5/5 Je suis un garçon en robe
Le jour où j’ai découvert que j’étais transgenre, j’avais 13 ans. J’étais très mal dans ma peau et je ne m’habillais qu’en jean et sweat, jamais en robe. À cette même époque, j’avais des photos de styles alternatifs féminins dans mon téléphone. Je les trouvais sur internet en cherchant des mots-clés tels que « pastel goth », « gothique », « emos », « style lolita / décora / harajuku ». Je faisais des fiches sur papier d’idées de tenues : comment les coudre, de quels tissus j’aurais besoin… sans jamais oser les faire.
J’ai découvert ça grâce à la musique que j’écoutais comme le nightcore (par exemple, Nightcore ↬ yes & no [NV]), My Chemical Romance, Tokio Hotel, Sleeping with Sirens, The Cure… Mais je me disais que, comme j’étais un homme, je ne pouvais pas me le permettre : « Les hommes ne mettent pas de jupes, d’autant plus s’ils sont transgenres, personne ne va me prendre au sérieux. »
Plateformes, jupes à carreaux et crop tops
En troisième, je n’avais toujours pas dit que j’étais un homme, à personne. Je suis sorti avec une lesbienne. Je ne voulais pas la quitter, je l’aimais. Si elle découvrait que j’étais un homme, elle me quittait. Au moins, je pouvais mettre autant de jupes et de robes que je voulais car, pour le reste du monde, j’étais une fille. J’avais même réussi à m’en persuader, par amour certainement mais aussi par peur du regard des autres.
C’est à ce moment-là que mon style s’est vraiment développé. Je portais ce que je voulais : des plateformes de 10 cm, des jupes à carreaux remplies d’épingles à nourrice, des crop tops noués de partout, des talons noirs… Ma copine m’encourageait beaucoup dans cette voie, elle avait aussi un style alternatif.
Aussi légitime que les hommes cisgenres
Vers la fin de l’année, j’ai découvert des hommes sur YouTube, comme Bilal Hassani, Sulivan Gwed, et SparkDise, qui mettaient des hauts moulants, des jupes, des robes… J’avais trouvé un mouvement qui disait « les vêtements n’ont pas de genre ». Des comptes Instagram, TikTok, YouTube revendiquaient ça. J’espère que plus tard, ça deviendra un mouvement officiel.
Si les hommes peuvent porter des jupes, pourquoi pas les hommes transgenres ? Pourquoi, juste parce que je suis né femme, je serais moins légitime en robe que les hommes cisgenres ? Ce n’était pas juste.
Je n’avais aucun modèle, mais ce n’était pas grave. Avec l’âge, et surtout avec mes ami·es, j’avais gagné en confiance, et j’ai décidé d’être mon propre modèle pour moi et les autres.
Faire ma transition en robe lolita
Maintenant, j’ai 16 ans. Tout le monde dans mon entourage est au courant que je suis un homme. En seconde (à 15 ans), j’avais fait une lettre à mes parents car je voulais commencer les hormones, mais j’étais mineur. Iels ne me prenaient pas au sérieux au début, justement à cause de mes vêtements. Mais, après quelques débats et une association (OUTrans), iels ont fini par comprendre. Niveaux ami·es, iels étaient déjà très renseigné·es donc ça n’a pas été un problème.
SÉRIE 1/5 – Avec Ophélie, Sacha a découvert la transidentité. Cette rencontre lui a permis de mettre des mots sur ce qu’il ressentait.
Je porte ce que je veux et je me bats car oui, je suis autant légitime que les hommes cis à mettre des jupes. Ce n’est qu’un bout de tissu, je mets celui que je veux sur mon corps. Si je veux me faire une moustache avec du maquillage alors que je suis en robe, je le fais. Cela rend les gens dans la rue confus sur mon genre, mais ce n’est pas comme si j’en avais quelque chose à faire. Mes ami·es m’encouragent sur cette voie en me complimentant sur mes tenues, tout en me genrant au masculin. Mes parents, au début, ne voulaient pas se balader avec moi comme ça mais maintenant, iels se sont habitué·es.
Si j’ai envie de faire ma transition en robe lolita, je le fais. J’ai le droit, tout le monde est légitime de porter ce qu’iel veut.
Hélio, 16 ans, lycéen, Hauts-de-Seine
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)
Tu te poses des questions sur ton identité de genre ?
Et/ou tu es une personne transgenre à la recherche d’infos ou d’assos ?
Voici quelques liens utiles :
Des groupes de parole pour personnes trans et/ou en questionnement
→ Trajectoires Trans, organisé par Espace Santé Trans, en ligne.
→ Les groupes de parole organisés par OUTrans, à Paris ou en ligne. L’association en organise également avec des proches (famille, ami·es…).
Des infos sur tes droits et ta santé, sur le site d’Acceptess-T.
Des personnes à qui s’adresser en cas de violences
Les actes anti-LGBTQIA+ ont doublé en cinq ans et 58 % des victimes sont des mineur·es. Si tu es concerné·e et que tu as besoin d’aide, SOS Homophobie a fait un document récap avec quelques numéros et liens utiles :
L’Existransinter, une marche des personnes trans, intersexes et de celles et ceux qui les soutiennent est également organisée chaque année depuis 1997. Cette année, elle aura lieu le 23 mai 2023.