3/5 Mon voile les dérange

Avant, je n’étais jamais couverte, je portais des crop tops, des pantalons déchirés…  Mais je me suis dit que je n’étais pas obligée de montrer mon corps pour plaire aux gens. Je me suis mise à regarder plein de filles voilées sur les réseaux et ça m’a donné envie. Un matin, je n’ai pas réfléchi, j’ai mis mon voile et je suis sortie. Du jour au lendemain, je me suis mise à porter des jupes longues, des robes, des pantalons larges…

En arrivant au lycée par contre, c’était un peu gênant. Tout le monde me regardait ! Mais j’étais contente. J’ai appelé mon père qui est en Algérie : « Regarde papa, j’ai mis mon voile ! » Il était content. J’avais envie de le dire à toutes les personnes de ma famille. Ça leur a fait plaisir.

Des regards hostiles ou curieux ?

Aujourd’hui, je me sens différente ou, en tous cas, c’est ce que les autres me font ressentir. Dès que je sors de chez moi, je sens les regards se poser sur moi. Certains passants me regardent mal. Je ne sais pas si c’est juste de la curiosité ou si c’est de l’hostilité, mais c’est pesant. Pourquoi ont-ils toujours besoin de me regarder ? Quand je n’étais pas voilée, les gens s’asseyaient à côté de moi dans les transports… Quand je sortais, personne ne prêtait attention à moi. Je me sentais comme tout le monde.

Lors d’un voyage en famille au ski à Grenoble, nous avions réservé dans un restaurant pour y manger après une longue journée de trajet. Nous étions cinq, ma mère, mes trois sœurs et moi. Ma sœur est entrée en premier pour savoir quelle table était réservée pour nous. Le serveur en a indiqué une. Je suis arrivée quelques minutes après, avec ma mère. Nous sommes toutes les deux voilées.

« Vous partez, ou j’appelle la police »

Le serveur nous a regardées, et il a changé de tête. Il s’est approché de nous et a dit : « Vous ne pouvez pas rentrer ! » On n’a pas compris. Ma sœur a rappelé qu’on avait une réservation pour cinq. Le serveur n’a rien voulu entendre, il a dit : « Vous partez, ou bien j’appelle la police. »  Il ne nous donnait même pas d’explications, il voulait juste qu’on parte.

Nous nous sommes énervées. C’était injuste qu’un restaurant nous refuse l’accès à cause d’un bout de tissu sur la tête.

Une autre fois, à Aix-en-Provence, je discute avec un de mes voisins. Au même moment, une vieille dame passe à côté et demande à mon voisin : « C’est quoi ça ? » Mon voisin répond : « Un humain ! » Et elle : « Je ne crois pas non ! » Pour éviter les problèmes, je n’ai pas calculé.

Je suis un humain

Tout cela me dérange et me fait de la peine, mais j’essaie de ne pas me prendre la tête. Qu’il soit question de religion, de sexualité, de nationalité, de physique : il y a tellement de discriminations ! On devrait tous s’accepter puisque nous sommes tous des humains. En tout cas, c’est ce qu’on aimerait changer nous, la nouvelle génération.

SÉRIE 4/5 – Depuis qu’elle porte le voile, Alisa a vu sa vie professionnelle bouleversée, entre entretiens écourtés et demandes frontales de le retirer.

Aujourd’hui, ça ne me dérange pas de l’enlever au lycée mais je suis incapable de marcher dans la rue sans voile. Je me sens plus libre avec, je me sens moi-même. Je ne comprends plus pourquoi je portais des débardeurs, pourquoi je montrais mon ventre. Mais chacun fait ce qu’il veut. Si je veux me tatouer le visage, je peux le faire. Alors pourquoi je ne pourrais pas être libre de me couvrir les cheveux ?

Nas, 18 ans, lycéenne, Marseille

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

Peut-on porter le voile en entreprise ? 

Les agentes du service public ne peuvent pas porter de foulard sur leur lieu de travail au nom de la neutralité. Mais, dans le privé, c’est plus compliqué. Une entreprise ne peut pas interdire le port du voile, sauf si le patron a fait rajouter une clause spécifique dans son règlement intérieur (pour des questions d’hygiène ou de sécurité, par exemple).

Sur YouTube, Safaa et toi donne des conseils à celles qui portent le hijab et qui cherchent du travail.

Et à l’école ? 

De l’école au lycée public, les élèves n’ont pas le droit de porter le foulard, ni un autre signe religieux, depuis 2004. Dans le privé, ça dépend du règlement de chaque établissement. Dans l’enseignement supérieur, les étudiant·es sont considéré·es comme des adultes et sont donc libres de leurs tenues, n’en déplaise à quelques politiques et enseignant·es.

Comment se défendre ? 

Refuser d’embaucher quelqu’un à cause de sa religion ou de son foulard, c’est illégal mais ça ne veut pas dire que les patrons ne le font pas. Si tu estimes être victime de discrimination au travail comme ailleurs, les juristes de la plateforme antidiscriminations.fr proposent une aide gratuite pour te défendre et être accompagné·e par le Défenseur des droits.