Marie D. 24/03/2018

Femme ingénieure, j’ai osé

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Femme et ingénieure, ce n'est pas (encore) une évidence pour tout le monde. Quand j'ai choisi cette voie, je me suis retrouvée entourée d'hommes, parfois assez durs. J'ai su m'imposer.

J’ai eu une scolarité sans souci. Je ne m’étais jamais vraiment posé la question de ce que je voulais faire plus tard jusqu’à la classe de Terminale, où il a fallu faire un choix. Étant bonne en sciences, je me suis orientée vers une école d’ingénieurs. Comme pour beaucoup de jeunes je pense, je n’ai pas échappé à la pression familiale. Cela faisait tellement plaisir à mes parents que j’intègre une école d’ingénieurs. J’étais la fierté de ma famille.

La première année a été difficile. Je me suis retrouvée dans une école à 900 kilomètres de chez moi, loin de ma famille et de mes repères. J’ai validé mon année de justesse, je suis donc restée. J’ai eu beaucoup de doutes pendant ces cinq années. Ayant choisi comme spécialité « Génie Mécanique », je me suis retrouvée dans des classes avec un fort pourcentage de garçons (4 filles pour 50 garçons en moyenne). Pourtant, une solidarité féminine s’est installée naturellement entre le peu de filles. On révisait ensemble, on s’aidait beaucoup pour les cours. En école d’ingénieurs, la solidarité c’est une des clés de la réussite. Néanmoins, certaines d’entre nous se sont réorientées en cours de scolarité, pour de multiples raisons.

Les cours n’ont pas été évidents tous les jours, mes camarades garçons peuvent parfois être assez durs, mais également mes profs (des hommes pour la plupart). Combien de fois est-ce que j’ai entendu pendant mes cours d’usinage : « Attention ! Tu vas te casser un ongle ! » ou « Tu vas te salir ! » ? Bizarrement, on ne faisait pas ces réflexions aux garçons…

Et le sexisme, ce n’est pas que chez les ingénieurs ! Léna, c’est lors d’un atelier de professionnalisation qu’elle a compris : « Tu ne trouveras jamais de travail si tu ne t’habilles pas comme une fille. »

Les propos sexistes venaient donc de mes camarades, mais également de mes profs, notamment un. Je redoutais d’aller en cours avec lui, parce que je savais que j’aurais droit à des remarques sexistes et dévalorisantes. C’était la première fois que j’étais confrontée à cette situation et je n’étais pas armée pour. Je me demandais ce que je faisais là ? Je ne me sentais pas capable de réussir et d’être ingénieure. J’ai failli abandonner mes études. Je me rappelle être allé voir une psychologue et la première chose que je lui ai dite c’était : « Je veux arrêter mes études, mais je ne sais pas comment le dire à mes parents ».  Néanmoins, j’ai persévéré et je n’ai rien lâché grâce au soutien infaillible de mes proches qui n’ont jamais cessé de m’encourager et surtout grâce à mes copines qui m’ont permis de ne pas laisser tomber.

Dans un milieu très masculin, je me suis endurcie

Aujourd’hui, je suis fière de vous dire que je suis une femme ingénieure. Je ne regrette pas mon parcours, car j’ai beaucoup appris sur moi-même. J’ai appris à croire en moi et en mes capacités. Lorsque je rencontre une difficulté, au lieu de demander de l’aide en premier, je réfléchis à comment je vais contourner le problème. Par exemple, lorsque qu’il faut ouvrir un couvercle un peu trop vissé, à la place de solliciter l’intervention d’une autre personne, je vais réfléchir à comment je pourrais faire autrement. J’ai également appris à être une adulte autonome qui est capable de prendre des initiatives et d’avoir des responsabilités. Je me rappelle du discours du directeur de l’école lors de la rentrée en 1ère année : « Quand vous arrivez à l’école, vous êtes encore des adolescents. Quand vous en sortirez, vous serez des adultes. »  Et il avait raison, j’ai grandi pendant ces cinq années.

Actuellement, je fais une thèse, parce que j’ai osé postuler. Je suis très épanouie et j’adore mon travail. Je vais peut-être présenter mes travaux de recherche à une conférence internationale à Miami. Un rêve ! Tous ces moments de doutes sont loin derrière moi maintenant. Je suis encore dans un milieu très masculin, mais je me suis endurcie. Je n’ai pas encore assez de répondant pour me défendre face à tous les propos sexistes, mais j’ai appris à prendre du recul face à ces situations et j’ai su tirer à mon avantage ma différence.

Je sais à quel point il est difficile de s’imaginer femme ingénieure quand on n’a aucun modèle auquel se référer. C’est pourquoi je me sens engagée auprès de l’association « Elles bougent » qui encourage les jeunes filles à aller vers des carrières scientifiques. Si j’ai bien un conseil à donner notamment aux jeunes filles, c’est d’oser !

 

Marie, 23 ans, ingénieure, Tarbes

Crédit photo Flickr // CC Instituteforapprenticeships

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