Avant d’arriver en France, je n’étais jamais allé à l’école
Au Mali, j’étais cultivateur. Je travaillais depuis mes 6 ans avec mon père les cultures de maïs, de gombo et de riz. Un jour, je suis parti tout seul dans un bus qui est passé par les provinces de Gao et de Kidal, et puis par l’Algérie et la Libye. Là-bas, j’ai pris le bateau en payant jusqu’à Lampedusa. Après quelques mois en Italie, je suis arrivé en France en mai 2016. J’arrivais pas à parler français donc j’ai fait les démarches pour chercher l’école. Dès que je suis arrivé, j’ai dit « école ! ». J’ai cherché, j’ai cherché, j’ai cherché.
J’ai rencontré une personne qui venait d’Afrique. Elle m’a guidé vers un centre d’accueil à Montreuil. On m’a demandé ce que je cherchais. J’ai répondu que je cherchais l’école. Ils m’ont dit : « Ok. Est-ce que tu as des parents ? ». J’ai répondu « Non ». Mais j’avais mon certificat de naissance et l’adresse de quelqu’un qui m’a hébergé dans son foyer. Il m’a inscrit et m’a donné des rendez-vous.
Le premier, c’était pour me tester. J’étais pas à niveau ! Mais on m’a dit de ne pas m’inquiéter et j’ai eu l’adresse de l’école. C’était le lycée professionnel Alexandre Dumas. J’y suis allé pour la rentrée en septembre alors que j’avais passé le test en juillet. En CSI, la Classe Scolarisation et Insertion.
« Tu peux y arriver, concentre-toi ! »
Ça s’est bien passé ! Ma professeure était gentille avec moi : dès qu’elle a connu ma situation, tous les matins elle me ramenait du café et des gâteaux. J’avais toujours envie d’aller à l’école et je restais toujours concentré. Certains jours c’était pas facile car je ne dormais pas bien. L’année dernière, après avoir quitté le logement où j’étais, j’ai dormi à la mosquée. Je n’avais pas d’endroit fixe entre le foyer et la mosquée. C’était interdit mais j’étais à l’intérieur. Je n’avais pas beaucoup d’argent pour manger. Il fallait s’organiser : deux fois par semaine j’allais récupérer de la nourriture qu’une association distribuait dans le 15ème.
Ma prof a tout fait pour m’aider même si ce n’était pas une assistante sociale. Elle me disait : « Tu es là pour apprendre, concentre-toi. » Elle m’a toujours encouragé pour passer le DELF, le Diplôme d’Etudes en Langue Française : « Tu peux y arriver, concentre-toi ! ». Je l’ai eu à la fin de l’année. J’étais content, j’étais fier.
Quand je suis arrivé de France, je ne savais pas lire ni parler, et à la fin, j’ai tout appris ! Parler, lire, écrire. Cette année, je prépare le CAP Pressing. Mais c’est chaud parce que j’ai pas de place pour lire, pas d’endroit pour réviser mes textes et faire mes devoirs. Pour bien écrire le français, il faut un endroit où être tous les jours ! En tout cas, l’école, ça change la vie et ça fait du bien de parler en français. J’aimerais continuer l’école jusqu’au bout. En Afrique on n’est rien, alors qu’en France, je peux vivre.
Mady, 16 ans, lycéen
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