3/5 Pas dans les critères, pas sur les photos
Je ne poste jamais ma tête sans filtre. Mon corps n’apparaît pas sur les photos et n’y apparaîtra jamais. Je ne me supporte pas.
Les gens de mon âge aiment prendre des photos et se faire des souvenirs en vidéo avec leurs amis, leur famille. Moi, rien de tout ça. Je hais voir à quoi je ressemble et regrette immédiatement d’avoir fait une photo. Si quelqu’un me prend en photo, je demande de la supprimer. Je me déteste.
Je me sens souvent très mal par rapport à mon apparence, au point de m’en rendre malade. Si je ne rentre pas dans les critères, c’est-à-dire skinny et jolie, je me prendrai plein de remarques, peu importe ce que je fais. Je sais que je ne rentre pas dedans et, aujourd’hui plus qu’avant, cela m’atteint. Je ne suis pas obèse mais je ne suis pas mince non plus.
Cachée sous un émoji sur les photos
Quand on prend des photos de groupe, que ce soit en vacances avec ma famille ou en soirée avec mes potes, je me cache derrière les gens ou mes grandes chemises. Quand une amie me prend en photo, je lui demande de me cacher avec des émojis avant de la poster sur les réseaux. Si elle ne le fait pas, je me sens mal et me demande ce que les gens en pensent, pendant des heures.
Certaines amies soufflent parfois de mes réactions, mais la plupart comprennent, tout en me disant qu’il n’y a pas besoin de faire cela. La seule avec qui je n’ai pas de problèmes, c’est ma meilleure amie. J’étais chez elle ce week-end et on a fait plein de vidéos où on rigolait et ça ne me dérangeait pas, je sais qu’elle ne me juge pas.
Un jour, mon père m’a dit qu’il n’était pas content. Il m’a rapporté que ses amis lui faisaient des remarques car il n’avait aucune photo de moi sur son Facebook, seulement de ma sœur. Lui ne me fait en revanche jamais de remarques. Au contraire, il me dit que je suis bien comme ça.
Taper du poing sur la table familiale
Les remarques viennent plus de ma famille qu’ailleurs. Ils n’ont aucune gêne à se moquer de moi, devant moi. Je pense que cela participe énormément à mes complexes. Le plus drôle, c’est que ceux qui se moquent de moi ne sont pas ultra maigres, il sont même enveloppés. Ils me rappellent sans cesse que je ne suis pas dans les schémas de beauté. Ils me le ressortent quoi que je dise et fasse. « Tu manges trop vite, ça participe à ton image » ; « Tu ne peux pas mettre ces vêtements, t’es pas assez mince. » Le pire, c’est que si j’ose répondre, on me rejettera la faute dessus, ou on me dira : « C’était pour rire » ; « C’était pour ton bien. »
SÉRIE 4/5 – Sasha le sait bien : ne pas s’épiler, c’est ok ! Mais quand il s’agit des poils sur son corps, c’est une autre histoire…
Une fois, on était à table et X se moquait ouvertement de moi. J’ai tapé les poings sur la table et j’ai dit que j’entendais tout, que ses mots me blessaient. X s’est énervé en disant que c’était « juste la vérité ». Je n’ai été soutenue par personne à la table car Y a rétorqué que X faisait ça pour mon bien. Comment on peut prétendre vouloir aider quelqu’un en le rabaissant ? Quelle utilité ? La réponse est simple : ils ne cherchent pas à aider, ils cherchent juste des excuses à leur comportement. Tout ça me pèse sur la conscience. Maintenant, quand je mange, je me demande ce que pensent les gens.
Afin de mieux m’aimer, il y a plusieurs techniques. Avant, je n’aimais pas comment je m’habillais, ça participait à mon mal-être. Aujourd’hui, j’aime comment je m’habille. Néanmoins, il y a toujours des choses que je n’arrive pas à porter, je ne me trouve pas assez bien pour les mettre. Les jeans taille basse par exemple. Je me maquille aussi, mais je ne peux plus sortir sans, sinon je me trouve moche. Effet boomerang.
Sabrina, 16 ans, lycéenne, Strasbourg
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Miroir, dis-moi qui est la plus belle
Dans le cadre d’une campagne pub sur l’estime de soi et les réseaux sociaux, Dove a fait appel à un institut de sondage pour interroger 600 enfants belges. Les résultats, même s’ils sont partiels, montrent une tendance :
– Entre 13 et 15 ans, le nombre de filles qui ont honte de leur apparence triple,
– 60 % des filles de plus de 13 ans se servent de filtres,
– Une jeune fille prend 8,5 selfies avant d’en trouver un « digne » d’être partagé.
Bien dans son corps, bien dans sa tête
Sur les réseaux sociaux, le sort réservé aux personnes qui ne correspondent pas à ces canons de beauté truqués a fait naître une inquiétante mise au pilori. C’est ce qu’on appelle le body shaming. Pour faire simple, c’est le fait de subir des remarques désobligeantes et des moqueries à propos de son corps ou de son apparence. Cela concernerait un·e Français·e sur trois. Ce chiffre monterait à environ 85 % chez les moins de 18 ans.
Ce sont les filles qui en sont les premières victimes : 23,9 % d’entre elles sont victimes d’intimidation en ligne, contre 18,5 % pour les garçons. Tout comme le cyberharcèlement : 1 fille sur 5, âgée de 12 à 15 ans, rapporte avoir été insultée en ligne sur son apparence physique.
Les médias, eux aussi, ont leur part de responsabilité : les silhouettes élancées surplombent les supports marketing, les publicités quant à elles vendent du régime minceur miraculeux à tous les étages. Le message transmis semble clair : pour être beau ou belle, il faut être mince. Quand on est en pleine croissance, comment s’y retrouver dans tout cela ?
Partout dans le monde, des femmes brisent le tabou. En France, la blogueuse Gaëlle Prudencio revendique à haute voix ses formes et les apprécie. À l’aide de son premier livre Fière d’être moi-même, elle veut libérer la parole des femmes sur l’acceptation de leurs corps tels qu’ils sont. Militante du body positive, elle a notamment conçu la marque Ibilola, consacrée aux femmes rondes.
Chacun·e ses poils, chacun·e ses choix
Jambes poilues, sourcils fournis, moustaches dévêtues… Désormais, les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir laisser la nature reprendre ses droits. Selon l’Ifop, la proportion de femmes qui ne s’épilent pas ou plus du tout a nettement augmenté. 28 % en 2021, pour 15 % seulement en 2013. Un phénomène accentué par les confinements successifs et la baisse des interactions sociales.
C’est le cas d’Eldina Jaganjac. Sur son compte Instagram, elle affiche naturellement son monosourcil, sa moustache, et montre son évolution pileuse. Pour Eldina, s’épiler, c’est une perte de temps et d’argent.
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Cette tendance a un nom : le No Shave. Le concept ? Inciter les femmes à laisser pousser leurs poils. Mais il ne s’agit pas du seul mouvement qui pousse à les assumer : #Januhairy, #LesPrincessesOntDesPoils, #BodyHairDay… En 2019, la mannequin Emily Ratajkowski avait fait sensation en lançant le #FreeTheArmpitHair. La raison ? Une photo d’elle avec les aisselles non épilées sur Instagram.
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Malgré sa popularité, cette pratique n’en reste pas moins socialement dérangeante : « Pas féminins », « pas hygiéniques », « pas jolis »… les critiques et les stéréotypes de genre persistent.
bonjour, beaucoup de jeunes filles souffrent de ce diktat de la beauté, sont féroces entre elles pour attirer le regard d’un garçon. La société de (sur)consommation accentue cet état de fait, de façon assez impitoyable. Pourtant, des femmes se sont déjà élevées contre cela. Lisez « le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir et « Une farouche liberté » de Giselle halimi et vous comprendrez qu’une femme au 21ème siècle a bien d’autres choses plus importantes à vivre que la beauté. Bonne journée et bonne lecture.