Une année de césure en attendant la fin de la crise
Cette année, c’est ma première année sans études, sans contrôles, sans pression scolaire. Maintenant, le soir, quand j’arrête mon ordi, je peux penser à autre chose, sans m’attendre à faire encore de nombreuses choses (les devoirs) à la maison pour le lendemain. Une année de césure où c’est moi qui mène la danse au milieu de cette période chaotique.
La fin de mon année dernière fut totalement bouleversée par la pandémie. Alors que j’étais en train de préparer une formation d’assistante chef de projet, un virus est arrivé mettre son grain de sel. Mon stage de fin d’année a été annulé, et mes premiers pas dans l’événementiel se sont envolés. J’étais vraiment déçue et terrifiée à l’idée de me retrouver dans une plus ou moins grande entreprise. Alors, pendant le premier confinement, le projet de service civique s’est installé.
À l’AFEV, l’association où je fais mon volontariat, je peux enfin allier travail et pas trop de pression. Je vous jure que la bienveillance à l’AFEV me fait un bien fou ! Chacun a sa place, mais aucune n’empiète sur celle des autres. Je suis très heureuse des responsabilités que j’ai, comme tenir un stand et mobiliser de nombreux jeunes. L’AFEV lutte contre les inégalités socio-éducatives et culturelles, elle est donc principalement tourné vers les enfants en difficulté. Je suis actuellement membre de l’équipe chargée de mobilisation : nous nous rendons dans les établissements scolaires à la quête d’étudiants qui veulent s’engager auprès de nous, notamment pour notre mission de bénévolat qui consistent à accompagner un jeune deux heures par semaine dans le but de l’aider dans son développement personnel.
Depuis le collège, je suis effrayée à l’idée d’anticiper un futur incertain
Je me sens enfin épanouie dans ce que je fais. Et je peux souffler. Nous devons très tôt choisir notre voie, celle qui nous mènera au domaine professionnel qui nous convient. Entre nous, à 14 ans, nous avons d’autres préoccupations que de savoir ce qu’à 25 ans nous serons ! Alors, depuis le collège, je suis effrayée à l’idée d’anticiper un futur incertain. La vie d’adulte m’effraie !
La pandémie bouleverse les choix d’orientation, mais aussi les études. Entre la Covid, une fusion d’universités et des partiels à l’organisation désastreuse, Ambroise sature.
Je m’en rappellerai de ce jour de conseil de classe, en seconde, où le choix de la filière était crucial. Une filière qui n’a pas une super réputation m’intéressait beaucoup : STMG (sciences et technologies du management et de la gestion). Le mélange entre quelques matières générales et d’autres plus professionnelles qui se rapprochent du monde du commerce me semblait idéal. Mais j’avais déjà l’étiquette de la littéraire sur le front. Ma personnalité colle peut-être avec le stéréotype, mais pas avec les dissertations. C’était loin d’être mon truc. Depuis petite, j’ai toujours voulu apprendre des compétences qui m’avaient l’air utiles et enrichissantes pour la fameuse vie d’adulte. Et réfléchir à une problématique d’une fable de La Fontaine était loin de ce que je considérais comme utile.
Ce jour-là, je pleurais, j’étais stressée. Indécise sur ce que je voulais et influencée par l’avis des autres, je me suis retrouvée à suivre un cursus général littéraire. J’ai fait confiance aux autres car je n’avais pas du tout confiance en moi et en mes choix. Assise entourée de tous mes professeurs, je n’ai pas su faire face.
S’en est suivi des mois d’anxiété. Lors des premières épreuves du bac, j’angoissais à l’idée de faire des crises… et je ne l’ai pas eu. Il a fallu attendre la deuxième année, qui fut longue et déprimante, pour enfin le réussir. Avec la petite fierté d’avoir eu deux belles notes : 19 et 18 à mes rattrapages. Je n’y croyais pas mais je l’avais enfin, ce foutu baccalauréat.
Je ne pouvais pas me permettre de faire perdre 5 000 euros à mes parents
Ce fut difficile, mais j’ai aussi réussi mon plus grand obstacle : l’orientation. Fin de ma première année de terminale, mes recherches aboutissent. Direction le monde de l’événementiel : organisation, gestion, créativité, plusieurs choix de domaines dont la culture. Amoureuse de plusieurs formes d’art, comme la danse, la photographie et la gravure, j’ai transformé un rêve en projet professionnel pertinent. Mon esprit a bloqué sur ça tout le reste de ma seconde année de terminale.
Puis, le grand jour arriva : mon déménagement à Lyon et le début de ma formation professionnelle. Sans parler de ma vie personnelle, bouleversée par toute cette autonomie, liberté et découverte. J’ai découvert un nouvel établissement scolaire, de nouveaux camarades, de tout âge, venant de coins différents en France et avec une multitude d’expériences et d’enseignements différents. Nous avons tout le long de l’année construit des nombreux projets événementiels. C’était vraiment super. J’ai commencé à souffler.
En période de Covid-19, un service civique peut permettre d’éviter un décrochage total des étudiants sur le long terme. L’Étudiant retrace les pistes pour éviter de lâcher l’affaire.
Mais, tristement, une autre pression est arrivée. Celle de ne pas louper mon année ; l’année où j’allais probablement préciser ma voie. En plus de cela, mes parents avaient payé, je ne pouvais pas me permettre de leur faire perdre 5 000 euros. Une nouvelle angoisse, que j’arrivais cette fois-ci à mieux gérer.
La notation de cette année était principalement sur des oraux, mais bien sûr les inévitables contrôles sur table me sont tombés dessus. J’essayais de ne pas trop montrer mon stress, je n’avais pas besoin de commentaires bidons comme : « Tu vas y arriver, faut pas stresser. »
« Tu auras un parcours atypique et c’est très bien comme ça »
Mais comme si c’était trop simple, une pandémie mondiale est venue se placer en obstacle. Je n’ai pas encore voulu remettre mon projet professionnel en question, mais on s’en approche : ce virus anéantit de nombreux domaines notamment la culture et tous les évènements autour. C’est un domaine où il est nécessaire de faire sa place et de sortir du lot, chose très compliquée pour une personne sans beaucoup d’expérience et peu de contacts.
D’où ma curiosité pour le monde associatif. Moi qui, pendant toutes mes recherches d’orientation, était attirée par tout sauf le social. Comme quoi ! Je continue mes recherches, malgré le Covid qui reste entre nos pattes. Et si je n’arrive pas à me projeter, ce n’est pas très dramatique puisque nous avons appris avec cette pandémie que tout peut s’effondrer en un rien de temps. Je commence à accepter que « Anna, tu auras un parcours atypique et c’est très bien comme ça ». Je m’autorise enfin à accepter mes choix, mes envies. Même si ça m’effraie, je rêve de partir à l’étranger, de vivre une expérience qui me bouleverse. J’ai besoin d’un électrochoc.
Son bac en poche, Lua a pris la décision de faire une année de césure pour réfléchir à son avenir. À Londres, elle a pu se découvrir, mûrir et démarrer ses études sur des bases solides.
Mais j’ai toujours le schéma de valider une par une mes années sans me poser de questions entre temps. J’ai peur de cette idée reçue de l’année de césure : y prendre goût et avoir difficilement envie de reprendre les études. Études qui ne m’ont jamais enchantée mais, pour moi, mon bagage est trop léger et je dois valider un autre diplôme. Alors je me rassure en me rappelant l’existence de l’alternance… la forme idéale pour moi. J’ai la chance de n’avoir que des retours positifs du choix de mon année, mais j’ai peur que ce soit une difficulté et non une force face à un recruteur… Mais j’estime avoir assez de peurs pour penser à celle-là.
Alors, en attendant, je souffle et j’apprécie, et je verrai quand la crise se sera calmée.
Anna, 20 ans, volontaire en service civique, Bordeaux
Crédit photo Unsplash // CC United Nations Covid-19 – Response
Bravo, quel courage et aussi sagesse de faire le choix le plus adapté, le meilleur pour vous, c’est du temps de gagné sur l’avenir. Bonne respiration