5/5 À cause de mes parents, je déteste la peinture
J’en veux vraiment à mes parents de m’avoir forcée à aimer la peinture et d’avoir essayé de me donner leur culture. La peinture n’est pas quelque chose que j’aime, à cause de toute cette « merde ». Mes parents se sont séparés et mon père est malade : voilà ce que représente la peinture à mes yeux.
Fille unique de deux parents artistes, les gens ont tendance à croire que je suis chanceuse, que je vois plein d’expositions, que j’ai la culture dans le sang… Être une fille d’artistes n’a pas été un avantage pour moi, bien au contraire. J’ai eu une enfance qui m’a semblé différente de celle des autres.
Dès mon plus jeune âge, ma mère voulait absolument que je lise. Comme ce n’était pas mon truc, je mettais des marque-pages pour qu’elle ne s’aperçoive pas que je ne lisais pas.
Mes parents voulaient aussi que je dessine, comme eux. Mais je n’en avais ni le don ni l’envie. Je trouvais que mes dessins ne ressemblaient à rien, je ne voulais pas dessiner. Je ne voulais pas faire comme eux. Je préférais être différente.
Mes parents « perchés », différents des autres
Petite, j’avais honte de mes parents parce qu’ils n’étaient pas comme les autres. Ils étaient un peu « perchés ».
Notre maison sortait de l’ordinaire, c’était une maison d’artistes. Dans mon salon, il y avait une grande bibliothèque avec beaucoup de livres. Des cerfs-volants pendaient au plafond tandis que les murs étaient recouverts de tableaux. Sur un mur, il y avait aussi un miroir cassé dont je n’ai jamais compris la signification. Je crois que seule ma chambre me donnait l’impression d’être classique.
À 6 ans, j’ai compris que je ne vivais pas tout à fait comme les autres et que c’était un peu la honte. Un jour, j’ai invité pour la première fois une copine chez moi. Elle me l’a fait remarquer. Elle trouvait ma maison bizarre et m’a avoué que tout ce qui s’y trouvait lui faisait peur. Que ce soit les toiles de femmes nues ou les cerfs-volants.
Je voulais être comme mes copines
Depuis ce jour, j’ai caché ma vie à mes amies. Avant leur arrivée, je décrochais toutes les toiles pour les cacher dans l’atelier de ma mère.
J’essayais de faire en sorte que ma maison ressemble à celles de toutes mes copines, à la fois épurée mais avec une télé écran plat, parce qu’il n’y en avait pas chez moi. J’imaginais aussi qu’il fallait un salon blanc, simplement blanc.
Je n’avais pas non plus la même culture musicale qu’elles. Chez moi, on écoutait du Mozart ou du Beethoven, alors que chez elles, c’était Rihanna ou Mozart mais dans sa version opéra rock, pas tout à fait le même que celui que j’avais à la maison !
Renier l’héritage artistique (ou presque)
À 12 ans, la culture a conduit mes parents à se séparer. Et là, tout s’est écroulé. Mon père était jaloux des fréquentations artistiques de ma mère et des expositions qu’on lui organisait. Il ne s’était jamais vu proposer ce genre de choses. En tant que peintres, mes parents vivaient une sorte de concurrence malsaine.
SÉRIE 1/5 – Ylian et son père partagent la même passion pour les animes. En construisant leur collection de mangas, ils ont aussi construit leur relation.
Cette séparation m’a privée de mon père. Pourtant, sa présence me semblait très importante pour mon éducation, et même pour mon bonheur. Il n’y a jamais eu un week-end où j’allais chez mon père et celui d’après chez ma mère. Là encore, on ne faisait pas comme tout le monde. Je vivais chez ma mère, point final. Puis, mon père est devenu alcoolique et mes relations avec lui ont empiré. J’avais besoin de lui pour me construire, mais j’ai dû faire sans.
Je garde quand même une trace de cette éducation, je le sens dans le parcours que j’ai choisi, celui de la mode, un monde où il faut se montrer créatif… comme eux !
Sarah, 18 ans, étudiante, Dijon
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)