Paula G. 29/08/2022

2/5 J’ai découvert la fête en Erasmus

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Paula a grandi au calme dans une petite ville de campagne. C’est en Pologne, en Erasmus, qu’elle découvre l’effervescence des soirées.

J’ai 20 ans quand je découvre les soirées. On peut vivre la nuit, elle ne veut pas dire que la journée est terminée et qu’il faut arrêter d’exister.

Deux semaines après mon anniversaire, au début de l’hiver, je quitte ma maison, ma ville et ma France. Je pars terminer ma licence d’anglais en Pologne grâce à Erasmus, accompagnée d’une camarade de promo. Je ne change pas juste de pays, je change de vie. Non seulement, je vais vivre seule pour la première fois, mais je vais vivre en ville, entourée de bruit et de tout ce qu’il faut pour aimer être jeune.

J’ai grandi dans une ville cernée par les champs. Les routes sont toutes droites. C’était dans une maison assez traditionnelle, au nord-est de la Mayenne. La ville ne comprend pas de service de bus citadin, simplement une gare TER. Elle peut nous amener jusqu’au Mans ou jusqu’à Rennes – mais c’est loin, long et cher. On est entre 7 et 8 000 habitants. C’est beaucoup de petits vieux qui vivent ici depuis toujours. Et, de jeunes qui rêvent d’aller vivre là-bas, loin, ou au moins ailleurs. Je ne manque de rien, mais mes parents ne roulent pas sur l’or. Quand j’étais au lycée et que tous mes amis vivaient à côté. C’était facile de soudoyer un ticket resto à maman. Je passais le samedi soir au kebab du coin. C’était à peu près tout ce qu’on pouvait faire le soir, en plus d’aller au cinéma.

20 h 23 : dernier train, fin des soirées

Les restaurants ne sont pas accessibles aux lycéens sans revenus. La piscine, fierté municipale, n’est pas vraiment l’endroit rêvé pour passer la nuit dehors. Les « soirées », les vraies, ce sont celles qu’on passe dans une salle des fêtes, à quarante au moins pour que la location soit rentable. On donne tous un billet de dix aux parents de la personne qui fête son anniversaire. Il y a des salades composées et des Curly. On se retrouve à devoir gonfler un matelas pneumatique à 4 h 30 du matin parce qu’on habite tous trop loin. Et, qu’on n’a pas le choix que de rester là à écouter des ados ronfler.

Plus tard, quand je deviens étudiante « à la ville » et que je dois rentrer le soir chez mes parents en train, à 20 h 23 grand maximum, je ne sors plus. Je n’ai pas le permis – ni moi ni mes parents n’avons le budget. Encore moins pour un appartement, ou même une chambre. Je suis coincée à la fac, dans le TER ou dans ma chambre, et je ne sors plus.

Du mal à apprécier les soirées

C’est quand j’arrive à Wrocław que je comprends que la nuit n’implique pas d’être seule. Je peine à m’y habituer. Parce que j’ai envie de m’intégrer, je suis allée prendre l’apéro avec des camarades du cours de polonais. Ça, ça va. Mais que dire des pseudo-crémaillères en dortoir, serrés à trente dans une chambre de quarante mètres carrés, où s’empilent toutes les langues d’Europe et où ça sent la vodka renversée sur le carrelage des années 70 ? À l’époque, en plus, je ne bois pas, et j’ai du mal à apprécier les soirées où je suis très rapidement la seule à pouvoir encore articuler ou tenir debout. En un mois, je ne vais donc qu’à deux ou trois de ces soirées – elles m’angoissent, m’oppressent et, franchement, ne m’amusent pas beaucoup. Mais quand arrive la Saint-Patrick et que Caoimhe me supplie de la rejoindre dans un bar, je flanche.

Caoimhe vient d’Irlande du Nord, et elle est triste de passer la Saint-Patrick loin de sa famille et de ses amis. Quand j’arrive au bar, elle est entourée de gens que je connais, et qui viennent d’un peu partout. Elle me voit et elle lève les bras, crie mon nom, et ne cesse de répéter qu’elle est contente de me voir. J’ai peur de vite regretter. J’ai peur d’être trop sobre, de ne pas pouvoir profiter comme eux – et donc de gâcher une soirée que j’aurais pu passer à lire Virginia Woolf, comme ma professeure de littérature l’aimerait tant. Il se trouve que je ne regretterai jamais.

Accueillis par des violons et des guitares

Caoimhe se réjouit de voir que je porte du vert, et elle sort une palette de maquillage pour me dessiner un trèfle sur la joue gauche, un drapeau orange et vert sur la joue droite. C’est juste du fard à paupières, ça sera sûrement parti dans une heure, mais on a quand même le temps de prendre de jolies photos.

Un Turc, dont j’ai oublié le prénom, nous annonce que la Politechnica Wrocławska (école polytechnique de Wrocław) organise une soirée pour l’occasion, et on décide de bouger et d’aller s’y incruster. Caoimhe chante en irlandais dans le bus. Ou peut-être qu’on y est allés à pied ? Un étudiant nous flanque des chapeaux Guinness sur le crâne à la seconde où on pousse la porte de la salle. On est accueillis par des violons et des guitares, et Caoimhe nous prend par la main pour nous montrer comment danser sur les musiques qu’elle connaît si bien.

On ne s’arrête que pour se rafraîchir. Je n’ai pas besoin de consommer autre chose que du jus d’orange et des cocktails sans alcool pour me sentir plus légère, moins soucieuse, et complètement euphorique. Je prends parfois quelques secondes pour réaliser que je suis hors de chez moi, au milieu de la nuit, mais que je ne suis pas en danger.

Rentrer au dortoir à n’importe quelle heure

Les transports pourront me ramener au dortoir au nom imprononçable à n’importe quelle heure. À Wrocław, ville étudiante, jeune et vivante, les transports ne cessent pas de circuler avant tard dans la nuit (ou tôt dans la matinée). Mon très cher et étrangement mal famé Dwudziestolatka [résidence étudiante de l’université de Wrocław, ndlr] se trouve en face d’un grand centre commercial et si, par malheur, les adorables tramways vintage ne fonctionnent pas, il y a toujours les nombreuses lignes de bus qui s’y arrêtent. Je n’ai pas à m’en tracasser, et ça ne me coûtera pas 8 euros comme un billet de TER, puisque ma condition d’étudiante dans un pays de l’Est fait que je peux en profiter tout le semestre pour la modique somme de 36 euros et des poussières. C’est tout nouveau. Ça ne m’était jamais arrivé, alors que j’ai 20 ans.

Quand on regagne le trottoir, il est un peu plus d’une heure du matin, et il a neigé. On s’envoie de la neige à la tronche avant de réaliser qu’elle est trop froide et trop dure pour que ce soit vraiment amusant. On doit tous se tenir par les bras pour ne pas glisser sur le verglas. Et, on a l’air vraiment débiles, mais on ne peut pas arrêter de glousser. C’est d’autant plus difficile car je porte des talons – mes premiers talons, moi qui mesure plus d’1 m 90 et qui ai toujours cru que je ne n’avais pas le droit d’en porter.

Soirées Mario Kart ou Monopoly

Encore une fois, la situation me frappe. Je suis dehors au milieu de la nuit, et je n’ai à m’inquiéter de rien. Surréaliste. On a faim, et on cherche un endroit encore ouvert pour aller grignoter. Et parce que la vie a une manière bizarre de se faire remarquer, on finit au kebab, comme l’ancienne moi finissait déjà ses soirées quand elle et ses potes n’avaient nulle part d’autre où aller.

Je ressors plusieurs fois à Wrocław, à mesure que nous découvrons des endroits où nous retrouver. Avec Caoimhe, et Katie, et Karla, et Cyrielle, on passe plusieurs soirées dans un bar extraordinaire qui nous laisse jouer à Mario Kart ou au Monopoly jusqu’à 2 heures du matin. Quand la Coupe du monde de football commence, un peu avant nos départs successifs, on se rassemble souvent pour regarder des matchs importants – sauf avec les Italiens, qui boudent parce qu’ils n’ont pas été sélectionnés.

On refuse de se coucher avant le soleil

Cyrielle et moi organisons même une soirée française, où on manque de casser les fenêtres d’un appartement qu’on nous prête à coups de Michel Delpech et Bigflo & Oli, tout en servant du foie gras, du pain perdu et des crêpes. Jusqu’à la dernière soirée, à la toute fin du mois de juin, on refuse de se coucher avant le soleil.

SÉRIE 3/5  – LSD, MDMA, kétamine, Tramadol… Jason a tout essayé. Une descente dans le monde du high entre les soirées et les cabinets de médecin, là où les drogues sont facilement accessibles.

Capture d'écran de la miniature de l'article "LSD, MDMA, kétamine, Tramadol... J'ai tout testé".Dessin d'illustration. Un jeune homme est assis dans son canapé, souriant. Il tient dans sa main gauche un joint allumé. Sur la table basse en face de lui sont éparpillés des pilules, un livre sur les research chemicals et un ordinateur ouvert sur une page d'achat de LSDP.

J’en profite autant que possible car, bientôt, ma vie sera à nouveau rythmée par la SNCF et ses horaires bizarres, et je serai, pendant encore un an ou deux, contrainte de partir à temps pour attraper le 20 h 23.

Paula, 24 ans, étudiante, Colombes

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

 

En soirée, évitons le danger

 

Faire la fête, c’est cool. En limitant les risques, c’est mieux ! Si vous et/ou vos ami·es consommez des drogues en soirée, voici quelques recommandations pour réduire les risques :

 

– Boire régulièrement de l’eau, en petite quantité

– Éviter de consommer seul·e, plutôt avec des personnes de confiance qui prendront soin de vous en cas de problème

Espacer les prises / les verres

– Ne partager aucun matériel d’injection et utiliser du matériel stérilisé pour éviter la transmission de maladies

– Éviter de mélanger plusieurs substances. À noter : l’alcool amplifie l’effet des drogues

– Faire attention à la composition des produits : beaucoup de drogues sont coupées avec des substances dangereuses.

 

Et surtout : ne prenez pas de substances sous pression. Personne n’a le droit de vous forcer à vous droguer.

 

Pour avoir le détail des effets des différentes substances et obtenir des conseils pour réduire les risques, l’association Techno Plus vous informe ici.

Si votre consommation vous inquiète ou si vous avez des questions, vous pouvez appeler Drogues Info service : 0 800 23 13 13. Il existe aussi des consultations gratuites et anonymes. Voici la liste en Île-de-France.

 

En cas d’urgence, appelez le 15 ou le 18

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