Eva F. 13/07/2022

4/5 Mes petits boulots, de Toulouse à Melbourne

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Après un an à enchaîner les boulots, Eva est partie jusqu’en Australie, toute seule. Là-bas, elle a beaucoup appris. Surtout sur elle.

À 18 ans, j’ai tout mis en œuvre pour financer mon premier voyage en Australie. Il fallait que je parte pour en savoir plus sur la vie. J’ai su que ma décision était la bonne quand mon futur patron m’a fait signer mon premier CDI en restauration dans les dix minutes qui ont suivi notre rencontre. C’est ce jour-là que l’aventure a démarré.

Ma première leçon de vie

Ce boulot, je l’ai adoré puis détesté. Les journées débutaient à 10 heures du matin pour se finir vers minuit, on travaillait sans relâche. Ah si ! Il y avait la pause des 3 heures. Juste assez proche pour rentrer à la maison, m’allonger un peu sur le canapé et repartir en courant au restaurant. J’ai tenu comme ça quelques mois… ça m’a paru des années. J’aurais voulu pouvoir encaisser plus. Mais l’ambiance névrotique du restaurant et le stress permanent m’ont provoqué des cauchemars bruyants. Ils avaient pour bruit de fond celui de la vaisselle en porcelaine du restaurant.

J’ai démissionné quatre mois après avoir signé ce CDI. Une prison sans barreau, dans laquelle j’ai laissé mes collègues de travail sans me retourner.

Ce fut ma première leçon de vie : « Ne mets pas ta santé mentale et physique en danger pour un travail. » Cette phrase est devenue comme une boussole dans le domaine professionnel. Je la ressors encore de ma poche lorsque je me demande si je suis encore à ma place dans un travail.

Mais il était hors de question d’abandonner mon rêve d’aller en Australie. Alors, j’ai enchaîné les petits boulots. Cela m’a pris un an pour économiser et pour pouvoir partir à Melbourne. Ce fut long et fastidieux.

Enfin, le grand départ

Le 21 novembre 2019, je suis partie. Les gens qui sont venus me chercher à l’aéroport à mon arrivée, je ne les avais jamais vus auparavant. Je m’étais inscrite en tant que jeune fille au pair sur la plateforme AuPairWorld. C’est là que j’ai fait la connaissance de la mère de famille. J’étais sur un nuage car, enfin, tout devenait concret.

Ce premier job fut comme une formation express sur la parentalité. Ce que j’ai retenu de ces trois mois de nounou : l’importance de prendre le temps de se construire personnellement avant de faire des enfants, et de bien choisir le père.

Sans cette expérience, j’aurais sûrement été une jeune maman de 19 ans. L’envie de pouponner un bébé était là, surtout après la naissance de mon petit frère dix ans auparavant. En plus, la plupart des filles de mon entourage partageaient cette envie. J’aurai pu prendre cette décision par mimétisme. Et, ça aurait été un poids de plus à porter, au vu du chemin intérieur qui me restait à parcourir.

Le 13 mars 2020, le contrat convenu oralement de jeune fille au pair se finissait. J’étais épuisée mentalement, mais j’avais grandi.

De Melbourne à Sydney

J’avais tellement hâte de prendre le train et de passer à autre chose. Direction Sydney, où un voyage organisé d’une semaine m’attendait. J’allais enfin pouvoir sociabiliser avec des gens de mon âge. Mais, en sept jours, mon budget s’est évaporé sans que je m’en rende compte. J’avais voulu trop profiter et rattraper les jours de solitude accumulés.

Je devais me refaire de l’argent, et vite, plus que quelques jours avant d’être à sec. J’ai tout de même décidé de prendre le temps de réfléchir avant de décider où aller et quoi faire. Mais Sydney était beaucoup trop cher pour mon petit budget, et cette ville bruyante me fatiguait trop.

Deux jours plus tard, en scrollant Facebook, je suis tombée sur une publication de rêve. Le Jackaroo Hostel, situé en pleine jungle, construit sur pilotis avec piscine, échangeait une place en dortoir confortable contre quatre heures de travail par jour. Sur le moment, je n’y croyais pas du tout.

Je me suis dit : « C’est exactement ce que je voulais, mais en mieux, comment c’est possible ? C’est trop beau pour être vrai, ça doit sûrement être une arnaque. » Mais j’ai enregistré la publication Facebook au cas où, et j’ai fermé mon téléphone.

Un post, un CV et un billet d’avion

Le lendemain, tous mes nouveaux potes du voyage organisé étaient déjà partis, je me suis retrouvée seule. Je retourne alors sur Facebook, peut-être que lui à la solution. Quand j’ouvre l’application, la publication de la veille est encore là, elle n’a pas bougé de mon fils d’actualité. « Bizarre, je me dis, ça doit être un signe . » Peut-être bien.

Mon cœur battait. Je me voyais déjà dans la piscine ou sur la terrasse en bois à observer le ciel.

Allez, j’envoie mon CV. On me répond dans la soirée. Je suis prise : quatre heures de ménage chez eux en échange d’un lit et de quelques biscottes humides pour le petit-déjeuner. Sans trop réfléchir, je prends un billet d’avion pour Cairns, la ville la plus proche du Jackaroo Hostel. Je tremble car je me dis encore que c’est sûrement une belle arnaque, mais bon je n’ai plus le choix, ni une meilleure option.

Une fois arrivée sur Cairns, je suis bloquée sous la pluie à cause d’inondations imprévues. J’étais inquiète qu’ils me laissent tomber. Mais j’ai profité de cette étape inattendue pour faire le point sur tous ces moments passés loin de chez moi.

Le temps s’était arrêté. J’étais très heureuse, je me suis baignée chaque soir dans le lagon en regardant les nombreuses chauves-souris géantes volant dans le ciel. J’ai respiré l’air humide et observé les étoiles jusqu’à pas d’heure. Voilà exactement ce que j’étais venue chercher, la liberté dans tous les sens du terme. Un rêve était en train de se réaliser.

Reprendre la route

Sept jours après mon arrivée à Cairns, les routes étaient enfin débloquées. J’ai envoyé un email à Robert, du Jackaroo Hostel, il m’attendait toujours. J’étais surprise de la gentillesse de ses mots et de sa patience. J’ai trouvé ça bizarre, surtout de la part d’un homme. C’était peut-être un piège. Mais j’avais un bon feeling qui me disait que tout irait bien.

J’ai repris ma route le lendemain.

Après trois heures de bus, je descends sur le bord de la route, au milieu de nulle part. Je n’ai pas de réseau. Alors, je demande à un Australien qui était là son téléphone pour prévenir la navette du Jackaroo de mon arrivée sur le lieu de rendez-vous. Il accepte avec plaisir. La navette de l’auberge de jeunesse arrive après vingt minutes d’attente.

La porte du van s’ouvre, les deux garçons à bord sont français. On échange quelques mots joyeux, comme heureux de retrouver des gens de son clan. Je suis tout de suite rassurée. À son regard, j’ai vite su que j’allais être amie avec le garçon côté passager. Finalement, ce n’était pas du tout une arnaque, cette annonce.

Trois ans plus tard

Bientôt trois ans se sont déroulés depuis le Jackaroo Hostel, qui fut, de loin, l’une des plus belles étapes de ce voyage.

Avant mon départ, j’avais dressé plusieurs listes très exhaustives de tout ce que je souhaitais faire. Rien ne s’est présenté comme dans mon imaginaire, tout était bien mieux. J’ai retrouvé ces écrits le mois dernier, et un sentiment de joie m’a envahie.

SÉRIE 5/5  – De retour à Bordeaux après un Erasmus en Irlande, Chloé a pris conscience de ses capacités, mais aussi de ses privilèges.

Sur l’illustration, on voit : en premier plan, un profil détendu qui a les yeux fermés ; en second plan, un groupe de personnes qui parlent sur une banquette ou un lit ; en troisième plan, en hauteur, l’arrière d’une camionnette ouverte avec des parents assis sur le coffre, qui regardent vers trois enfants perchés sur un lit au-dessus d’eux.

L’Australie m’a appris à vivre les choses pleinement, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, à ne pas avoir peur de l’inconnu, à savoir appréhender des événements inattendus. J’ai appris à trouver des solutions rapidement et par moi-même, à rencontrer des inconnus qui deviennent bien souvent des amis, à se faire tout simplement confiance même lorsque nous sommes perdus et parfois désespérés. Nos limites intérieures se dissipent au fil des jours et des mois. On devient alors une personne plus libre et plus forte.

À mon sens, chaque jeune personne devrait avoir la chance de partir à l’étranger afin de mieux s’appréhender dans la vie, une fois adulte. Ne dit-on pas que le voyage forme la jeunesse ?

Eva, 23 ans, volontaire en service civique, Toulouse

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Bons plans pour voyager pas cher

En France (et Allemagne)

– Pass Jeune TER : mis en place en été 2020 et 2021, puis supprimé par la SNCF. Mais si tu passes la frontière, l’Allemagne propose un ticket à 9 euros par mois pour voyager dans tout le pays jusqu’au 31 août.

Carte Avantage Jeune : si tu as moins de 27 ans, elle te permet de réserver toute l’année des billets de train moins chers et plus facilement remboursables.

– Sinon, il y a toujours les autobus Flixbus et Blablabus ou le covoiturage Blablacar. Tu peux comparer leurs offres sur Trainline. Encore moins cher, l’autostop, mais plus risqué : mieux vaut être accompagné·e et le pratiquer en journée.

En Europe

Interrail : pour voyager en train à travers l’Europe, jusqu’à trois mois. Si tu as 18 ans, DiscoverEU organise chaque année un concours pour faire gagner des pass gratuits : le prochain, ce sera à l’automne 2022.

Départ 18:25 : si tu as entre 18 et 25 ans et que tu remplis les critères, tu peux recevoir une aide de 250 euros pour partir en vacances. À condition de réserver un des séjours proposés !

– Pendant l’année scolaire, si tu as envie d’aller étudier ou de faire un stage à l’étranger, il existe plein d’aides financières, en fonction de ta situation et de là où tu vas.

Dans le monde

Programme « vacances-travail » : un visa qui permet aux 18-30 ans d’aller travailler à l’étranger pendant un an.

Woofing : en échange de quelques heures de travail par jour dans une exploitation agricole écologique, tu es accueilli·e, logé·e et nourri·e.

Couchsurfing : pour trouver un canapé où dormir, n’importe où dans le monde, rencontrer des gens et découvrir plein d’endroits.

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