Rodrigue C. 20/09/2021

1/7 En prison, je suis réglé comme une horloge

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Pas de place pour l'ennui. Pour garder des repères temporels, Rodrigue règle sa vie en prison comme du papier à musique.

Ici, au centre de détention de Melun, les jours passent et se ressemblent tous ! Je fais toujours les mêmes choses et dans le même ordre.

En semaine, ma montre est réglée pour m’assurer d’être debout au plus tard à 5 h 55. Je suis seul dans ma cellule. Je préfère être sorti du lit avant le passage du surveillant. C’est une marque de respect. J’allume la télé, je fais chauffer de l’eau. Pendant que l’eau chauffe, je me brosse les dents. Quand l’eau est chaude, j’en mélange une partie avec l’eau froide du robinet pour me rincer la bouche. Avec la quantité restante, je prépare mon thé, le rituel est immuable !

Après l’avoir bu, je considère que la journée a débuté. Je m’emploie à faire mon lit, je m’assois à ma table pour regarder la TV, je zappe entre C8, BFM, CNews et les chaînes de sport. À 8 heures précises, j’ouvre mes fenêtres pour aérer. À 9 heures, je me rends au centre scolaire, je suis inscrit au cours d’informatique en autonomie. Avant mon incarcération, je développais déjà. C’est mon truc ! Surtout des logiciels de jeux. Grâce aux outils du centre scolaire, je peux développer tout ce que je veux (du VBA au JavaScript en passant par le PHP).

Je zappe entre TF1, France 2, BFM et les chaînes sportives

La première application que j’ai créée est chargée de gérer les cours et la participation des élèves. Une application de suivi : en sélectionnant le nom d’un élève, le logiciel nous apprend les cours auxquels il est inscrit et les jours où il s’y est rendu.

Malgré l’interdiction des téléphones en prison, certain·e·s s’en procurent et des influenceur·se·s émergent, comme @untiktolard. Sur TikTok, il raconte son quotidien derrière les barreaux et répond aux curieux·ses. Une interview Vice.

À 11 h 30, le centre scolaire ferme ses portes donc je retourne en cellule. J’en profite pour aller me doucher dans des locaux spéciaux où se trouvent deux cabines individuelles. Deux locaux donc quatre douches. Après ma douche, j’allume à nouveau ma TV et je zappe entre TF1, France 2, BFM et les chaînes sportives. En attendant le déjeuner servi à 14 h 30, je travaille mes « codes ». Je vérifie s’il est possible d’améliorer mes programmes. Il faut qu’ils soient le plus court possible et le plus rapide à exécuter.

Je vis comme un robot, réglé comme une horloge

Après le repas, je vais remplir une bassine d’eau chaude dans un local de douche afin de faire ma vaisselle. À partir de 15 heures commencent les activités. Les mardis, je privilégie l’activité kick-boxing (j’aime autant les arts martiaux et les sports de combat que l’informatique). J’ai pratiqué dix-neuf ans du taekwondo et du sambo, le sport de combat des forces spéciales russes.

J’ai de la chance, comme il y a beaucoup d’activités culturelles proposées, il y a toujours quelque chose d’intéressant à faire. Lorsque je ne participe pas, je me rends en cours d’informatique pour continuer à coder. Les profs sont sympas, ils me laissent travailler dans mon coin.

2/7 – Derrière les barreaux, travailler est indispensable pour Eric. Pour éponger ses dettes et pour son bien-être, son activité rythme son emploi du temps.

Les activités se terminent au plus tard à 18 h 25 et les détenus doivent regagner leur cellule. Peu de temps après, le dîner est servi. Comme au déjeuner, je m’en vais remplir une bassine pour la vaisselle.

À 19 h 30, c’est l’heure de la fermeture des cellules, nous sommes enfermés jusqu’au lendemain 6 heures. Avant d’aller me coucher, je bois un thé et, comme le matin, je me lave les dents selon le même rituel. Et la boucle est bouclée ! En détention, je vis comme un robot, tout est tellement réglementé que je me vois réglé comme une horloge. Une heure pour chaque chose.

 

Rodrigue, 44 ans, en détention, Île-de-France 

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

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