Des ados privés de rentrée des classes
Ce jeudi 1er septembre, c’était aussi la rentrée pour une vingtaine de mineurs venus de l’étranger. Sauf que pour eux, cette rentrée a un goût bien particulier. Pas de salle de classe, pas de tenue neuve, pas de professeur.
Nous sommes en plein coeur de Paris, sur le parvis de l’Hôtel de ville.
Une école est dessinée à la craie sur le sol et à quelques mètres de là, les jeunes migrants assis sur le sol écoutent attentivement le cours d’histoire donné par Baptiste Pelletan, engagé au sein de l’association BAAM (Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants).
L’association qui œuvre et lutte pour un meilleur accueil des réfugiés, des demandeurs d’asile et des sans-papiers en France a organisé cette journée intitulée «Mineurs isolés privés de rentrée» avec pour objectif de dénoncer l’absence de prise en charge des mineurs étrangers lors de leur arrivée dans la capitale.
Des centaines de mineurs étrangers laissés à la rue
Sur la page Facebook de l’évènement, l’association BAAM explique les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les mineurs étrangers dont la plupart sont en situation irrégulière ce qui les privent de scolarisation :
«Lorsqu’ils arrivent à Paris, les mineurs étrangers non accompagnés sont censés être pris en charge par l’ASE (Aide sociale à l’enfance) du département 75, après être passés par le DEMIE (Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers). Mais plus de 80% d’entre eux sont refusés sur de simples doutes concernant leur minorité. La Mairie de Paris n’a cure ni de leurs documents d’état civil – contestés hors de toute vérification légale –, ni de la loi, ni des recommandations du Défenseur des droits. Les jeunes sont systématiquement soupçonnés de mentir sur leur âge et leur récit.
A 14, 16 ou 17 ans, des centaines de mineurs étrangers sont donc laissés à la rue. Tous leurs droits sont bafoués, y compris celui d’aller à l’école. Sans l’aide d’associations et de collectifs citoyens débordés, ils seraient des enfants des rues, tout simplement. En attendant qu’un juge reconnaisse leur minorité, ils vivent de longs mois d’ennui et d’angoisse, gâchant un temps précieux pour leur édification personnelle et leur intégration en France, sans compter les dangers qui les guettent en l’absence de toute protection.
En refusant de scolariser et de mettre à l’abri ces mineurs, la ville et le département de Paris (dont dépendent l’ASE, le DEMIE et le SEMNA) ainsi que le ministère de l’Education nationale violent délibérément la Convention internationale des droits de l’enfant. Et même lorsqu’ils sont placés par l’Aide sociale à l’enfance, on leur refuse souvent la scolarité, les cantonnant dans des pseudo-formations qui ne débouchent sur aucun diplôme d’Etat reconnu.»
« Notre seul souci : aller à l’école »
Durant le cours d’histoire, je rencontre Emma et Anthony, deux jeunes étudiants en Master de sciences sociales. Ils ont décidé de venir soutenir les mineurs car ils se disent concernés par les problématiques de société. Pour eux, une telle initiative est essentielle même si, comme le souligne Emma, « on ne devrait même pas avoir à dire que c’est une bonne initiative car ça ne devrait même pas exister« .
Je vais à la rencontre d’un petit groupe de mineurs afin de leur demander ce qu’ils diraient à la ministre de l’éducation nationale s’ils pouvaient l’interpeller. Pour Koko et Issa, deux mineurs maliens leur « seul souci est de quitter la rue et d’aller à l’école».
J’ai été profondément marquée par la volonté de ces jeunes mineurs qui ne demandent qu’une chose : aller à l’école. Malgré les épreuves, ils gardent le sourire et ont même le courage de raconter leur histoire devant une trentaine de passants et de journalistes.
Sur le chemin du retour, j’ai la gorge nouée et le coeur serré, je ne comprends pas comment un droit fondamental comme celui du droit à l’éducation peut être confisqué de la sorte.
C’était une journée ensoleillée, des milliers d’élèves ont repris le chemin de l’école. A Paris, une centaine de mineurs isolés gardent toujours l’espoir d’avoir un jour une rentrée digne de ce nom.
Hawa, 24 ans, étudiante, artiste, blogueuse
Crédit photo Hawa