1/5 Caché sous une voiture pour venir ici
J’ai voyagé trois ans pour arriver jusqu’en France. D’abord, j’ai quitté l’Afghanistan pour la Turquie, car il y avait trop de conflits politiques. Dans mon pays, la vie était si dure, je ne pouvais pas rester. Je risquais la mort, alors j’ai fui les problèmes familiaux. Mon père a travaillé pour le commandant Massoud, un opposant aux talibans. Pour cette raison, je risquais gros en restant là-bas.
J’avais déjà un frère qui était en France. Il m’a dit de venir. C’est lui qui a payé le passeur qui m’a permis de quitter l’Afghanistan. Il a payé 1 200 euros. J’ai pris la voiture jusqu’à Kaboul, ensuite le bus jusqu’à Nimroz. Dans cette région frontalière de l’Iran, j’ai pris une voiture avec un coffre ouvert dans lequel nous étions entassés. Nous étions entre trente-cinq et cinquante et le conducteur roulait très vite donc, parfois, certaines personnes tombaient. Sachant qu’on roulait dans le désert ou dans des endroits avec beaucoup de pierres. J’ai mis une dizaine de jours pour arriver en Iran en passant par le Pakistan.
3 000 euros pour passer sur un bateau de fortune
J’ai voyagé illégalement, en passant par le Pakistan, l’Iran, puis la Turquie. Mais j’ai dû repartir, direction la Grèce : en Turquie, ils voulaient me renvoyer en Afghanistan parce que je n’avais pas de carte d’identité. J’ai appelé une personne pour lui demander de m’envoyer en Grèce. Il a accepté et il m’a dit : « Tu dois payer 3 000 euros. »
J’ai accepté. Il m’a dit d’être prêt à partir dans deux jours. Je me suis préparé et je suis allé à l’adresse que cette personne m’avait envoyée. Nous étions quarante-cinq personnes à bord d’un bateau. C’était une scène vraiment effrayante.
Nous sommes arrivés en Grèce, mais avec des milliers de problèmes. J’ai été en prison pendant presque un mois, pour y être arrivé illégalement. Quand j’ai été libéré, je suis allé à la capitale, Athènes, et j’y suis resté un an.
Plus tard, j’ai décidé de déménager en Italie. Mon frère, qui vit en France depuis 2009, m’a donné l’argent. C’était une route très dangereuse, j’ai dû me cacher sous le plancher de la voiture pour aller en Italie. J’ai passé presque un mois à essayer d’arriver en Italie de cette façon.
Tabassé par la police
Mais ce n’était pas vraiment facile pour moi car j’étais blessé, j’avais le nez et le genou cassés par la police qui m’avait frappé avant de partir. Je suis allé à l’hôpital et je suis resté deux semaines. Après avoir récupéré, cette fois je suis passé et je suis arrivé en Italie. Et, après, je suis venu en France.
SÉRIE 2/5 – En arrivant en France, Adama ne s’attendait pas à vivre sous une tente, ni à devoir se terrer dans le métro pour échapper au froid.
J’ai appris la langue française et j’ai fait des rencontres. J’ai vu beaucoup de gens différents en France : en Afghanistan, il n’y avait pas cette variété car personne ne vient là-bas, à cause de la guerre. Quand j’étais en Afghanistan, je pensais qu’en arrivant en France, je pourrais facilement faire venir ma mère ici. Mais je me suis rendu compte que ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, la vie ici est très bien pour moi. Je peux continuer mon éducation et je suis libre. Je peux travailler tranquillement sans avoir peur de personne.
Burhanuddin, 20 ans, en formation, Aubervilliers
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)
Parcours migratoire : de l’insécurité à l’instabilité
Près de 5 000 personnes meurent chaque année en fuyant leurs pays, sur la route d’une vie meilleure. Les chiffres officiels sont difficiles à obtenir, mais l’ONU compte plus de 45 400 morts entre 2014 et 2021. Sur la seule journée du 24 juin 2022, au moins 27 Africain·es ont été tué·es par la police marocaine en voulant rejoindre l’Espagne. Les témoins parlent d’un déchaînement de violences de la part des autorités.
Une fois de l’autre côté de la frontière, les nouveaux et nouvelles arrivant·es ne sont pas certain·es de trouver une vie stable. Précarité, travail non-déclaré, arbitraire policier, enfermement… Le chercheur Stefan Le Courant a étudié la condition des sans-papiers en France.