J’ai besoin de ma dose de bagarre
Mes parents ont toujours été en conflit. Mon père a rencontré une femme, Jessica. En parallèle, ma mère a eu le choix : s’occuper de son seul enfant (moi) et toucher les aides de l’État, ou cumuler deux emplois. Elle a choisi la deuxième option. Donc ma belle-mère a eu plus d’importance pour moi que ma propre mère.
Quand j’ai eu cinq ans, j’ai eu une petite sœur, je me suis senti délaissé par ma belle-mère. Mon moral était en chute libre et les pathologies se sont accumulées : troubles de l’attention, troubles du développement, troubles du comportement. Je suis devenu de plus en plus violent.
Je haïssais le monde, Je me sentais abandonné. Donc pour extérioriser toute cette haine, à l’école, je me battais quasiment tous les jours. J’ai même harcelé un jeune de mon âge handicapé, ce que je regrette tellement. Je me dégoûte moi-même, j’ai fait tellement de mal…
Viré de mon école
Pour moi, la bagarre est un moment très agréable. Je partage ce sentiment avec mon ami d’enfance, mon seul véritable ami depuis mes 3 ans. De mon entrée à l’école, à 3 ans, jusqu’à mes 12 ans environ, je me suis battu quasiment tous les jours. En petite section par exemple, j’ai étranglé un « grand », juste parce qu’il avait pris un vélo que je voulais utiliser.
Trop c’est trop : dès l’âge de 5 ans, je me suis fait virer de mon école en même temps que mon meilleur ami. Je me suis dit que je devais me calmer, mais au final, j’ai continué à m’attirer de plus en plus de problèmes.
À chaque bagarre, je ressentais de plus en plus de sensations, comme si mon cerveau me disait : « continue comme ça, plus tu te battras et plus tu te sentiras bien ». J’étais toujours plus colérique, un mauvais regard suffisait à me faire perdre la raison, comme si j’étais absorbé par quelqu’un, quelque chose de bien plus puissant que moi. Je ne pouvais pas lutter contre ma nature.
Je suis suivi par des professionnels
Mais j’ai reçu l’aide d’un éducateur spécialisé qui m’a appris à gérer mes pulsions. Grâce à lui, j’ai arrêté de me battre en cinquième. Cet homme a tout de suite réussi à capter mon attention, il m’expliquait ce que je faisais mal. Pour moi, c’est la seule personne qui m’a réellement aidé. Je lui dois tout, c’est grâce à lui si je suis devenu l’adolescent que je suis actuellement. Même si depuis mes deux ans, je suis suivie par toute une équipe pédagogique, composée de psychologues, ergothérapeutes, éducateurs, orthophonistes, psychiatres.
J’ai 15 ans. Je suis au lycée, dans une filière professionnelle. Je ne me suis pas battu depuis la cinquième. Mes problèmes de comportements sont réglés, je me sens mieux… Mais les bagarres me manquent ! Ce n’est pas une envie, mais un manque…
J’essaie de m’en sortir au niveau des études. Je suis motivé, mais en dehors des cours, je me sens mal, vide, seul. Je me sens enfermé et dans ces moments-là, j’ai les souvenirs de mes meilleures bagarres avec mon ami d’enfance, mon frère. Comme si mon cerveau me disait : « une dernière bagarre, une dernière danse… »
Mathieu, 15 ans, lycéen, Quimper