Aliyah H. 07/12/2018

Trop musulmane ou pas assez ?

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Au collège, Aliyah a souffert de toutes sortes de moqueries sur sa religion musulmane. De quoi la faire vaciller, puis, quelques années plus tard, de quoi conforter ses convictions.

Lundi 2 mai 2011. Pour moi, c’était un rendez-vous chez le médecin, pour un ami sa fête d’anniversaire, et pour le reste du monde, la mort du terroriste Oussama ben Laden. Ces trois événements se sont retrouvés liés pour faire du lendemain le pire jour de ma vie, celui où ma religion m’a sauté aux yeux.

« Mais en fait, hier, t’es pas venue parce t’étais à l’enterrement de ton père ? » C’est ce que m’a dit mon ami, presque comme un reproche, parce que j’avais oublié son anniversaire. Cette simple phrase a entraîné une réaction en chaîne dans ma classe : des jeux de mots sur mon nom, des bruits de bombe explosant à mon passage… Au début, je m’en fichais, il était facile pour moi d’ignorer tout ça. Mais des semaines, des mois ont passé et les mêmes blagues continuaient. Un jour, j’en ai eu marre de faire semblant de rire et je me suis plainte auprès de mes meilleures amies. Elles m’ont assuré qu’elles me comprenaient, mais elles n’ont pas attendu cinq minutes pour rire de bon cœur à l’une de ces blagues. J’ai alors compris que j’étais seule face à tout cela.

À 11 ans, je n’étais pas proche de ma religion. Mes parents ne m’imposaient rien, ce qui sonne comme quelque chose d’idéal, mais qui peut vite devenir un cauchemar à cet âge-là : il est impossible de savoir où se situer et on se retrouve juste déboussolé. À l’époque, le seul moyen qu’avaient mes camarades de savoir que j’étais musulmane, c’était parce que j’avais été la seule de ma classe à lever la main quand les profs avaient demandé qui avait des restrictions alimentaires pour le voyage en Allemagne.

Juste assez musulmane pour les blagues

Après ce fameux mois de mai, ma religion semblait problématique pour ceux qui n’étaient pas musulmans, alors que je n’étais pas assez religieuse pour ceux de ma communauté. Même moi, je ne savais pas où me situer. Je ressentais la tentation, peut-être une solution de facilité, de me détacher de cette religion. Après tout, je n’en étais pas intimement proche et elle ne m’apportait que des mauvaises blagues d’un côté, et des jugements de l’autre. Pour ma famille éloignée, pour les musulmans de mon collège, je n’étais pas vraiment musulmane, car je ne maîtrisais pas totalement l’arabe, je ne priais pas et je ne faisais pas le ramadan. Pour les autres, je n’étais pas vraiment musulmane non plus, mais juste assez pour les blagues, ni plus ni moins.

Alors moi, j’ai commencé à me demander : est ce que je crois vraiment en Dieu ? Est-ce que la religion est vraiment importante pour moi ? Est-ce que je ne porte pas une étiquette, collée sur moi depuis ma naissance, que je pourrais tout simplement jeter ? Je ne savais pas à qui en parler car la religion, normalement, ce n’est pas quelque chose dont on doit douter. On y croit ou on n’y croit pas, point. C’est ce qu’on vous apprend, ce qu’on vous répète, c’est ce qui est écrit.

Pourtant, on doute tous, qu’on ait une religion ou pas, c’est dans la nature humaine de se poser des questions ! L’Humanité évolue techniquement et spirituellement en remettant en doute ce qui est derrière elle, c’est comme ça que les plus grandes découvertes sont faites. Cela nous apprend beaucoup sur nous-même. Je dirais même que, sans doute, si on ne se posait pas toutes ces questions, il n’y aurait pas de religion. Sans elles, nous n’aurions pas besoin d’aller chercher des réponses dans la croyance ! Alors même si c’était interdit, moi, je doutais, et j’en voulais presque à ma mère de me laisser le choix, déposant un nouveau problème sur une pile déjà bien haute pour une adolescente.

Je fais le Ramadan, mais continue à faire la fête

On pourrait penser que ces doutes m’ont éloignée de ma religion, mais au contraire, à l’époque, ils m’ont fait comprendre qu’elle avait une place importante pour moi, qu’elle parlait de valeurs qui me correspondaient, d’un idéal que je voulais atteindre. Pour moi, c’est devenu quelque chose qui me poussait à être la meilleure version de moi-même, en me donnant des indications que je pouvais choisir de suivre ou non. J’ai compris que je ne pouvais pas totalement m’en débarrasser pour que ce soit plus simple, que je croyais en quelque chose qui dépassait les jugements ou les blagues des autres.

Joseph, lui, a grandi dans la religion juive. Mais hors du cadre familial, notamment dans la rue, difficile d’assumer sans se sentir en danger. « Juif, je dois cacher ma kippa »

Aujourd’hui, je suis même contente d’être passée par ça, car je sais pourquoi je crois, je sais en quoi je crois et presque dix ans plus tard, je continue à me poser des questions. Je me suis rapprochée de ma religion, tout en conservant une certaine distance. Par exemple, je fais le Ramadan, mais je continue à faire la fête. Cela ne convient sûrement pas à tous. Certains me reprochent encore de n’être pas assez musulmane et je le suis certainement encore trop pour d’autres. Mais je sais que je le fais pour moi-même, pas pour plaire, ni pour énerver. Pas parce que c’est ce qu’on m’a toujours appris, mais parce que je le veux.

Cette relation personnelle que j’ai avec l’Islam, je pense que c’est une force. Encore plus importante dans ce monde où les deux extrêmes politiques l’utilisent comme un moyen de diffuser la haine et aimeraient plus que tout qu’on rentre dans des cases : 100% musulman ou pas du tout. Moi, j’ai créé ma propre case et je me sens bien dedans.

Louisa, 19 ans, étudiante, Paris 

Crédit photo Pexels // CC Anna Tarazevich

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1 réaction

  1. Souvent ces réactions, elles répondent à la façon dont les musulmans représentent leur religion ou à des préjugés sans fondement dans la religion. En dehors de ça, je pense que tout le monde a un positionnement par rapport à l’islam. Donc, je te souhaite de vivre en adéquation avec tes souhaits et beaucoup d’épanouissement. Et, des fois, l’islam y consent quant d’autres banissent ses principes.

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