3/4 Ma colère m’a poussé à militer
« Monsieur le Président,
Mon parcours universitaire s’est terminé en septembre dernier, après des mois compliqués notamment dus à la crise sanitaire. Avec un master 1 en poche, j’avais toutes les raisons de penser que j’arriverais à surmonter cette épreuve. Force est de constater que j’avais tort. Ce trottoir, comme vous l’avez si bien dit, je l’ai traversé à maintes reprises, et je me suis seulement retrouvé comme un benêt sur celui d’en face. »
C’est avec une certaine forme de désespoir et avec une philosophie « d’ultime tentative » que je commençais, en août, ce texte adressé au chef de l’État.
Après six mois de recherches et un amoncellement de réponses négatives (ou d’absence de réponse) pour trouver un travail ou un stage, j’ai commencé à me « politiser » de plus en plus. J’ai d’abord commencé par m’exprimer sur les réseaux, à pousser mes coups de gueule par rapport à la différence entre le réel et le télévisuel. Les médias mainstream n’accordent que peu d’intérêt à la précarité des jeunes. Et toutes ces allocutions solennelles du président et de ses ministres qui se félicitent en permanence du succès de l’alternance, alors que je connais une bonne quinzaine de jeunes dans ma situation qui finissent par faire un travail alimentaire, à court de solutions…
J’ai perdu mon insouciance
Mon parcours est celui d’un jeune qui a fait de l’alternance et qui s’est impliqué professionnellement, qui a pris la peine d’aller travailler dans des endroits éloignés. Un jeune qui s’est sacrifié sans réfléchir réellement à ce que serait son avenir et qui gardait, jusqu’alors, une certaine forme d’insouciance. Je l’ai perdue en me confrontant au monde réel. J’enrageais de plus en plus.
Au cours de mon master 1, j’ai pris, comme beaucoup, un énorme taquet nommé « crise sanitaire ». J’ai surtout commencé à me sentir très peu confiant en voyant la fin de mes études arriver à grand pas. Je me suis senti délaissé, aussi bien par mon établissement que par l’État qui, à mesure que la situation empirait, n’a pas hésité à me laisser terminer ma scolarité en visioconférence. Et à supprimer le peu de liens que j’avais avec l’extérieur, et les jeunes de mon âge.
Des jeunes dans des situations inacceptables
Lastico, un ami, m’a alors fait rencontrer des Gilets jaunes Constituants, qui prônent une politique souveraine et un retour aux assemblées constituantes, sur le principe de celles d’après Révolution. À force d’avoir des échanges avec eux, j’ai participé de plus en plus activement à ce cercle, ce qui m’a permis de confirmer que la situation des jeunes était inacceptable.
Il y avait des professeurs et des ouvriers qui travaillaient en contact avec la jeunesse, et tout ce qu’on se rapportait mutuellement dressait un tableau franchement moche. Des élèves de terminale qui perdent tout sens de la vie après le lycée, qui se retrouvent poussés par un système dans des voies qui n’ont rien à voir avec leurs envies. Des sortants de formations technique qui finissent sur une chaîne ou par exercer en tant qu’agent d’entretien…
Rejoindre un mouvement citoyen
Ces rencontres m’ont progressivement amené à découvrir le MCP, le Mouvement constituant populaire. Ça m’a tout de suite intrigué. Et avec les différents mouvements en défaveur du pass sanitaire, et ce tournant autoritaire que prenait notre République Démocratique Française, j’ai accepté de mener des actions avec eux.
Le MCP met en place des actions d’éducation populaire et d’éveil politique pour faire prendre conscience des enjeux démocratiques. Ce sont des actions de terrain, coordonnées sur tout le territoire, pacifiques et bienveillantes. Par exemple, on cible un lieu de culture nécessitant l’usage du pass. On essaie, avec plusieurs argumentaires, de questionner la personne en face pour qu’elle développe un réel esprit critique. On parle de la Constitution, des valeurs de la France. De son histoire, de la culture et de la richesse de notre pays.
Le pouvoir n’est pas intouchable
Le pass et la gestion sanitaire sont le point central de notre action. Mais on a aussi invité des gens à proposer des idées de RIC (référendum d’initiative citoyenne) lors de manifestations. Et on les a fait voter. « Êtes-vous favorable au maintien de l’urgence sanitaire ? » ; « À l’annulation des dettes publiques ? » ; « À l’interdiction des votes à l’Assemblée nationale entre 21 heures et 8 heures ? »
Série 4/4 – Yohann s’initie à la politique au sein du conseil municipal des jeunes : un moyen de participer aux décisions pour sa ville.
Le RIC est d’ailleurs l’un des enjeux du mouvement. Il permettrait de redistribuer le pouvoir au peuple lors de décisions avec des enjeux capitaux. On défend également, avec le processus constituant populaire permanent, le droit des citoyens d’initier. De valider eux-mêmes des révisions constitutionnelles à tout moment. L’impossibilité, aussi, pour les élus de réviser la Constitution sans passer par le référendum.
Le fait de militer m’a permis de mettre des mots sur ma détresse. Le fait de voir que d’autres personnes se retrouvent en dehors du « cadre » m’a apporté beaucoup d’espoir. On considère trop souvent le pouvoir en place comme intouchable. Or, j’ai senti que si un grand nombre de jeunes prenait part à des actions en faveur d’une politique plus démocratique et citoyenne, nous pourrions faire bouger les choses.
Alexandre, 23 ans, en recherche d’emploi, Le Mans
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Abstentionnistes mais pas dépolitisé·e·s
Le vote n’est plus un réflexe
L’abstention atteint 72 % chez les 18-34 ans et les jeunes rejettent une partie des institutions traditionnelles. 90 % des 18-30 ans n’ont plus confiance dans les partis pour agir contre le réchauffement climatique, alors que sept jeunes sur dix se déclarent « très engagés » en matière d’environnement.
Des actions concrètes et solidaires
Ils et elles sont attiré·e·s par des formes d’engagement qui leur paraissent plus directes. 43 % des jeunes de 18 à 30 ans ont signé une pétition ou défendu une cause sur internet, un blog, ou un réseau social, 36 % ont participé aux activités d’une association et 15 % à une manifestation, une grève ou à une occupation de lieux.
La colère gronde
Le retrait vis-à-vis de la politique traditionnelle s’accompagne aussi d’une colère. 52 % des jeunes pensent que seule une certaine forme de violence peut permettre de faire bouger les choses et 34 % adhèrent par exemple à l’idée que l’armée puisse diriger le pays. Tourné en mai 2017, le documentaire Demain le Feu rend audible la colère sourde de plusieurs personnes, jeunes et moins jeunes, partout en France.
Bravo pour cette lettre et votre engagement. Cette société vieillissante qui perdure dans son égoïsme historique a besoin de belles énergies comme la votre.
Le système est à bout de souffle, ce qui explique et la prise de conscience de plus en plus importante et les mesures liberticides et de surveillance en cours.
Agir comme vous le faites permet de diminuer la force des chocs à venir, de les anticiper, de s’y préparer et d’envisager l’après pour qu’il soit réellement différent.
Encore bravo et courage.