Sasha A. 26/04/2023

4/5 Je m’épile pour être « présentable »

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Sasha le sait bien  : ne pas s’épiler, c’est ok  ! Mais quand il s’agit des poils sur son corps, c’est une autre histoire…

Il m’est déjà arrivé de ne pas vouloir aller à la plage parce que j’avais trop de poils. Dans ces cas-là, je fais semblant d’avoir oublié mon maillot de bain et je reste habillée. J’ai trop honte de mes jambes.

J’ai toujours eu des poils assez visibles et j’ai commencé à les épiler quand j’avais 11 ans. C’était de mon plein gré et je ne peux pas dire qu’on m’ait déjà incitée ou forcée à m’épiler. J’ai toujours eu cette vision de la beauté. Même si on ne m’a jamais fait de remarques indécentes, j’ai peur que les gens ne trouvent pas ça « propre », qu’ils se disent que je ne suis pas belle. Je voulais et je veux être belle.

J’envisage le laser

Chez les autres, la pilosité ne me dérange pas. Je pars du principe que chacun a le choix de s’épiler ou non. Cependant, dès que cela concerne le mien, je n’arrive pas à changer ma perception des poils. Je ne me trouve pas présentable lorsque je ne suis pas épilée.

Je m’épile toujours avec de la cire et décolore les poils sur mon visage. Plus le temps passe et plus je commence à envisager le laser, car j’évite toujours de sortir en short ou d’être en maillot de bain quand je ne suis pas épilée. Je ne mets des shorts qu’occasionnellement, et seulement chez moi. Les seules personnes avec qui je suis un peu plus à l’aise par rapport à ma pilosité sont les membres de ma famille.

Changer mon regard sur les poils

De plus en plus de femmes arrêtent de s’épiler ou de se raser, notamment grâce aux réseaux sociaux où des personnes soutiennent la cause féministe. Ces mêmes réseaux où la représentation la plus courante de la femme est une personne sans défaut et, surtout, sans poils. D’un côté, je suis vraiment soulagée de voir des représentations de femmes qui sont « comme moi ». De l’autre, je n’arrive pas à me détacher de l’image de la pilosité que l’on m’a et que je me suis moi-même inculquée.

SÉRIE 5/5 Flora s’aime, et elle le dit haut et fort. Elle invite les autres à faire de même : zéro jugement, que de la bienveillance.

Capture d'écran de l'article : "Heureuse et à l'aise avec mes complexes". Il est illustré par un dessin représentant une jeune fille en sous-vêtements, de dos.

Depuis que je suis petite, je fais « attention » à mon apparence et prends toujours en compte le regard des autres en me mettant à la place d’autrui. En rajoutant à mes autres complexes la pression que je me suis créée autour des poils, me sentir belle ou du moins présentable devient de plus en plus compliqué.

Sasha, 15 ans, lycéenne, Île-de-France

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Miroir, dis-moi qui est la plus belle

Dans le cadre d’une campagne pub sur l’estime de soi et les réseaux sociaux, Dove a fait appel à un institut de sondage pour interroger 600 enfants belges. Les résultats, même s’ils sont partiels, montrent une tendance :

Entre 13 et 15 ans, le nombre de filles qui ont honte de leur apparence triple,

60 % des filles de plus de 13 ans se servent de filtres,

– Une jeune fille prend 8,5 selfies avant d’en trouver un « digne » d’être partagé.

Bien dans son corps, bien dans sa tête

Sur les réseaux sociaux, le sort réservé aux personnes qui ne correspondent pas à ces canons de beauté truqués a fait naître une inquiétante mise au pilori. C’est ce qu’on appelle le body shaming. Pour faire simple, c’est le fait de subir des remarques désobligeantes et des moqueries à propos de son corps ou de son apparence. Cela concernerait un·e Français·e sur trois. Ce chiffre monterait à environ 85 % chez les moins de 18 ans.

Ce sont les filles qui en sont les premières victimes : 23,9 % d’entre elles sont victimes d’intimidation en ligne, contre 18,5 % pour les garçons. Tout comme le cyberharcèlement : 1 fille sur 5, âgée de 12 à 15 ans, rapporte avoir été insultée en ligne sur son apparence physique.

Les médias, eux aussi, ont leur part de responsabilité : les silhouettes élancées surplombent les supports marketing, les publicités quant à elles vendent du régime minceur miraculeux à tous les étages. Le message transmis semble clair : pour être beau ou belle, il faut être mince. Quand on est en pleine croissance, comment s’y retrouver dans tout cela ?

Partout dans le monde, des femmes brisent le tabou. En France, la blogueuse Gaëlle Prudencio revendique à haute voix ses formes et les apprécie. À l’aide de son premier livre Fière d’être moi-même, elle veut libérer la parole des femmes sur l’acceptation de leurs corps tels qu’ils sont. Militante du body positive, elle a notamment conçu la marque Ibilola, consacrée aux femmes rondes.

Chacun·e ses poils, chacun·e ses choix

Jambes poilues, sourcils fournis, moustaches dévêtues… Désormais, les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir laisser la nature reprendre ses droits. Selon l’Ifop, la proportion de femmes qui ne s’épilent pas ou plus du tout a nettement augmenté. 28 % en 2021, pour 15 % seulement en 2013. Un phénomène accentué par les confinements successifs et la baisse des interactions sociales.

C’est le cas d’Eldina Jaganjac. Sur son compte Instagram, elle affiche naturellement son monosourcil, sa moustache, et montre son évolution pileuse. Pour Eldina, s’épiler, c’est une perte de temps et d’argent.

 

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Cette tendance a un nom : le No Shave. Le concept ? Inciter les femmes à laisser pousser leurs poils. Mais il ne s’agit pas du seul mouvement qui pousse à les assumer : #Januhairy, #LesPrincessesOntDesPoils, #BodyHairDay… En 2019, la mannequin Emily Ratajkowski avait fait sensation en lançant le #FreeTheArmpitHair. La raison ? Une photo d’elle avec les aisselles non épilées sur Instagram.

 

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Une publication partagée par Emily Ratajkowski (@emrata)

Malgré sa popularité, cette pratique n’en reste pas moins socialement dérangeante : « Pas féminins », « pas hygiéniques », « pas jolis »… les critiques et les stéréotypes de genre persistent.

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