Beni N. 27/06/2022

5/5 Adopté par mon frère

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Harcelé, Beni a mis longtemps avant de comprendre que chez sa mère, il vivait dans l’insalubrité. C’est son frère qui l’a sorti de là.

À 10 ans, j’emménage chez ma mère après la séparation de mes parents. Je découvre une nouvelle ville et un tout nouvel environnement. Je viens de finir mon CM2, et je ne connais encore personne.

Mon quotidien : passer mes journées sur la Play, de midi à 5 heures du mat’. Mais la rentrée arrive, avec encore des nouveautés : le collège, la classe de sixième, les gens. Je me fais vite un groupe de potes.

Mais cette année-là, je subis mes premières insultes, toujours les mêmes : « Pouilleux » ; « Crasseux » ; «­ Va te laver. » Je ne calcule pas, espérant que ça se tasse. L’année d’après, c’est pire. Je comprends que ce n’est pas normal, alors j’en parle à ma mère.

Du harcèlement à la maltraitance

Le lendemain, je suis convoqué par le CPE. Je crois au début que c’est au sujet du harcèlement, mais il me pose une question qui est restée à jamais gravée dans ma tête : « As-tu des problèmes d’hygiène à la maison ? »

Je suis sous le choc, je réponds par la négative. Il m’apprend alors que plusieurs élèves se sont plaints de mon odeur. Je ne comprenais rien. J’étais dans le déni.

Après ça, le harcèlement s’est poursuivi jusqu’à ma troisième. J’ai fait une grosse dépression. Je faisais semblant d’être malade pour ne pas me rendre en cours. Quand j’étais au plus mal, j’allais jusqu’à me mutiler.

Passage au tribunal

Le pire, c’est que je me sentais tout aussi mal à la maison. Je m’embrouillais très souvent avec ma mère et mon beau-père. Souvent à cause de conneries.

À la maison, c’était toujours le bordel. Rien n’était rangé. Ma mère a fini par se faire convoquer par les services sociaux. Une assistante venait alors me rendre visite régulièrement pour savoir si ça se passait bien.

Un jour, mon frère et son copain, mon beau-frère, se sont proposés auprès de l’assistante pour prendre soin de moi et m’accueillir chez eux, comme une sorte de famille d’accueil.

Ils m’ont beaucoup rassuré, m’ont dit que ça n’était pas moi qui puait, mais mes vêtements qui devaient être lavés. On est passés devant un tribunal. Mon frère a récupéré ma garde et m’a adopté. À ma plus grande joie.

Chez mon frère

Je ne peux pas dire que j’ai une adolescence normale car je vis quand même chez mon frère et je suis obligé de voir ma mère deux fois par mois. La première semaine du mois, on va chez elle, ensuite il y a une pause d’une semaine, et la troisième semaine du mois c’est elle qui vient chez nous, et ainsi de suite. Cela me convient parfaitement.

Série 1/5 Sans père ni mère, Léa veille sur son frère et ses sœurs au quotidien. Sa fratrie est devenue son pilier depuis qu’ils vivent en foyer.

Illustration rose, verte et jeune. Quatre jeunes, deux filles adolescentes et deux jeunes garçons s'enlacent. Derrière elle, dans un cercle, une main agrippe un bras.

Ça fait un an et demi que je vis dans la maison de mon frère et de mon beau-frère. Chez eux, je respire plus, j’ose sortir dehors, j’ai une vraie vie sociale.

Mon frère fait tout ça pour moi alors qu’il n’a que 26 ans. Lui et mon beau-frère font tout pour que je vive normalement. Aujourd’hui, je me sens très bien et j’espère que cela va continuer.

Je ne sais pas si ma mère a changé, mais je m’en fiche qu’elle soit restée au même point. C’est sa vie, pas la mienne.

Beni, 15 ans, lycéen, Grand-Fort-Philippe

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Enfants placé·es, enfances abandonnées

Emmanuel Macron l’a promis avant sa réélection, la protection de l’enfance sera au cœur de son 2e quinquennat. Promesse entendue : huit associations lui ont envoyé une lettre ouverte pour lui rappeler tout le travail qu’il reste à faire, en France, dans ce domaine.

En 2019, 312 500 mineur·es et 24 700 jeunes majeur·es ont été suivi·es par la protection de l’enfance. Les trois-quarts des assistantes familiales partiront à la retraite d’ici dix ans, alors que le nombre d’enfants placé·es augmente.

Que deviennent ces enfants, une fois grand·es ? 

70 % des jeunes de l’ASE (aide sociale à l’enfance) sortent du système scolaire sans le moindre diplôme. Un quart des personnes sans domicile fixe nées en France sont d’ancien·nes enfants placé·es.

Les militant·es des droits de l’enfance se battent contre les « sorties sèches ». Pendant longtemps, les enfants de l’ASE cessaient brutalement d’être pris·es en charge le jour de leurs 18 ans. Depuis la loi Taquet du 7 février 2022, la prise en charge par l’ASE est étendue jusqu’à 21 ans (et encore, sous conditions !).

Paroles d’enfants placé·es

Rania Kissi et Lyes Louffok sont passé·es par le système, et militent désormais pour la cause des enfants placé·es. Devenue pupille de la Nation après avoir été abandonnée par son père, elle est aujourd’hui élue à Cergy. Lui raconte son histoire dans un livre et intervient régulièrement dans les médias.

Dans son album Entre ciment et belle étoile, la rappeuse Keny Arkana évoque son passé d’enfant placée, de ses fugues aux mauvais traitements infligés par l’Institution.

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