Les Courtillières : trois cités mais un seul quartier
Depuis que je suis née, j’habite ici aux Courti. Pourquoi les Courti ? Car le nom est trop long donc on l’a raccourci. Les Courtillières, c’est comme une ville : il y a trois cités dans une cité. Il y a les Serpentins, des bâtiments en forme de serpent ; les Tours, qui sont blanches et marron ; et les Fonds d’Eaubonne, qui sont aussi des tours marron, il y a juste une route qui les sépare. Moi, j’habite dans les Fonds d’Eaubonne.
Un jour, les jeunes de mon âge jouaient au foot au City. Nous les filles, on était sur les bancs et on les regardait jouer… Et c’est comme ça qu’on a vu notre quartier être divisé en trois cités : pour faire les équipes, les anciens ont fait en fonction d’où les joueurs habitaient. Tout ça parce qu’avant, les anciens ne traînaient pas tous ensemble. Mais les gens de mon âge n’ont pas pris le même chemin. Maintenant, on traîne vraiment tous ensemble grâce au collège.
Il y avait deux primaires aux Courti : une qui s’appelle Jean Jaurès et une autre, Marcel Cachin. À Jean Jaurès, il y avait ceux qui habitent aux Tours et aux Serpentins les plus collés à l’école ; et à Marcel Cachin, ceux qui habitent aux Fonds d’Eaubonne et à l’arrière des Serpentins. Comme je vous ai dit, la cité, c’est comme une ville… et moi, j’étais à Jaurès.
Petits, on ne pouvait se voir qu’à l’association ou au foot
Avec certaines filles de Marcel Cachin, on s’est connues grâce à l’association Pierre de Lune. À force de se voir tous les mercredis, on a fini par créer des liens. Dans cette association, on faisait de la danse, de la pâtisserie et des sorties loisirs. D’ailleurs, on ne se quitte plus. Et les garçons… vous connaissez les garçons ! C’est grâce au foot qu’ils se sont connus. Ils ont tous commencé à l’OFCP : c’est un club de foot à Pantin. Même si, au fil du temps, ils ont presque tous fini par changer de club. Il y en a qui sont partis à la FB, c’est un club à Bobigny ; d’autres à la FCMA, un club à Aubervilliers.
Le quartier des Courtillières a fini d’être rénové en 2018, ce qui ne fait pas l’unanimité parmi les habitant·e·s. « Ce n’est pas en mettant des fleurs ici ou là que tout va changer », exprimait Marie-José au micro du Parisien.
On a tous fait notre primaire de notre côté. Nos mamans ne nous laissaient pas sortir, à part en bas de la maison. Nous ne pouvions pas trop nous voir, à part quand on partait à l’association et les garçons au foot.
La maison de quartier… notre meilleur endroit !
En grandissant, nous traînions toujours tous ensemble. Enfin les 05 et les 06. Quand les 2005 sont partis de Jean Jaurès, ça a fait un vide dans notre primaire, le groupe s’est rétréci. Bref, la grande rentrée de sixième pour nous les 06. J’attendais tellement ce jour… Au collège, on a rencontré une nouvelle cité alors qu’on habite juste à côté. Elle s’appelle La Ruche, c’est des gens de Bobigny. Maintenant, je suis en troisième et les 05 sont parties au lycée. Je ne ressens plus de vide, je suis même contente pour elles car elles grandissent.
Dans mon quartier, y a aussi le SMJ (service municipal jeunesse)… notre meilleur endroit ! C’est à partir de 12 ans. Il y a tout là-bas : baby-foot, tennis de table, piano… mais nous la seule chose dont on se préoccupe c’est le Uno. Putain, c’est trop dar la maison de quartier. On tapait nos meilleurs chats à la bibliothèque, on se faisait courser par les bibliothécaires, on était des vrais bêtisiers.
Je les kiffe mes gars et mes gos sûres
Je me rappelle : en 2018, j’étais en sixième, on y avait fait l’anniv’ surprise de nos deux potes, elles sont nées le même jour. On a fait une vraie bringue, c’était le feu ! Il y avait les filles et les garçons : franchement les garçons, c’est nos gars sûrs, ils sont là pour nous et on est là pour eux. C’est la famille. Il y a même des jours où on va au banc, notre meilleur ter-ter, c’est aux Fonds d’Eaubonne. Il y a plusieurs bancs là-bas, on s’assoit et on tape nos meilleurs fous rires. On raconte nos meilleurs Story Time. Qu’est-ce que je les kiffe mes gars et mes gos sûres.
Imaine aussi a grandi dans un quartier, celui du Val Fourré à Mantes-la-Jolie. Au début, son père a eu du mal à en accepter la diversité ; les nombreuses origines, religions et coutumes des habitant.e.s. Mais aujourd’hui, comme sa fille, il embrasse cette mixité et la solidarité y qui règne.
Je kiffe trop quand on est tous ensemble. Même, des fois, quand les mecs jouent au foot et que nous les meufs, on galère, on va les parasiter, on prend leurs ballons, on se fait des passes entre nous pour pas qu’ils jouent… Mais après tu connais : ils nous coursent ! Ici, c’est super grand, comme un labyrinthe : moi j’ai grandi ici, mais si tu connais pas, je t’assure que tu te perds. Je vous jure, j’aime trop ma cité, les Courti, c’est trop beau.
Cissé, 14 ans, collégienne, Pantin
Crédit photo Hans Lucas // © Dragan Lekic
Une solidarité qui existe nul part ailleurs !
Extra!
La chaleur humaine aux Courti est inimitable