Ahmed E. 13/01/2023

2/4 Mon bac sous chimio

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En terminale, Ahmed a appris qu’il souffrait d’un cancer du sang. Il a révisé son bac à l'hôpital pendant des nuits entières.

À l’hôpital, une infirmière passait le bac en même temps que moi. Elle avait la quarantaine. Le matin, on révisait ensemble les mathématiques. C’était moi le prof ! Les autres matières, je les révisais tout seul, parce qu’elle était en économie-gestion, alors que moi j’étais en sciences de l’informatique.

J’avais toujours la même routine : à partir de minuit, je commençais mes révisions et je terminais à 5 heures du matin. J’ai veillé des nuits en étudiant. Mes amis et mes professeurs m’envoyaient les cours. Je cherchais aussi sur YouTube, et sur des sites web avec des cours en ligne. C’était difficile. J’étais seul, et je ne pouvais pas demander d’aide.

J’ai appris que j’avais un cancer du sang en entrant en terminale. J’habitais avec ma famille à Tunis, en Tunisie, et quelque chose d’inattendu s’est produit. Je me suis senti épuisé, et mon état s’est aggravé. Dès que je marchais un petit peu, je me sentais faible. Je dormais tout le temps, je ne pouvais plus rester avec mes amis. Je ne pouvais pas manger, je n’avais plus faim. J’ai perdu beaucoup de poids.

Arrêter l’école

Je suis allé chez le médecin, mais il n’était pas spécialisé. Il m’a envoyé chez un autre docteur. J’ai fait des analyses et des prises de sang. Ils ont découvert que mon état était urgent donc ils m’ont envoyé à l’hôpital d’hématologie, à Tunis.

Là-bas, j’ai refait des prises de sang et un myélogramme (prélèvement de la moelle osseuse). C’est comme ça que j’ai appris pour mon cancer. Après les tests, ils m’ont forcé à rester un mois pour commencer le traitement. J’ai appris que j’allais arrêter d’étudier et que je ne pouvais pas retourner à l’école. C’était une période difficile.

La chimiothérapie a commencé, ce qui a aggravé mon état. J’ai eu une chute de cheveux, ma peau était très sensible, j’avais beaucoup de douleurs dans la bouche et dans la gorge, je dormais tout le temps…

Déterminé, pas stressé

Avec détermination, patience et force, j’ai essayé de continuer mes cours à l’hôpital. J’aimais beaucoup l’année du bac. Ça faisait longtemps que j’attendais la fin du lycée et je ne voulais pas redoubler. Je n’avais jamais redoublé.

Je suis sorti avant la semaine de bac blanc en mai, et ça s’est bien passé. En juin, j’ai passé le bac principal. Je suis entré dans la salle d’examen en ayant confiance en moi et j’ai passé tous mes examens d’une manière merveilleuse. Il n’y avait pas de stress. Je n’ai raté que quatre matières : l’anglais, le français, l’arabe et la philosophie. C’était des coefficients 1.

À l’hôpital, je ne pouvais pas réviser toutes les matières en même temps, alors j’avais juste révisé les principales avec des gros coefficients. L’informatique par exemple, c’était coefficient 6. Si je ne faisais pas ça, je ne réussissais pas.

Ouvrir une nouvelle page

J’ai réussi à avoir mon bac. Les professeurs m’ont dit que j’étais un champion. J’ai eu une mention assez bien, avec 12,20 de moyenne. J’étais fier.

À 15-16 ans, mon rêve, c’était d’être militaire. C’est un bon travail en Tunisie. Alors après le bac, j’ai fait une inscription pour l’académie militaire tunisienne. J’ai passé trois tests : psychotechnique, médical et sportif. Je les ai tous réussis. Mais j’ai fait une rechute, donc je n’ai pas pu continuer.

SÉRIE 3/4 Solitude et douleurs rythmaient le quotidien de Bilal à l’hôpital. Depuis sa sortie, il n’a qu’une idée en tête : rattraper le temps perdu.

Illustration série. Au centre de l'image, un garçon se tient debout, les mains dans les poches, au milieu de la cafétéria de l'hôpital. Il porte un peignoir à motif treillis blanc cassé, marron clair et marron foncé. Ses cheveux sont châtain, rasés sur les côtés. Sa tête est légèrement tournée vers sa gauche. Il regarde en l'air, en fronçant les sourcils.

Je suis retourné à l’hôpital. Après mes cures, le médecin m’a dit qu’il fallait faire une autogreffe (greffe de moelle osseuse). J’ai envoyé mon dossier à Gustave Roussy à Paris, et ils m’ont accepté. L’assurance maladie tunisienne a accepté de prendre en charge ma greffe en France.

Là, ça fait huit jours que je suis à Gustave Roussy [texte écrit en juillet 2022, ndlr], et je rêve de terminer mes études en France. J’ai fait des demandes dans une école de management et de commerce. J’ai appris en avril dernier que j’étais accepté ici, en France.

Après les lourdes souffrances de la maladie, j’espère ouvrir une nouvelle page et commencer une nouvelle vie. Mon nom renaît après la greffe.

Ahmed, 19 ans, étudiant, Paris

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

 

L’école à l’hôpital…

Chaque année, environ 11 000 élèves sont obligé·es de suivre leur scolarité à l’hôpital. Elles et ils sont suivi·es par près de 800 professeur·es affecté·es par l’Éducation nationale, pour éviter le décrochage scolaire. Des associations comme l’École à l’hôpital et des dispositifs comme le Cned viennent en renfort.

… et à la maison

Pour les jeunes malades obligé·es de rester chez eux, il existe aussi un service d’assistance pédagogique à domicile : des enseignant·es volontaires leur permettent de ne pas perdre le fil de leurs études.

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