On m’a décrochée
Je n’ai jamais été particulièrement douée en rien. Je n’ai pas de facultés particulières en dessin, mon approche de la musique reste succincte, aucune matière scolaire n’est pour moi, d’une facilité éblouissante.
D’après mes professeurs, je resterais moyenne, je resterais dans la moyenne tout au long de ma scolarité et, pourquoi pas, dans tout ce que j’entreprendrais. Malheureuse coïncidence ou simple fatalité, j’ai commencé la musique : échec ! J’ai eu mon bac, au rattrapage. J’ai entrepris une année à l’université, j’y suis restée trois mois.
Les barrières, ce sont les autres
Et puis, j’ai réfléchi. Pourquoi laisser ces gens croire que je ne suis que moyennement capable ? Pourquoi imaginer qu’ils sont en capacité de juger une personne qu’ils n’ont vu évoluer qu’un an au sein d’une classe ? J’ai alors pensé : les barrières, ce sont les autres qui les mettent, ce sont les autres qui finissent par vous faire croire que vous ne valez rien.
Gonflée par le désir et la haine de montrer à ceux qui voudraient bien le voir, mais aussi à moi-même, que j’étais capable, envieuse de faire comprendre à tous que notre avenir nous appartient, j’ai décidé d’entreprendre un BTS dans le social et de reprendre la fac .
Première réussite : obtention avec succès. Mon avenir s’annonçait prometteur et mon niveau moyen, une simple supposition de la part du corps enseignant. Dès l’annonce des résultats, je dépose mon dossier à l’université, où l’administration écarte tout doute quand au refus de ma candidature.
« Je ne peux pas vous répondre »
Premier septembre, j’ouvre innocemment ma boite mail et découvre une réponse plus qu’explicite : « Votre candidature en L3 : REFUS ». Pas une explication, pas une petite phrase en pied de page, pas d’issue de secours, pas de propositions complémentaires, rien. Un refus clair et définitif pour des raisons inconnues.
Direction l’administration. J’explique mon problème à une typique secrétaire. Toujours en pause-café, ou pause-cigarette, qui te regarde de haut parce que toi t’es étudiant et que elle, elle a les pieds sous le bureau. Elle a un de ces regards, mêlé de mépris et de moquerie, avec lequel elle répète à la fin de chacune de ses phrases : « Ha, mais moi, j’en sais rien mademoiselle ! » ou alors : « Je ne peux pas vous répondre ».
Bien décidée à lui montrer ma détermination, je suis allée dans son bureau tous les jours pendant une semaine pour avoir des explications. Elle a fini par me dire : « Il vous faut une expérience professionnelle d’un an minimum, à temps plein, dans le domaine de l’éducation ».
Mais comment faire quand on est fraîchement sortie de son BTS ? « Ha, mais moi, j’en sais rien mademoiselle » !
Dans un contexte où l’on nous parle de décrochage scolaire et où l’on nous explique que les étudiants ne sont pas motivés, je réponds que l’inverse est possible également, mais que personne n’en parle. Comment peut-on donner à un étudiant le sentiment de se faire abandonner par l’école, de n’être soutenu par aucune personne du corps enseignant, alors que les médias rabâchent le même discours : l’université pour tous. Mais ça veut dire quoi ? Que je ne suis personne pour avoir le droit d’étudier ? Que les autres ont des droits que je ne suis pas en capacité d’avoir ?
A ce moment-là, je n’avais plus rien. Je me suis même sentie exclue de mon groupe d’amis. Tous à la fac, tous à me questionner : « Alors ta rentrée ? » Moi, je n’avais pas eu de rentrée, je n’avais pas d’université, je n’avais plus de projet pour la suite. On m’avait décrochée…
Elodie, 21 ans, étudiante, finalement inscrite en licence de sciences de l’éducation, Yvelines