ne pas voir ce qu’il se passe. Si ne serait-ce qu’une personne dans tout le collège m’avait soutenu, avait été là pour moi, les choses auraient été… moins pires. Au lieu de ça, j’avais le droit à ma petite tribune. À chaque fois que je me faisais embrouiller, je devenais une sorte de spectacle, de divertissement. Les autres élèves ne disaient rien. Soit ils riaient, soit ils filmaient. Tout le monde voyait ce qu’il se passait, mais tout le monde avait peur de finir aussi mal en point que moi…
Je me suis mis à stalker mes harceleurs
Et puis, un jour, je suis arrivé au point de saturation. On m’a coincé dans un coin de la cour pour me frapper. Je me suis dit qu’il fallait que ça s’arrête. J’ai littéralement pété un plomb, contre tout et tout le monde. Je suis devenu agressif. Pour que ça cesse, je me suis dit que il fallait que j’agisse de manière percutante, que je fasse quelque chose de suffisamment vicieux et bâtard pour que ça marque les esprits. Je me suis alors mis à stalker mes harceleurs. C’est assez étrange je sais, mais je voulais tout savoir de leurs vies, ce qu’ils faisaient, leurs petits travers, leurs moindres petits secrets. Surtout qu’à l’ère des réseaux sociaux, croyez-moi, en un clic, vous êtes renseigné sur qui vous voulez.
Au collège, Johanna aussi a été le bouc émissaire de ses camarades. Par peur de se retrouver seule, elle n’a rien dit, pendant des mois. Avant de tout avouer à sa mère.
Une fois suffisamment informé, j’ai attendu que l’un d’eux revienne me souler. Sauf que cette fois-ci, ça n’a pas marché pour lui. J’ai littéralement vomi ma haine : j’ai déballé tout ses petits travers devant toute la cour et ça a rapidement fait le tour du collège. Imaginez votre vie secrète, vos tromperies et autres vices déballés sur la place publique. Vous devenez la nouvelle bête noire de votre établissement scolaire. Mais j’avais pleinement conscience de cette capacité que nous, adolescents, avions à tout extrapoler, disproportionner. Cette humiliation que je lui ai fait subir a servi d’exemple. Vous pouvez vous faire passer pour qui vous voulez, un dur, un mec populaire ou autre… Votre carapace peut facilement voler en éclat quand on touche à ce qui ternit l’image que vous construisiez si soigneusement.
Personne n’a le droit de vous piétiner
Ce que j’essaie de dire ici n’est pas : vengez-vous, mais plutôt, osez ! Osez parler. Osez faire ce que je n’ai pas fait. Personne, je dis bien PERSONNE, n’a le droit de vous marcher dessus, de vous PIÉTINER au point que votre personnalité, aussi belle ou intrigante soit-elle, en soit transformée, réduite à un corps flottant.
Défendez-vous, même si ce que vous dites peut être méchant. Défendez-vous. Défendez votre fort intérieur et votre santé psychologique. Défendez la personne que vous êtes et assumez-vous pleinement, assumez ce qui fait votre identité et votre différence. Et si se défendre veut dire être une bad bitch avec les gens qui font du mal, et bien soyez une resplendissante bad bitch. Je ne cracherai pas dans la soupe, cette expérience aussi douloureuse soit elle a forgé mon caractère. Mon je m’en-foutisme actuel me permet d’affronter les gens et leurs critiques. Alors, merci mon harcèlement.
Yamine, 21 ans, étudiant, Paris
Crédit photo © ARP Sélection // 1:54 de Yan England (film 2016)
Ces vraiment choquant de voir comment les enfants peuvent être cruelle les un envers les autres mais le plus choquant ces de constater comment vous avez pu surmonter cela et vraiment bravo car ce n’est pas donner a tout le monde d’en parler ou même de pouvoir s’en débarrasser