Morgane M. 28/03/2022

Étudiante, je ne suis « jamais assez » pour trouver un stage

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Morgane veut travailler dans l'audiovisuel. Pour postuler dans l’école de ses rêves, il lui faut d’abord un stage. Mais la concurrence est rude...

Depuis quatre mois, la nuit est devenue ma pire ennemie. Avant, c’était ma meilleure amie. Car c’était là où je pouvais réviser mes cours et que mes efforts payaient. Maintenant, elle m’oblige à être seule face à mes angoisses.

Il y a un an, je validais mon semestre 1 avec 12 de moyenne en bossant presque toutes les nuits. Je pensais, en étudiant, que j’étais sur la voie de la réussite. À présent, à presque minuit, tout espoir est quasiment perdu. Je rédige des lettres de motivation pour postuler à des stages d’assistante de production audiovisuelle/développement TV, auxquelles je n’aurai sûrement aucune réponse.

Mon avenir dépend de ce stage

J’ai besoin de ce stage pour entrer dans une école de cinéma reconnue, l’EICAR, qui plus est dans une formation en alternance. Vous vous doutez bien que la sélection sera rude. Je suis allée aux portes ouvertes, en octobre dernier. La directrice m’a dit que j’en aurai besoin pour appuyer ma candidature. Je devais donc trouver en à peine quelques mois l’impossible : un stage et une alternance !

J’ai postulé à beaucoup d’entreprises : au début à des chaînes de télévision, car elles sont réputées pour recruter énormément d’étudiants, mais j’ai vite laissé tomber.

Ensuite, je suis partie du plus facile, enfin, de ce qui semble le plus accessible : les petites sociétés de production. J’ai envoyé une trentaine de candidatures depuis le mois d’octobre et je n’ai eu qu’une seule réponse. Négative évidemment. Trente, ça semble peu, mais j’avoue avoir eu la naïveté de croire les autres, au début. La directrice m’avait assuré que je trouverais très facilement, et les gens du métier vous affirment la même chose. Alors on ne se méfie pas trop, et on attend. Une semaine. Deux semaines. Trois semaines. Relance des mails. Rien.

La vérité est que mon avenir dépend presque de ce stage. J’ai besoin de cette école pour avoir un master Productions audiovisuelle qu’on ne retrouve qu’à l’INA et dans une autre école, alors il faut une réponse assez vite. Ce sont les deux seuls masters auxquels je peux accéder sans me ruiner et qui me permettraient de travailler dans la programmation télévisée, par exemple.

Que pourrais-je donc faire de plus ?

Donc je lis cette réponse négative, il est 22 heures. On me dit que je ne suis pas assez cinéphile, que la licence Arts du spectacle n’est pas un bon cursus pour ce domaine. Oui, effectivement. C’est pour cela que j’ai besoin d’entrer en école ! On sous-entend que, dans le milieu, je ne vaudrais rien du tout : « Votre profil ne correspond pas à ce type d’annonce. » On me dit que cette offre ne correspond pas à mes attentes, car le stage est axé sur un autre point que celui qui m’intéresse, alors qu’il était mentionné dans l’annonce. Je me demande comment un recruteur peut être si violent et mentir comme ça.

Ensuite, j’essaie de voir ce que je pourrais faire de plus, après avoir réalisé deux courts-métrages et fait des études de cinéma. Il est vrai que le plus important, que j’ai baptisé Sisters, n’est pas excellent. Mais j’avais toujours voulu réaliser quelque chose et c’est chose faite. Je n’ai pu rien faire de plus à cause de mon emploi du temps chargé comme jamais.

Je me lève à 5 h 30 et reviens chez moi après les cours à 19 h 30, presque tous les jours. Ensuite, je prépare à manger. Je me lave. Puis, je m’arme de mon ordi et je commence à écrire mes lettres de motivation. J’arrête au bout de deux heures, le cerveau en compote. Il est 23 heures, je suis épuisée, j’essaie de me divertir quelques minutes avant de dormir. Mais je ne dors pas.

Des nuits sans dormir, à pleurer

Je me pose 40 000 questions : « Est ce que j’ai bien dit ce que j’attends du stage ? » ; « Est-ce que ma lettre de motivation est trop longue ? » ; « Est-ce que, cette fois-ci, ça va marcher ? » ; « Je fais quoi si je n’ai pas d’école ? » ; « Pourquoi j’ai voulu travailler là-dedans aussi ? On m’avait dit que c’était perdu d’avance. » 

Puis, vient une heure du matin. L’alerte Profil Culture qui me résume les offres de la journée. Wow une dizaine ! Et ensuite je lis « stage de fin d’études », « bac +4 minimum », « première expérience exigée ». Il n’y a qu’une ou deux offres auxquelles je peux postuler. Je ne suis qu’en L2 et je n’ai eu aucune expérience professionnelle de toute ma vie.

Et je me mets à pleurer. Parce que je sais que, demain, une centaine de personnes verront ces annonces et que c’est celle avec la meilleure expérience qui sera choisie. Mais, au fond, je me dis qu’il ne faut pas craquer et qu’un jour je vais avoir une chance. Puis, je me souviens que je dois postuler à l’école dans un mois et que je n’ai toujours rien.

Mes relations et mes notes impactées

Cette night routine impacte mon sommeil. Je ne dors presque plus, c’est la peur de l’échec qui me tient éveillée. Alors, évidemment, j’ai du mal à me concentrer en cours, car même si on ne s’y plaît pas, il faut un diplôme. Je déprime. Je ne me vois pas faire autre chose dans la vie honnêtement. Après le combat pour surmonter mes difficultés au collège et au lycée, je ne peux pas abandonner mon rêve maintenant.

La journée, je n’ai pas le temps de penser à tout ça, bouleversée par la fatigue, j’essaie de me concentrer sur les cours mais je suis au bord de les lâcher. Parfois, après être rentrée, j’essaie de relire vite fait, mais c’est impossible. Je n’arrête pas de penser que c’est complètement hors sujet par rapport à ce que je veux faire et que ma place n’est pas ici. Alors, je renonce, je remets ça au week-end. Cependant, la nuit, il n’y a que cela qui compte. Le stage. Le stage. Le stage.

À peine arrivé à Paris pour débuter son alternance, Rifari s’est rapidement retrouvé au chômage. Mais accompagné par des associations et des formations, il a réussi à retrouver une super entreprise.

Photo en noir et blanc prise derrière une vitre de deux jeunes hommes devant leurs ordinateurs portables allumés. Ils sont assis à une table et l'un d'entre eux, celui de droite, lève son bras gauche, la main vers le ciel et semble parler.

Ça a un impact sur mes relations amicales, sur ma relation avec mon copain, car on finit par presque ne plus avoir d’échanges ou alors je ne fais que part de mes angoisses, en parler constamment sans m’en rendre compte. Récemment, j’ai constaté que ça impactait mes études. Je n’ai pas validé mon semestre. Alors, j’ai pris la décision d’arrêter d’envoyer des candidatures. On n’a pas de stage donc il faut sauver le dossier au maximum.

À l’heure où j’écris ces lignes, il me reste six réponses à obtenir. Pour deux d’entre elles, j’ai candidaté en anglais car il était écrit que l’anglais devait être maîtrisé. J’y ai passé plus de temps, en sachant que c’était les dernières.

Morgane, 21 ans, étudiante, Palaiseau

Crédit photo Unsplash // CC Szabo Viktor

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