Océane B. 13/09/2024

1/4 Les marques de la violence

tags :

Océane a grandi avec un père violent et alcoolique. Aujourd’hui mère, la jeune femme de 22 ans n’imagine pas pouvoir lever la main sur son enfant.

Quand je suis avec des amis ou avec mon copain et que le ton monte, je finis soit en pleurs soit en crise d’angoisse. Et quand on lève le bras ou la main trop près de moi, j’ai le réflexe de baisser la tête comme si on allait me frapper. Je garde encore des marques de mon enfance avec mon père. 

Pour la résumer un peu : je ne me sentais à ma place nulle part. Je n’avais pas envie d’être au collège parce que je me faisais harceler et je n’avais pas non plus envie de rentrer chez moi. À cette époque, ce que je redoutais le plus c’était mon père. La simple idée de le croiser me faisait peur. J’avais peur de tomber sur lui et qu’il se mette à me rabaisser, à m’insulter ou à me frapper sans raison. Je préférais m’enfermer dans ma chambre pour l’éviter et me protéger.

Claques, coups de pied, coups de ceinture… Aussi loin que je me souvienne, il a toujours été comme ça avec mon grand frère et moi. On était les aînés de la fratrie. Mes trois petites sœurs s’en sortaient mieux. Pour les insultes, ça pouvait aller du simple « ta gueule » jusqu’à des choses plus dures comme : « Tu n’étais pas un enfant désiré. Ta mère aurait mieux fait d’avorter. »

Cette violence, bien sûr, il ne l’étalait qu’en privé. Quand on recevait de la famille à la maison, à Noël ou pour d’autres fêtes par exemple, il montrait un tout autre visage, bien plus sympathique. 

Arrêter de résister

Avant, mon père travaillait à la SNCF. Mais à cause de ses problèmes de dos, il a dû partir à la retraite plus tôt que prévu. Quand il n’était pas violent avec nous, il passait ses journées affalé sur le canapé, devant la télé ou sur sa PlayStation.

Pourquoi est-ce qu’il nous frappait ? Je lui ai toujours posé cette question. Une fois, il m’a répondu que c’était parce qu’il avait grandi dans un internat où il avait connu les coups de règle et la discipline. Ma mère essayait toujours de s’interposer mais elle se faisait systématiquement repousser. Elle lui hurlait d’arrêter, en vain. Moi, au bout d’un moment, j’ai arrêté de résister. J’avais compris que ça ne servait à rien. Je pleurais et j’attendais juste que ça passe.

J’ai fini par perdre goût à la vie. J’ai fait deux tentatives de suicide. J’ai été suivie par une psychologue mais cela ne m’a pas aidée. Alors, j’ai tout enfoui en moi.

Puis, il y a eu l’incident de trop. Un jour, ma mère est sortie et quand elle est rentrée à la maison, ils se sont disputés avec mon père. Comme à son habitude, il avait trop bu. Il avait vidé deux bouteilles et il l’a menacée de la tuer si elle demandait le divorce. Il a tiré dans un mur avec une arme. La balle a traversé le mur. Mes petites sœurs se trouvaient derrière ce mur, dans leur chambre. Heureusement, elles n’ont pas été touchées. 

Les stigmates du passé

Suite à ça, la police est venue chercher mon père. Le juge a décidé notre placement en foyer. Mes sœurs sont restées ensemble. Mon frère et moi, on a été admis dans un autre établissement. Mon père n’avait plus le droit de revenir à la maison ni même de nous approcher. Les démarches de divorce ont également été enclenchées.

Mon père a fait ses affaires et a coupé les ponts avec nous. Je l’ai appelé plusieurs fois, je lui ai envoyé des messages mais il ne m’a jamais répondu. J’avais besoin de comprendre pourquoi il avait été violent envers nous. Et j’avais besoin d’un papa, malgré tout ce qu’il s’était passé. 

Finalement, j’ai eu des nouvelles de lui au bout de sept ou huit ans. Il avait été admis à l’hôpital car son état de santé s’était grandement dégradé. J’ai pu passer six mois avec lui avant qu’il nous quitte, mais je ne lui ai jamais dit ce que j’avais sur le cœur. J’ai préféré être présente auprès de lui le temps qui lui restait à vivre.

Mon enfance a aussi façonné ma manière d’être mère. Je ne reproduirai jamais les erreurs de mon père. Jamais je ne considérerai la violence, verbale ou physique, comme une solution pour se défouler, se faire comprendre ou se faire respecter. Mon petit garçon de 3 ans, c’est ma raison de vivre, ma boussole, mon petit prince. C’est lui qui me permet d’avancer et de garder la tête haute malgré toutes les épreuves de la vie. 

Océane, 22 ans, en formation, Lomme

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Série Après l’enfance maltraitée, récit 2/4 : Se défaire de la honte et parler

Beverly, 24 ans, a longtemps minimisé les violences qu’elle a subies de la part de ses parents. Depuis trois ans, elle regarde ses traumatismes en face et s’occupe de sa santé mentale.

 

Tu es ou as été témoin ou victime de violences ? 

Tu es en danger ? Appelle le 17 ou le 112 (police et gendarmerie).
Tu as des difficultés pour parler ou entendre ? Tu peux contacter par SMS le numéro d’urgence 114 pour solliciter les secours.

Tu es mineur·e et victime de violences ? Contacte le 119. Le service est ouvert 24h/24, 7j/7. Tu peux aussi contacter ce numéro en langue des signes française du lundi au vendredi de 8h30 à 19 heures et le samedi de 9 heures à 12 heures.

Tu es une femme victime de violences ou une femme de ton entourage subit des violences ? Tu peux appeler le 3919, Violence Femmes Info. Un·e professionnel·le qualifié·e pourra échanger avec toi, de manière anonyme, sur les démarches à suivre et les solutions possibles.

Tu peux retrouver l’ensemble des outils nécessaires pour t’aider en cas de violences sur le site du gouvernement arretonslesviolences.gouv.fr.

Partager

Commenter