Vanessa K. 08/03/2024

1/3 IVG : « Le regard du gynécologue plein de dégoût »

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Vanessa a été violée à l’âge de 12 ans. Enceinte, elle a choisi d’avorter. Les professionnels de santé qu’elle a croisés dans sa démarche n’ont fait qu’ajouter de la violence à celle déjà subie.

J’ai eu beaucoup de mal à parler et à dire les choses car j’avais peur du regard de mon médecin. Je gardais la tête baissée. J’ai été violée à l’âge de 12 ans. J’ai parlé de ce qui m’était arrivé un mois après, quand j’ai eu un rendez-vous avec mon médecin traitant. Il n’a pas vraiment écouté ce que je disais. Il n’en a parlé à personne, même pas à mes parents.

Après, j’ai dû faire une échographie interne, c’est-à-dire à l’intérieur du vagin. Et là, j’ai vu le regard du gynécologue plein de dégoût. Je me souviendrai toujours de sa phrase. « Tu l’as peut-être mérité. » Je me souviens de cette honte qui m’a parcourue le corps quand j’ai entendu cette phrase. J’en suis encore traumatisée.

Une personne majeure de mon entourage m’a accompagnée aux rendez-vous, mais j’étais seule face aux médecins. Je ne voulais pas d’une autre personne avec moi pendant qu’on me faisait cette échographie. La consultation a été difficile car le gynécologue ne faisait pas attention à ne pas me faire mal. J’étais gênée. Je voulais que tout s’arrête. Même maintenant, alors que j’ai 20 ans, quand j’y repense, je veux juste m’enfuir.

J’étais enceinte. J’ai dû décider entre garder cet enfant ou avorter. Vu mon âge, je ne pouvais pas le garder. Je suis donc allée, pour la première fois, dans un centre d’IVG (interruption volontaire de grossesse).

Regards et messes basses

Pour y aller, j’ai dû prendre le bus car j’habitais à la campagne. La personne majeure est venue avec moi et mon meilleur ami aussi. Je n’avais que 12 ans et lui 11. Il a été là pour moi dès que j’en ai eu besoin. Arrivée au centre, j’ai dit pourquoi j’étais là. Les regards et les messes basses, je m’en rappelle comme si c’était hier !

J’ai ensuite vu le psychologue. C’est obligatoire avant un avortement. Il avait la quarantaine, le regard dur, les cheveux couleur poivre et sel. J’étais seule avec lui dans son bureau. Il ne voulait pas que mon ami soit avec moi. Quand il m’a vu, je l’ai entendu soupirer et dire : « Encore une qui devait être habillée vulgairement. Franchement, les jeunes, toutes des putes ! » Il se parlait à lui-même. Je me suis sentie rejetée alors que je ne voulais que de l’aide.

On m’a mise dans une salle avec la personne qui était venue avec moi. Un médecin m’a demandé si je voulais faire un avortement par aspiration ou par médicament. J’ai choisi les médicaments. Je pensais que ça allait faire moins mal qu’une opération. Le médecin m’a donné deux médicaments : un premier pour stopper la grossesse et un second pour évacuer l’embryon.

Zéro info, beaucoup de douleur

Je ne voulais pas que mes parents le sachent, alors j’ai décidé de prendre les médicaments un jour où il n’y avait personne chez moi. Le jour J est arrivé. J’ai demandé à mon meilleur ami de venir. On est allés dans ma chambre. Il m’a parlé pour me détendre et j’ai pris le premier médicament. Comme ça ne m’a pas fait mal, je me suis dit que je n’aurais pas mal non plus le lendemain. Si seulement j’avais su que je me trompais…

Le lendemain, personne chez moi. Comme la veille, on monte dans ma chambre et je prends le deuxième médicament. Au début, rien. Puis, d’un coup, des douleurs encore plus fortes que mes règles. Je hurle. Je pleure. Je n’aurais jamais pensé que ça ferait aussi mal. On ne m’avait rien dit sur les douleurs. Et on ne pouvait appeler personne.

SÉRIE 2/3 – À 14 ans, Mina pousse la porte d’un planning familial. Elle est enceinte et ne sait pas quoi faire. Il est hors de question pour elle d’informer sa mère.

Capture d'écran de l'article : "IVG : Les infirmières me rassurent". Il est illustré par un dessin, représentant des jambes de femmes, pliées, et sur lesquelles des mains viennent s'appuyer.

Mon ami m’a prise dans ses bras pour me calmer mais les douleurs étaient beaucoup trop fortes. Je me débattais. Je continuais de hurler. Je suis allée aux toilettes et j’ai vu du sang, foncé, sortir.

Quelques heures plus tard, c’était fini. Enfin ! Mon meilleur ami, qui était encore là, m’a aidée à me relever, à me laver et est resté avec moi, jusqu’à ce que mes parents rentrent à la maison. Quand ils sont rentrés, je n’ai rien dit. Je ne voulais pas que ça se sache. Jamais. Je n’ai pas porté plainte. Je ne connaissais pas mes agresseurs.

Vanessa, 20 ans, en formation, Ille-et-Vilaine

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Ressources utiles

Où trouver de l’info sur l’IVG ?

Si tu tapes « avortement » dans ton moteur de recherche, tu risques fort de tomber sur de la désinformation écrite par des personnes qui sont contre l’interruption volontaire de grossesse. Tu peux trouver l’information fiable et utile pour t’accompagner dans ton choix sur le tchat du Planning familial. C’est gratuit et confidentiel.

Le 3919, pour les victimes de violences sexistes et sexuelles

Le 3919 est un numéro qui permet d’échanger avec des policier·es ou des gendarmes spécialement formé·es aux violences sexistes et sexuelles. Les victimes et leur entourage peuvent composer ce numéro pour déclencher des interventions et recevoir de l’information sur ce qu’il faut faire.

Ce numéro est anonyme, gratuit, disponible tous les jours 24 heures sur 24, en métropole et dans les départements d’Outre-mer, et accessible aux personnes sourdes et malentendantes. En plus du français, douze autres langues (anglais, arabe, créole, dari, espagnol, hébreu, kabyle, mandarin, persan, polonais, portugais et turc) sont disponibles.

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