18 ans : liberté pour les uns, précarité pour les autres
18 ans, c’est l’âge d’or. 18 ans, pour toute personne, cela signifie LIBERTÉ ! 18 ans a signifié pour moi débrouillardise, responsabilité, vulnérabilité, difficultés et j’en passe…
Tant bien que mal, j’avais réussi à avoir mon bac STMG. Une nouvelle vie commençait : les études supérieures. Étant refusée à Lyon à cause mes nombreuses absences (on m’avait découvert une maladie grave à opérer), j’ai décidé de m’inscrire en BTS assurances à Paris, pour rejoindre mon amoureux et vivre avec mon oncle.
Mais, en novembre-décembre 2017, quelques mois après avoir eu 18 ans, mon oncle m’a dit : « Tu cherches un taff, tu vas voir les assistantes sociales, tu te débrouilles, mais au mois de février, je te veux plus. » Il était déterminé : « Alors t’en es où ? Si tu veux, tu peux partir chez ton pote. »
300 euros de loyer, 100 euros pour le reste… Et c’est tout
Pour manger, aller chez le médecin, pour tout, il fallait désormais que je ne compte que sur moi-même. J’avais débuté ma scolarité sans bourse, sans ressources. Alors que quand j’avais fait ma demande de bourse, en juin 2017, j’étais même pas encore en études supérieures. Ça bougeait pas le CROUS ! J’allais les voir presque toutes les semaines et je les appelais. Je leur disais que j’avais pas d’argent, pas de logement, et ils me disaient : « Il manque ci, il manque ça. » Il manquait toujours un document, j’avais jamais de retour. Et mon dossier a atterri au CROUS de Clermont-Ferrand, je ne sais pas comment.
J’ai vu une assistance sociale qui m’a dit de retourner à Lyon… Mon copain m’aidait un peu et j’ai bénéficié de 400 euros d’aide financière de l’assistance sociale au mois de mars 2018. Ce mois-là, je suis allée dans une colocation à quatre trouvée sur Leboncoin, c’était horrible. C’était 300 euros de loyer, et j’avais 100 euros pour faire les courses et garder pour le mois prochain. Le métro, c’était aussi à ma charge et j’ai fini par avoir un découvert de 200, 300 euros parce que, chaque mois, je payais 38 euros d’abonnement à la RATP… Plus les frais de découvert !
D’après l’Observatoire national de la vie étudiante, en 2016, 46 % des étudiants déclaraient travailler à côté de leurs études. Une statistique soulignant le besoin manifeste d’aides financières pour les étudiants. Pour vérifier quelles aides tu peux recevoir, va checker le site du service public !
📚 VIENT DE PARAÎTRE !
Quels enseignements tirer de la huitième enquête sur les conditions de vie des étudiant·e·s en France ? Des chercheur·e·s de différentes disciplines ont croisé leurs regards sur les champs ouverts par l’enquête : https://t.co/edC0pl77yP pic.twitter.com/4TEWYVwnYK
— Observatoire de la vie étudiante (@OVE_National) 11 septembre 2019
Mon logement, c’était une chambre au black. Une petite pièce avec une grande armoire qu’on partageait à deux, deux tables de chevet, deux lits. On aurait même pas dit que c’était des lits, ça ressemblait à des sedari, des canapés marocains. Et c’est tout. La salle de bain et la cuisine, on partageait à quatre, et il y avait des insectes partout. Ils me donnaient des rougeurs. Je suis restée là-bas jusqu’au mois de juillet, le temps de terminer ma première année et mon stage.
C’est à partir de janvier-février de cette année-là que mes problèmes de fer ont augmenté. J’étais tout le temps épuisée, j’avais beaucoup de tension. Quand j’ai eu toutes ces difficultés, mon copain m’a quittée. J’avais jamais de repos. La première année, j’avais de très bonnes notes, j’étais motivée. J’étais soutenue par ma prof qui connaissait ma situation. Mais ça influençait surtout mes absences : il y avait des moments où j’avais pas le moral, j’arrivais pas à me lever. Pourtant j’aurais aimé sortir de ce canapé ! Mais il y avait des moments où je me sentais paralysée, faible.
J’ai fait du forcing au CROUS et ça a marché !
Au mois d’avril, ma bourse s’est débloquée. J’ai touché toute ma bourse de septembre à avril : 4 400 euros. J’ai pu me faire plaisir quand même, mais j’ai mis beaucoup de côté. C’est comme ça que je m’en suis sortie pour le logement : la caution, la réservation, etc. Ça m’a permis d’anticiper le nouveau logement, la deuxième année et j’ai payé la cantine toute l’année. J’ai pas fait la dépensière, j’ai plutôt anticipé.
En juillet, je suis retournée à Lyon avec mes affaires pendant les vacances scolaires, chez ma cousine, et j’ai fait ma demande de logement étudiant pour ma deuxième année. J’ai eu un logement par le CROUS alors que quand j’avais fait mes demandes à l’été 2018, j’avais été refusée. En septembre, je suis donc partie là-bas et j’ai dit que je ne quitterais pas le CROUS avant qu’ils m’accordent un logement. Je voulais pas faire Lyon-Paris tout le temps ! Et ça a marché : j’ai été acceptée directement, et la semaine d’après, j’étais déjà dans le logement à Paris.
Major de sa promotion mais aussi boursière, Léa a dû trouver un équilibre entre travail et études. Entre les multiples jobs étudiants et les cours, garder le rythme en master à l’école Polytechnique, c’était un sport de combat.
À partir de septembre, j’ai vécu avec 450 euros de bourse. Avec un loyer à 220 euros par mois, toutes charges comprises, il me restait 230 euros. Pour faire des courses et, comme je suis malade, j’allais beaucoup chez le médecin. J’ai pas de CMU. J’avançais les frais… le remboursement n’allait jamais sur mon compte, mais sur le compte de ma cousine et elle me les rendait pas. Après, j’ai quand même eu une aide financière pour mes problèmes médicaux à hauteur de 1 000 euros.
Pendant ces deux ans d’études, je me suis privée de beaucoup de choses. Je ne pouvais pas aller boire un verre avec des copines, ou une fois par mois. J’allais beaucoup chez l’esthéticienne avant, je faisais tout : les ongles, l’épilation du corps… Sauf que là, j’ai dû réduire, faire la moitié moi-même, et regarder beaucoup les prix (chose que je faisais jamais avant.) J’ai arrêté d’aller aux magasins, au centre commercial, parce que ça me donnait trop envie… Je faisais juste les courses et je rentrais chez moi. J’ai jamais eu de repos, de moments où j’étais bien. De fin 2016 jusqu’à maintenant. 18 ans, c’est l’âge d’or, la liberté, mais pour moi, c’était surtout la précarité.
Nini, 20 ans, en formation, Paris
Crédit photo Nathalie Hof / La ZEP