Abou A. 17/06/2022

Mineurs isolés, on partage la même chambre mais pas la même langue

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Abou vit dans un hôtel social. Francophone, il vit avec un colocataire afghan qui ne parle que le farsi. La communication est compliquée.

Je viens de Côte d’Ivoire. Et, depuis que j’ai obtenu le statut de mineur isolé, je vis à l’hôtel. Là-bas, c’est entrées – sorties, on n’a de lien avec personne d’autre que son colocataire. Donc ce n’est pas évident quand tu ne peux pas parler avec lui.

Je partage ma chambre avec un Afghan depuis trois mois maintenant. On ne se comprend pas du tout parce qu’il ne parle qu’afghan. J’aimerais lui faire comprendre qu’il faudrait qu’on partage les tâches ménagères, mais je n’y arrive pas. Chaque jour, c’est moi qui nettoie la chambre. Il est désordonné et pas très propre, donc c’est moi qui dois tout faire, ça m’énerve !

Ça se passe mal

On ne communique pas bien parce que, moi, je parle français et malinké. Lui, il ne parle même pas anglais. On essaie de se comprendre avec le langage des signes. Parfois, il prend son téléphone et il met une appli qui permet de traduire. Il parle à son téléphone en afghan, et ça le répète en français. Souvent, ça donne des phrases qui n’existent même pas !

Dans la colocation, ça se passe mal parce qu’il est tout le temps au téléphone. Il fait des appels vidéo jusqu’à minuit. Il ne sait pas parler doucement, il crie. Je lui fais des signes pour qu’il comprenne qu’il faut qu’il parle moins fort et il agite sa main, comme pour dire « oui oui , je vais le faire ».  Heureusement, il a commencé à prendre des cours de français, il me dit : « Bonjour mon ami » ; « Bonsoir, mon ami » ; « Excusez mon ami. » Il progresse un peu. Il me dit qu’il veut que je lui apprenne le français. Mais il parle qu’avec ses amis afghans. Dès qu’il rentre, il est sur son téléphone en afghan. Donc je lui dis que ce n’est pas comme ça qu’il va progresser !

Besoin de pouvoir se comprendre

Quand la nourriture du pays me manque, je vais à Belleville. Ils vendent des plats africains comme le tiep. Un bon riz que j’aime, je suis content de retrouver ça. Ce qui me fait surtout plaisir là-bas, c’est que tout le monde parle le malinké ou le bambara. Je peux donc m’exprimer dans ma langue et être compris.

Entre ses origines, son pays de naissance et sa vie en France, Tyana parle trois langues. Chez le médecin, au supermarché… elle doit traduire pour sa famille.

Capture d'écran d'un autre article de la ZEP. On voit une personne de profil sur un fond rose où il y a de nombreuses lettre étalées un peu partout

Ça me change de l’hôtel où je ne suis qu’en contact avec mon colocataire ! Heureusement, j’ai des copains en dehors avec qui je vais manger, parler, faire un foot. Au pays, j’étais dans un centre de formation de football, donc c’est important pour moi de retrouver ça ici.

Mais dès qu’on arrive à l’hôtel, c’est fini. J’aimerais bien avoir un copain dans ma chambre. Je ne cherche pas forcément un Ivoirien ou un Malien, juste quelqu’un qui parle une langue que je comprends : français, bambara, malinké, peu importe !

Abou, 16 ans, en formation, Paris

Crédit photo Flickr // CC JoyAndJourney

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