Afghan en Iran, je voulais juste étudier normalement
La vie d’immigré, c’est un mauvais point de départ dans la vie. Tu ne peux pas penser à ton avenir comme les autres.
La première fois que les talibans sont arrivés au pouvoir, en 1996, ma famille s’est réfugiée en Iran. Ils pensaient que la langue [le farsi, ndlr] et la religion commune [l’islam, ndlr] pourraient les aider à avoir une vie meilleure. Tout ça s’est compliqué avec le temps. Mon père disait qu’autrefois, les relations entre les deux nations étaient bien meilleures, qu’on voyageait sans problème en Iran.
Mon premier refus
Je suis né et j’ai grandi en Iran. Les Iraniens vont à l’école à 7 ans, mais pour les Afghans c’est différent. Moi, j’étais curieux, je voulais grandir plus vite pour faire plein de choses. Tous les midis, je voyais défiler des élèves en uniforme et sac à dos, je les enviais. Ma mère me disait « Lorsque tu auras l’âge tu pourras y aller. » Je demandais tout le temps : « Est-ce que vous pourrez m’emmener à l’école ? »
Un jour, mon père m’y a emmené. On a franchi un grande porte, mes yeux brillaient. Il y avait une grande cour et des enfants qui jouaient. Sur les murs, il y avait de très beaux dessins. J’étais fasciné. Un grand monsieur nous a accueillis, je lui ai demandé si c’était ça l’école.
Mon père lui a expliqué qu’il voulait m’inscrire ici. Ils ont parlé d’âge, de carte d’identité. Je suis intervenu : « Inscrivez-moi et je vous promets que je vais y arriver. » Le monsieur m’a souri : « Tu dois rester à la maison, et à 7 ans tu pourras aller à l’école », et a glissé tout doucement à mon père : « Ici, on ne peut inscrire que les citoyens iraniens. » Je n’ai pas compris ce jour-là ce que voulait dire « citoyenneté ».
À partir de ce moment-là, je demandais sans cesse à mes parents quand est-ce que j’allais avoir 7 ans.
Quand j’ai eu l’âge, ils m’ont amené dans une école, qui n’était pas celle visitée auparavant. Mon père m’a dit : « L’autre école est fermée et on va en trouver une meilleure. » Elle n’était destinée qu’aux immigrés afghans. Il n’y avait pas de cour pour jouer, ni de jolis dessins, ni chaises, ni tables. Tous mes rêves se sont envolés. Je pensais que mon père ne voulait pas que j’aille à l’école. J’étais très en colère, cette école n’a jamais remplacé la première que j’avais vue.
L’importance du statut
Un Afghan en Iran n’a aucune garantie pour son avenir, qu’il y soit né ou non. En effet, j’ai vu trois sortes d’immigrés : ceux qui ont un passeport spécial pour les études, ceux qui sont nés en Iran mais resteront immigrés afghans, et enfin les immigrés illégaux, sans droits. Là-bas, nos droits sont limités quel que soit notre statut. Les études supérieures sont difficiles d’accès et très chères. Les diplômés sont dans l’obligation de retourner dans leur pays d’origine. Et c’est même quasi impossible d’avoir une carte SIM à son nom. L’Iran n’est pas un pays pour les immigrés.
À l’âge de 15 ans, j’ai dû quitter l’Iran. Je suis parti avec un ami de mon père, en Suède, avec beaucoup de difficultés. C’est un pays très froid et les gens aussi y sont très froids. Là-bas, j’ai fait la connaissance de Mehdard. Celui-ci m’a ouvert les yeux sur des problématiques que je ne connaissais pas. Il est iranien et homosexuel. Il m’a raconté l’histoire de sa vie, et sa lutte LGBT. J’ai décidé d’écrire une histoire sur lui, et j’ai gagné un prix.
Fin 2019, fatigué de la procédure de demande d’asile, j’ai dû quitter la Suède. Arrivé en France, j’ai demandé l’asile politique. C’est le début de ma vie ici. Ce qui m’est arrivé en tant qu’immigré, c’est arrivé à beaucoup de monde. Avec l’aide d’amis afghans et iraniens, nous avons mis sur pied une école pour les enfants immigrés. Nous voulons pour eux ce que nous n’avions pas pu avoir : des conditions propices à un avenir radieux.
Mustafa, 22 ans, en formation, Paris