Moussa S. 07/04/2020

J’ai parcouru 3 236 km et traversé quatre frontières jusqu’à Paris

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Au Mali, je n'avais pas d'argent. Je voulais une meilleure vie. J'ai donc traversé à pied l'Algérie, le Maroc, puis l'Espagne avant d'arriver en France.

Entre le Mali et la France, il y a 3 236 kilomètres. Je les ai parcourus à pied, en camion et en bus. Parfois seul, parfois accompagné d’autres migrants.

Quand j’avais 14 ans et demi, je suis parti de mon pays, le Mali, et de mon village Diassiguibougou à cause de ma situation compliquée. Je n’avais pas d’argent. Je voulais une meilleure vie. Mon frère, qui était commerçant, m’a aidé à aller en Algérie. Il m’envoyait de l’argent quand j’en avais besoin par Orange Money. Je suis monté dans un camion, on était 83 personnes. Et après on a dû marcher. Je me suis débrouillé comme ça, petit à petit.

Quand je suis arrivé à Alger, la capitale, j’ai cherché du travail pour pouvoir continuer mon voyage. J’ai fait du jardinage, j’arrosais les fruits pour un particulier. Mon patron m’aimait bien, je ne travaillais pas beaucoup mais il me payait beaucoup d’argent, à peu près 60 000 dinars (environ 450 euros) par mois. J’y suis resté neuf mois, il m’a hébergé chez lui. Après j’ai repris ma route, direction l’Europe.  

La prochaine frontière que j’ai due franchir c’était celle du Maroc. Mais c’était plus difficile parce qu’il y a des problèmes entre la police de l’Algérie et du Maroc. Encore une fois, on était beaucoup : plus de 600 migrants. On venait de presque tous les pays d’Afrique. Pour traverser, nous sommes rentrés à pied au Maroc en passant par le désert et la montagne. Il faisait chaud, il y avait beaucoup de vent. On avait soif. On n’est pas passés tous en même temps mais finalement, on a réussi à rentrer au Maroc, la nuit. 

Trois mois dans la forêt au Maroc

En arrivant, on s’est séparés. Chacun a fait son chemin. Ce fut dur pour moi. J’ai fait presque trois mois dans la forêt, juste au pied de la montagne à la frontière avec l’Espagne, au nord-est. Je dormais avec trois autres personnes dans une tente. Il y avait plein d’autres tentes. Tous les jours, je me levais à 3 heures du matin parce qu’il y avait la police qui venait pour nous chasser de la forêt. S’ils nous attrapaient, ils nous refoulaient de leur pays.

L’émission L’Info du vrai a réalisé un reportage sur la frontière entre l’Espagne et le Maroc. Entre janvier et novembre 2019, 1 163 migrants sont entrés en Espagne par la ville de Ceuta.

Cinq fois j’ai essayé la nuit de passer à travers le grillage avec du barbelé entre le Maroc et l’Espagne, et la cinquième fois j’ai réussi. J’étais trop content ! J’avais enfin réussi à entrer en Europe et sans rien payer ; parce qu’en passant par la Méditerranée ça coûtait plus de 2000 euros. J’avais pas l’argent et c’était trop dangereux. Après le grillage, il a fallu encore marcher trois kilomètres. 

On était quatre à rentrer en Espagne. Les autres personnes, je les avais rencontrées dans la forêt. La Croix-Rouge nous a accueillis dans son centre à Ceuta. Je suis resté là-bas plus de deux mois. On avait un petit déjeuner tous les jours entre 7h30 et 9h30. Les gens de la Croix-Rouge se sont occupés de mes dossiers avant de me transférer en bateau jusqu’à la grande Espagne. 

J’ai fait presque deux semaines avec eux et après je leur ai dit que je voulais aller en France. Ils m’ont demandé si j’y avais des parents ou des frères. Je leur ai répondu que je ne connaissais aucune personne en Europe, mais que j’étais un homme fort, motivé et sérieux. Finalement, ils m’ont accompagné jusqu’à la gare et m’ont donné de l’argent pour prendre le bus. Dernière frontière.

À Paris, la galère n’est pas finie

J’ai pris le bus jusqu’à Bayonne, c’est la première ville que j’ai vue en France. J’ai cherché la Croix-Rouge et je suis entré dedans. Ils m’ont bien accueilli et après j’ai pris un billet de bus jusqu’à la gare de Bercy à Paris. Après ça, j’ai passé trois jours dans les rues de Paris.

Après leur arrivée en France, les migrants passent souvent par une demande d’asile. Matthieu a assisté à plusieurs audiences de la Cour Nationale du Droit d’Asile : « Faites entrer le réfugié : dans les rouages des demandes d’asile »

Durant ces trois jours, j’ai cherché la Croix-Rouge. J’avais un peu d’argent, je me suis nourri avec. Puis, j’ai trouvé l’association et je leur ai donné mon extrait et acte de naissance que j’avais gardé avec moi pendant tout mon chemin. Ils m’ont reconnu comme mineur. Et depuis ce jour-là je suis hébergé dans un foyer. Maintenant, j’apprends le français, je me sens bien et je suis très content d’être venu en France.

 

Moussa, 16 ans, en formation, Paris 

Crédit photo Hans Lucas // © Benjamin Mengelle

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