5/5 J’échappe à l’école par la lecture
Je trouve toujours un moment pour la lecture : le soir avant de dormir, lors d’un trajet en voiture… J’ai souvent un livre ou ma liseuse à mes côtés. Lire permet d’avoir une bonne imagination, pour écrire des histoires, ou pour en inventer. Quand tu lis, tu n’as pas à penser à tout le reste… dont l’école.
Si tu ne réussis pas à l’école, on te dit que tu es nulle, que tu ne réussiras jamais, que tu finiras caissière à Carrefour. J’ai pu l’entendre de la bouche de certains profs quand des mecs ou des meufs de la classe avaient de mauvaises notes.
Si tu réussis, les camarades te traitent de « fayotte », te disent que tu as triché, que tu es une intello. Je l’ai bien entendu cette année, parce que je n’ai que des bonnes notes. À part une fois… Limite, ça m’a fait me questionner sur ma propre valeur.
Après ma filière ASSP (accompagnement soin et services à la personne), je pourrais faire une école d’infirmière ou d’aide-soignante. Pour y rentrer, il faut avoir de bonnes appréciations, de bonnes notes et un bon dossier. Donc, sur les années de lycée, pas de bavardages, pas de renvoi, pas de conseil de disciplines : « être une élève modèle ».
Moi, faire ce genre de métiers ne m’intéresse pas du tout, je préfère travailler avec des enfants. Mais je me mets, moi aussi, une certaine pression : je dois réussir, sinon je ne pourrais pas faire d’études supérieures.
Des crises d’angoisse au lycée
Certains de mes profs sont stricts. Une camarade de classe s’est pris un rapport car elle est partie de la classe. Elle ne se sentait pas bien et voulait vérifier si elle n’avait pas de température, en rapport avec le Covid.
Cette année, j’ai raté un devoir. La prof que j’avais m’a dit que ce n’était pas grave, qu’il y aura d’autres devoirs pour me rattraper. Mais j’ai eu d’autres profs, les années précédentes, qui n’avaient pas le même raisonnement. Ils me disaient qu’il fallait que je bosse plus et que j’aie de meilleures notes, sinon j’aurai une mauvaise moyenne générale et je n’aurai pas mon année. Les profs mettaient sur mon bulletin « bavarde trop », « bavardage »… Je m’ennuyais en cours et, quand je ne comprenais pas, je ne faisais pas d’efforts pour demander des explications.
Du coup, je stresse beaucoup. Ça se manifeste souvent par des crises d’angoisse ou de panique. Je n’arrive pas à respirer, ou très mal, je me ronge les ongles et j’ai mal à la tête. Ces crises se manifestent souvent à l’école, quand j’essaie de me concentrer sur un devoir mais qu’il y a du bruit autour. Elles se manifestent aussi quand il y a un mélange de bruit (une musique avec le volume trop élevé) et de trop forte chaleur. Elles me font ressentir un grand malaise comme si mon âme voulait partir mais que mon corps essayait de tenir le coup. C’est assez désagréable.
Alors, pour calmer tout ça, je demande la permission de sortir. Je respire un bon coup et j’essaie de me calmer le plus possible avant d’y retourner. Souvent, ça passe rapidement. Environ deux minutes et c’est bon. D’autres fois, mais c’est beaucoup plus rare, ça met au moins cinq minutes à passer.
Avec la lecture, des aventures plus palpitantes que la réalité
Pour échapper à tout ça, j’ai trouvé une activité, un peu coûteuse c’est vrai, mais qui m’apaise tellement : la lecture. Elle permet de m’évader. Je suis quelques lectrices sur Instagram. Suivre leurs aventures me permet de découvrir des livres que je n’aurais pas achetés comme ça : Né pour être Sorcier d’Amélie Jeannot, La Carte des confins de Marie Reppelin, L’Anti-lune de miel de Christina Lauren.
Lire me permet aussi de rêver. Et rêver fait du bien. Rêver est une sorte de liberté où tu n’as pas de contraintes, pas de loi à respecter, pas d’obligations ni d’engagement à tenir. Tu peux faire des allers-retours en paix. Tu es seule avec tes envies et tes propres limites.
J’ai commencé la lecture grâce à Agatha Christie. Depuis petite, j’aime beaucoup les enquêtes policières. J’ai toujours rêvé de ce genre d’aventures, de faire de vraies enquêtes, de les résoudre. J’ai toutes sortes de livres que j’aime mais, dans tout ça, il y a les Harry Potter. Ils me font rêver avec toute cette magie.
Série 1/5 – Depuis quatre ans, Yassin somatise la pression scolaire. Il garde tout ce stress pour lui, qu’il vit comme une faiblesse.
Tous ces livres me permettent de m’imaginer d’autres mondes, d’autres aventures plus palpitantes que la réalité que je vis. J’aimerais que tout ce que je lis et surtout le fantastique existe. Ce serait merveilleux : les sirènes, la magie, les créatures fantastiques, les dragons, les fées, les anges…
Découvrir de nouveaux mots et leurs sens, avoir un bon vocabulaire, l’imagination nécessaire, s’enrichir… La lecture me permet d’avoir des connaissances que l’école ne m’a pas apprises.
Lucie, 17 ans, lycéenne, Rive-de-Gier
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Pression à l’école : du stress au burn-out
17,1 % des élèves se déclarent très stressé·e·s en sixième, et 49,6 % en terminale. Selon l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques), plusieurs facteurs jouent un rôle important dans l’épanouissement des jeunes à l’école. Parmi eux, le soutien de leurs parents et de leurs enseignant·e·s et l’état de leurs relations avec leurs camarades.
Pour les chercheurs·euses, le stress scolaire s’exprime « chez des élèves s’étant fixés des buts inatteignables » ou dont l’entourage a fixé des attentes trop élevées. La pression scolaire peut donc venir des profs, des parents, de soi-même, ou d’un peu de tout ça. Lorsqu’un·e élève est stressé·e à ce point, la performance devient la priorité et passe avant son propre bien-être. Comme les travailleurs·euses, les élèves peuvent souffrir de burn-out.
Les filles et les garçons ne sont pas égales ou égaux face à la pression scolaire. Quelle que soit la classe, les premières sont plus souvent stressées que les seconds, et leur niveau de stress est plus élevé. Plus incitées à exprimer leurs émotions, la moitié des élèves filles sont très stressées en troisième, première et terminale.