Pierre C. 13/03/2023

3/4 En athlé, seule ma performance comptait

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L’esprit de compétition, Pierre ne savait pas ce que c’était. Jusqu’à ce qu’il découvre l'athlétisme, et un entraîneur intransigeant.

« 25m50 ! Putain, toi je veux te voir aux compètes cet été. » À la fin d’une séance de lancers en EPS, un des profs est venu me chercher pour me dire ça. Participer à des championnats d’athlétisme ne m’avait jamais traversé l’esprit. Je n’ai jamais été très sportif. Je n’avais jamais cherché la victoire à tout prix. J’ai toujours été très grand et très carré, mais mes importantes rondeurs m’empêchaient d’être bon en sport. J’y suis tout de même allé et je n’ai pas regretté.

L’atmosphère était extraordinaire. Ce savant mélange de pression et de camaraderie m’a tout de suite convaincu. J’y allais « en touriste » et, pourtant, j’ai ressenti cette douleur à la poitrine qui ne m’était pas familière. J’ai senti mon cœur battre de plus en plus fort.

Ça y est, j’y étais. J’avais envie de montrer à mon prof que je n’étais pas venu pour rien !

Un vrai don en lancer de poids

Je me suis engagé pour deux disciplines : le lancer de disque et le lancer de poids. Je n’en avais jamais fait. Mon physique m’avantageait tellement que, même si techniquement j’étais moins bon que les autres, ma force compensait largement. Je suis passé à quelques centimètres des championnats de France. Je me suis dit – et je n’étais pas le seul – que j’avais les cartes en mains pour faire de grosses, de très grosses performances.

L’année suivante, je me suis inscrit au club d’athlétisme de ma ville. Je ne faisais presque que du lancer de poids et j’adorais ça. Mon surpoids n’était plus un handicap. Je me donnais à 100 %, les performances montaient petit à petit. Mon objectif était de participer aux championnats de France.

Je n’avais aucune concurrence. Mes jets partaient bien plus loin que ceux des autres. Les entraîneurs m’accordaient plus d’attention, ils me corrigeaient techniquement et me donnaient un programme presque entièrement personnalisé. J’étais un gros bosseur. Je gardais en mémoire les charges que je soulevais et je relevais mes défauts dans le mouvement du lancer, pour ensuite noter tout ça dans mon téléphone.

Mon entraîneur, Franck le Tyran

Celui qui me poussait le plus dans mes retranchements, c’était Franck, un ancien athlète devenu coach. Je l’adorais. On l’appelait Franck le Tyran. Il était sans pitié. Je me souviens très bien de ces fameux exercices cardio qui donnaient envie de vomir à chaque fois. À la fin, tout le monde était exténué. Les jambes tremblaient et plus personne n’arrivait à avancer. Malgré la douleur, je continuais toujours.  Plus je résistais, plus il me rajoutait de la charge de travail. Il croyait en moi.

La période du Covid m’a surmotivé ! Ne pas pouvoir concourir me frustrait énormément, donc j’avais plus que jamais la rage de vaincre. J’ai passé de longs mois à analyser des vidéos techniques. J’ai établi des objectifs à plus ou moins long terme. Ce qui comptait à mes yeux, c’était finir en haut du classement, à n’importe quel prix. Prendre du bon temps n’était plus l’essentiel, je tenais absolument à performer.

La violence des premiers échecs

Dès la première compétition post-Covid, j’ai déchanté. Les perfs n’étaient pas à la hauteur de mes espérances. Je me suis dit : « Allez, c’est pas grave. Dans deux jours, on retourne à l’entraînement. Tête baissée et on rentre dedans. » Après chaque compétition décevante, la même remise en question. Tout cet acharnement pour rien. Toutes ces heures. Du sang, de la sueur, des larmes. Pour ça. En l’espace d’une heure, j’avais l’impression de tout perdre.

À chaque fois, un sentiment de vide m’envahissait. J’avais envie de tout plaquer. J’ai développé une sorte de manque « d’émotion », d’indifférence. Plus rien ne me rendait réellement joyeux.

Le plus dur, c’était de sentir la déception dans le regard de mes coachs. Ils ne me le disaient pas, ou pas tout le temps. Sauf Franck. Il n’avait pas peur de brusquer. Il me disait toujours cette phrase : « Bon j’ai vu ce que t’as fait, et là t’as merdé. Alors là, on va rentrer dedans et la prochaine fois, quand tu vas entrer dans le stade, tu auras faim. »

Il détestait quand je discutais avec les autres pendant l’entraînement. Un jour, il m’a pris à part, il a posé sa main sur mon épaule et m’a dit : « Arrête de perdre ton temps avec ces branle-nouilles. Merde, t’as du potentiel ! Le gâche pas. Je sais que tu peux arriver à faire de très bonnes perfs, mais il va falloir que tu arrêtes de perdre ton temps avec eux. » Je me suis senti « reboosté ».

Remis sur les bons rails

Depuis, j’ai réussi à refaire de bonnes perfs. Pas aussi hautes que celles que j’avais imaginées, mais elles restaient acceptables. Je n’ai quasiment plus raté de compétitions. Quand ça arrive, je relativise. On analyse les vidéos et on repart de plus belle pour espérer faire mieux la fois suivante.

SÉRIE 4/4 – Mandy endure les remarques sur son poids et l’hypersexualisation. Ce qui la fait tenir : son rêve d’une danse plus inclusive.

Capture d'écran de l'article "Je veux danser sans normes, ni préjugés" de la série "quand le sport abîme". Le titre de l'article est écrit sur une illustration. Des jambes nues dansent sur un morceau de papier déchiré au sol. La personne porte seulement des bottines à talon.

Il y a peu, nous avons gagné les championnats de France par équipe ! Pendant ces deux jours, nous avons formé un vrai collectif. Ce n’était pas uniquement ma performance qui comptait, c’était la nôtre. Tout le monde s’est soutenu. Je suis convaincu que c’est ça qui nous a donné la victoire. C’était magique !

Pierre, 15 ans, lycéen, Lannion

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

 

Podium ou santé mentale ?

Un tabou brisé

« Je sais que je ne le montre pas, que je fais comme si la pression ne m’affecte pas, mais putain, des fois c’est dur ! » C’est ce qu’a déclaré la gymnaste Simone Biles sur Instagram, durant les JO de Tokyo de 2021. Elle a annoncé se retirer de certaines épreuves pour prendre soin de sa santé mentale.

 

Un phénomène répandu 

Comme elle, nombreuses et nombreux sont les sportives et sportifs à souffrir de problèmes psychologiques. Selon une étude de la FIFPro (Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels), 38 % des footballeuses et footballeurs professionnel·les sont déjà passé·es par une phase de dépression. C’est beaucoup : en comparaison, seul·es       13,5 % des Français·es ont vécu un état dépressif.

 

Adolescence, relations et pression 

La carrière d’un·e sportif ou sportive de haut niveau commence réellement à l’adolescence. C’est une phase sensible et importante pour le développement de soi, où le risque de dépression est important. Pour autant, la famille, l’école et les relations ne font pas partie de leur quotidien. À long terme, ajouté à la pression des compétitions, cela peut mener à des addictions, des troubles de l’humeur et des comportements dépressifs.

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