Amandine G. 26/04/2023

2/5 Je voulais être « la plus belle »

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Enfant, Amandine surveillait déjà son poids et comptait les calories. Puis, un jour, elle n’est plus sortie de chez elle sans se maquiller.

C’était ma gloire, savoir que j’étais la plus fine et par conséquent « la plus belle ». En primaire, dans ma classe, je voulais garder la réputation de la fille la plus légère, à croire que c’était un concours. Ma hantise était de dépasser 40 kg. À cause des stars, des magazines de beauté et des réseaux, il fallait, pour être belle, avoir un ventre plat, une pilosité inexistante et un visage sculpté, lisse et sans boutons.

Mon trouble alimentaire a commencé « naturellement », c’est triste à dire mais c’est juste la réalité. Depuis toute petite, je suis l’enfant maigre de la famille, celle qui est la plus petite et la plus fine. Je ne prenais pas de poids même si je mangeais beaucoup  ; enfin, beaucoup pour moi… Lorsque j’étais enfant, il suffisait d’une remarque sur mes complexes pour que je ne parle plus pendant 30 minutes. C’était tabou, je ne voulais jamais en parler ou même les évoquer. Je faisais beaucoup de sport et mon alimentation n’était pas assez calorique. Ça a duré comme ça jusqu’à la cinquième.

Une appli pour compter mes calories

En quatrième, j’ai commencé ma puberté, et des garçons ont commencé à s’intéresser à moi. Les gens ont commencé à me parler. Parfois, je me demande si les gens sont là plus pour ton physique que pour ta personnalité.

Puis le maquillage… à la fois toxique et soulageant. Je me sentais belle, moi-même lorsque j’étais maquillée. En troisième, c’était devenu impossible pour moi d’aller en cours sans mes traits d’eyeliner, mon anti-cernes et mon mascara. Je me levais plus tôt pour avoir le temps. J’ai réussi à venir sans maquillage peut-être une fois dans l’année et c’était le jour du brevet, car je voulais être 100 % à l’aise.

Milieu troisième, j’ai voulu perdre du poids alors que je ne faisais que 45 kg. J’ai commencé à noter tout ce que je mangeais et j’ai aussi installé une appli pour compter mes calories. Je comptais tout et culpabilisais lorsque je dépassais le compteur. Mes amis me demandaient pourquoi je faisais ça, je leur disais que je voulais juste savoir ce que j’avais mangé. Je notais également si j’avais fait du sport ou pas. Évidemment, je culpabilisais si je n’en avais pas fait.

Nouveau départ, nouveau regard

Cet été m’a vraiment changée. J’ai appris à laisser les gens qui exercent une mauvaise influence sur moi partir. J’en étais forcée car je ne suis pas allée dans le lycée où tous mes amis sont. J’ai beaucoup souffert en sachant que je risquais de les perdre, mais les vacances m’ont permis de me ressourcer. J’ai réalisé que ce lycée serait mon nouveau départ, qu’ici les gens ne me connaissaient pas et n’avaient pas d’avis sur moi.

SÉRIE 3/5 – Sabrina a grandi avec les moqueries de sa famille sur son physique. Aujourd’hui, elle ne veut plus qu’on poste des photos d’elle.

Capture d'écran de l'article : "Pas dans les critères, pas sur les photos". Il est illustré par un dessin représentant une mère et une fille. Celle-ci pleure dans les bras de sa mère, qui semble lui montrer une photo de jeune fille.

J’ai appris à m’aimer en ignorant le regard des autres et en restant focus sur moi-même. Les gens aiment juger, et c’est comme ça. Les réseaux sociaux ont aussi changé de point de vue, avec des influenceurs qui font la promo du « self love », avec des gens qui représentent les vrais corps et la vraie beauté. La représentation, c’est la clé pour changer les choses à une échelle où ça empêcherait les futures générations de subir des expériences similaires. On laisse tomber les filtres et on montre le vrai côté des choses.

Je repars de zéro. J’ai appris à me regarder dans le miroir et à apprécier mon ventre pas toujours plat, mes poils et mes cicatrices.

Amandine, 14 ans, lycéenne, Île-de-France

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Miroir, dis-moi qui est la plus belle

Dans le cadre d’une campagne pub sur l’estime de soi et les réseaux sociaux, Dove a fait appel à un institut de sondage pour interroger 600 enfants belges. Les résultats, même s’ils sont partiels, montrent une tendance :

Entre 13 et 15 ans, le nombre de filles qui ont honte de leur apparence triple,

60 % des filles de plus de 13 ans se servent de filtres,

– Une jeune fille prend 8,5 selfies avant d’en trouver un « digne » d’être partagé.

Bien dans son corps, bien dans sa tête

Sur les réseaux sociaux, le sort réservé aux personnes qui ne correspondent pas à ces canons de beauté truqués a fait naître une inquiétante mise au pilori. C’est ce qu’on appelle le body shaming. Pour faire simple, c’est le fait de subir des remarques désobligeantes et des moqueries à propos de son corps ou de son apparence. Cela concernerait un·e Français·e sur trois. Ce chiffre monterait à environ 85 % chez les moins de 18 ans.

Ce sont les filles qui en sont les premières victimes : 23,9 % d’entre elles sont victimes d’intimidation en ligne, contre 18,5 % pour les garçons. Tout comme le cyberharcèlement : 1 fille sur 5, âgée de 12 à 15 ans, rapporte avoir été insultée en ligne sur son apparence physique.

Les médias, eux aussi, ont leur part de responsabilité : les silhouettes élancées surplombent les supports marketing, les publicités quant à elles vendent du régime minceur miraculeux à tous les étages. Le message transmis semble clair : pour être beau ou belle, il faut être mince. Quand on est en pleine croissance, comment s’y retrouver dans tout cela ?

Partout dans le monde, des femmes brisent le tabou. En France, la blogueuse Gaëlle Prudencio revendique à haute voix ses formes et les apprécie. À l’aide de son premier livre Fière d’être moi-même, elle veut libérer la parole des femmes sur l’acceptation de leurs corps tels qu’ils sont. Militante du body positive, elle a notamment conçu la marque Ibilola, consacrée aux femmes rondes.

Chacun·e ses poils, chacun·e ses choix

Jambes poilues, sourcils fournis, moustaches dévêtues… Désormais, les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir laisser la nature reprendre ses droits. Selon l’Ifop, la proportion de femmes qui ne s’épilent pas ou plus du tout a nettement augmenté. 28 % en 2021, pour 15 % seulement en 2013. Un phénomène accentué par les confinements successifs et la baisse des interactions sociales.

C’est le cas d’Eldina Jaganjac. Sur son compte Instagram, elle affiche naturellement son monosourcil, sa moustache, et montre son évolution pileuse. Pour Eldina, s’épiler, c’est une perte de temps et d’argent.

 

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Cette tendance a un nom : le No Shave. Le concept ? Inciter les femmes à laisser pousser leurs poils. Mais il ne s’agit pas du seul mouvement qui pousse à les assumer : #Januhairy, #LesPrincessesOntDesPoils, #BodyHairDay… En 2019, la mannequin Emily Ratajkowski avait fait sensation en lançant le #FreeTheArmpitHair. La raison ? Une photo d’elle avec les aisselles non épilées sur Instagram.

 

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Malgré sa popularité, cette pratique n’en reste pas moins socialement dérangeante : « Pas féminins », « pas hygiéniques », « pas jolis »… les critiques et les stéréotypes de genre persistent.

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