J’ai toujours étudié toute seule
Mes parents sont philippins. Ils n’ont jamais pu m’aider à faire mes devoirs. Ils ne connaissent rien à l’éducation française. Les rares fois où je leur demande de l’aide, c’est pour des formulations en anglais.
Mon père et ma mère sont homme et femme de ménage. Je n’ai pas honte de le dire. Ils ont laissé tomber leurs rêves pour venir en France. Ils taffent dur pour nous donner, à mon frère et moi, une vie qu’ils n’ont pas eu la chance de vivre.
Quand j’étais plus jeune, c’était dur de ne les voir que le matin, quand ils m’accompagnaient à l’école, et le soir à 20h30, avant de me coucher. On passait du temps à la maison le week-end à faire des tâches ménagères, puis à faire des « movies-marathon » le soir. Mais maintenant, j’ai 18 ans et c’est pire. Ils travaillent en semaine, de 8h à 23h (voire même de 4h du matin à 23h) et le samedi de 9h à 18h.
À neuf dans notre deux pièces!
Donc depuis toute petite, je fais mes devoirs seule. En primaire, je me débrouillais. J’étais même à chaque fois la première de ma classe, ce qui rendait mes parents fiers. Arrivée au collège, c’était pareil, mais j’ai commencé à rencontrer des difficultés, notamment en français et en histoire.
Arrivé au lycée, l’ultime phase avant d’entrer dans la cour des grands, tout était différent. La classe de seconde était plutôt pas mal, j’étais entourée d’amies bosseuses comme moi. La même année, j’ai aussi rencontré mon copain, avec qui je suis depuis maintenant trois ans.
Mais les deux années qui ont suivi, je les ai faites seule. En première, on m’a séparée de mes potes, alors qu’on était dans la même filière. J’ai perdu la détermination que j’avais avec elles. J’ai aussi eu une phase assez tendue dans mon couple. En parallèle, les tensions entre membres de ma famille m’affectaient de plus en plus. Je me réfugiais donc dans ma chambre, seule, en essayant de me focaliser sur le bac.
Mais c’est chaud quand on vit à cinq dans un T2 ! Mon frère de 8 ans dort encore avec mes parents dans le salon tandis que moi, je partage ma chambre avec ma grand-mère. C’était encore plus compliqué quand mon oncle et sa famille sont venus vivre avec nous durant mon année de terminale. On s’est retrouvés à neuf dans notre deux pièces !
Trouver un créneau pour étudier était plus que compliqué. Que je fasse des nuits blanches ou que je me réveille hyper tôt le matin, le résultat était le même : chiant, parce que je me retrouvais, en classe, à dormir au premier rang.
L’échec fait partie du succès !
Je n’osais me retourner vers personne, car je me suis habituée à tout faire par moi-même et je savais que les autres avaient leurs propres problèmes. Je demandais parfois de l’aide à mes profs, mais les cours me paraissaient toujours aussi flous, même avec leurs explications.
Je n’arrêtais pas de comparer ma situation à celle de mes camarades de classe. Je me sentais de moins en moins bien dans ma peau car j’étais stressée. Je ne mangeais plus, je ne dormais plus et je devenais de plus en plus sensible.
Durant ces années lycée, j’ai aussi appris que j’étais un « accident ». Mes parents voulaient que ma mère avorte quand ils ont su que j’existais. Ça m’a fait mal d’entendre ça depuis ma chambre alors que je révisais.
Malgré tout ça, j’ai pu décrocher mon diplôme du bac avec mention. Je suis maintenant à l‘université Paris Descartes, et j’espère décrocher mon Diplôme Universitaire Passeport pour Réussir et s’Orienter (DU PaRéO) cette année. J’ai choisi cette formation pour retrouver cette confiance en moi que j’avais auparavant et pour pouvoir me dédier un peu plus à mes projets professionnels. Je rencontrerai peut-être d’autres problème, mais je crois beaucoup à ce proverbe « Failure is a part of success », en gros l’échec fait partie du succès !
Alélie Arenas, 18 ans, étudiante, Saint-Ouen
Crédit photo Pixabay // CC StockSnap