Killian L. 13/03/2023

1/4 Comment faire le poids en compétition ?

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Pour exceller en judo, Killian compte les grammes et saute les repas. Ses camarades aussi, mais personne n’ose en parler.

102,3 kg. Deux jours avant la pesée officielle, je monte sur la balance. Si je ne fais rien, je ferai les championnats de France de judo dans la catégorie la plus lourde. Il me reste seulement deux jours pour perdre 2,3 kg. Seule solution : arrêter de manger.

Dès mes 9 ans, c’est devenu une habitude : depuis que je fais des compétitions « officielles » de haut niveau. J’ai une pesée stricte à peu près tous les mois. Je dois faire très attention à mon poids afin de ne pas combattre dans la catégorie au-dessus. Je me retrouve à devoir faire attention à ma ligne, à tout ce que j’ingurgite.

Ne pas dépasser les 100 kilos

Je dois être dans une catégorie fixe de poids, et c’est difficile d’y rester. La mienne, c’est entre 90 et 100 kg. Le but, c’est d’être le plus proche possible des 100 kg, mais sans les dépasser, pour ne pas changer de catégorie. Après 100 kg, il n’y en a plus.

Une fois, j’étais dans cette catégorie sans limite. Je me suis retrouvé avec des personnes qui pesaient 130 kg, alors que je faisais juste 100 g au-dessus de la limite. 30 kg nous séparaient, les combats se sont vite terminés ! L’écart de force était énorme.

Éviter ça, c’est beaucoup de contraintes. Une semaine avant les compétitions, je me limite à un seul vrai repas par jour, et je « survis » avec des barres de céréales non caloriques. Quand mes potes m’invitent à manger, par exemple au McDo, je dois prendre quelque chose de léger, comme une salade. Et ça, c’est quand je peux me permettre de manger quelque chose !

Cinq repas par semaine

Plus le temps passe, plus ça devient une habitude même lorsque je n’ai pas de compétition. Ce n’est plus une chose que je me force à faire. Ça devient naturel de ne plus manger à la cantine le midi et très peu le soir.

Il m’est souvent arrivé d’arrêter de manger pendant deux à trois jours. Ça se ressent sur le tatami. Je n’ai parfois plus de force, je dois faire avec le peu qu’il me reste.

Pendant une période de ma vie, je me suis retrouvé à manger cinq repas par semaine. J’avais perdu 8 kilos, alors que je n’avais aucune compétition de prévue à ce moment-là. Je n’avais plus de force dans mon corps. C’était devenu un réel problème dans la vie, et pas seulement dans le judo. Je me sentais épuisé et je n’avais quasiment plus aucune motivation, que ce soit pour les cours ou sortir avec des amis. Ça se ressent encore aujourd’hui.
Certains de mes potes du judo ont carrément développé des TCA.

Un sujet tabou

Malgré tout ça, le seul accompagnement qu’on reçoit, c’est les conseils de l’un de nos camarades, étudiant en Staps. Notre coach n’est pas au courant de nos problèmes. Il nous demande juste, la veille de la compétition, si nous sommes au poids. On lui répond simplement « oui » par fierté. Même si pour ça, nous avons dû faire de nombreux sacrifices.

SÉRIE 2/4 – Apolline a commencé la gym pour le plaisir. Pas pour la compétition. Blessures, manque de bienveillance, elle a décidé d’arrêter.

Capture d'écran de l'article "J'ai arrêté la gym à cause de la pression" de la série "quand le sport abîme". Le titre de l'article est écrit sur une illustration. Une jeune fille avec les cheveux coiffés en queue de cheval et portant un body étoilé est assise, recroquevillée. Sa tête est posée sur ses genoux, ses bras les entourent, et elle a le regard inquiet. Elle est entourée par un mètre ruban. En haut à gauche, une autre illustration dans un rond : la main d'une personne pince la chair de ses hanches.

Côté famille, ma mère ne s’en est jamais vraiment rendu compte. En revanche, j’ai une cousine qui m’a poussé à perdre du poids pour que je fasse le meilleur judo possible. D’un autre côté, il y avait mon cousin qui disait que c’était n’importe quoi, que je n’avais absolument pas à faire ce genre de choses en étant si jeune.

Malgré ce (gros) problème, je trouve énormément de plaisir à faire du judo. La satisfaction de gagner une médaille à des grosses compétitions, comme les championnats régionaux, est irremplaçable.

Killian, 18 ans, terminale, Picardie

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

 

Podium ou santé mentale ?

Un tabou brisé

« Je sais que je ne le montre pas, que je fais comme si la pression ne m’affecte pas, mais putain, des fois c’est dur ! » C’est ce qu’a déclaré la gymnaste Simone Biles sur Instagram, durant les JO de Tokyo de 2021. Elle a annoncé se retirer de certaines épreuves pour prendre soin de sa santé mentale.

 

Un phénomène répandu 

Comme elle, nombreuses et nombreux sont les sportives et sportifs à souffrir de problèmes psychologiques. Selon une étude de la FIFPro (fédération internationale des associations de footballeurs professionnels), 38 % des footballeuses et footballeurs professionnel·les sont déjà passé·es par une phase de dépression. C’est beaucoup : en comparaison, seul·es 13,5 % des Français·es ont vécu un état dépressif.

 

Adolescence, relations et pression 

La carrière d’un·e sportif ou sportive de haut niveau commence réellement à l’adolescence. C’est une phase sensible et importante pour le développement de soi, où le risque de dépression est important. Pour autant, la famille, l’école et les relations ne font pas partie de leur quotidien. À long terme, ajouté à la pression des compétitions, cela peut mener à des addictions, des troubles de l’humeur et des comportements dépressifs.

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