Lucie V. 23/12/2020

2/4 Ma mère est mon taxi

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190 km parcourus chaque semaine : la mère de Lucie est devenue le chauffeur de la famille, car sans sa voiture à la campagne, pas de cours ni d'activités !

Elle s’appelle Lili, elle a une quarantaine d’années, elle est prof, mais pour moi elle est chauffeur à plein temps… et c’est ma mère adorée. Pas facile d’habiter à la campagne, d’avoir trois ados et d’être la seule à la maison à avoir le permis. En voiture à la campagne, chaque semaine, elle se lance un défi… Ou plutôt c’est nous, ses trois enfants, qui lui en lançons un. Réussira-t-elle à faire plus de 150 kilomètres cette semaine encore ?

Les allers-retours Billom–Vertaizon, ça, elle gère. Entre la benjamine qu’il faut aller chercher deux fois par semaine, la cadette qui finit parfois les cours à 18 h 30 et l’aîné qui prend des cours particuliers près du collège, elle connaît par cœur ce trajet. Ma mère pourrait presque le faire les yeux fermés (#ToujoursPlus). Et nous, on monte, on descend, on remonte et on redescend sans arrêt. Le compteur tourne et tourne encore. En une semaine de voiture à la campagne, elle fait presque 68 kilomètres rien que pour le collège. Et tout ça sans compter les conseils d’administration, les changements d’emploi du temps, les grèves…

Une voiture transformée en minibureau très fonctionnel

Bref, Billom c’est la destination phare de mon chauffeur favori. Bien sûr, s’il n’y avait que ça, ce job serait bien trop facile. Il ne faut surtout pas oublier nos « ACTIVITÉS EXTRASCOLAIRES » (#EnferDesParents). Elles prennent tellement de place que, parfois, ma mère est obligée de corriger ses copies dans la voiture en nous attendant. Cette voiture à la campagne se transforme alors en minibureau très fonctionnel.

Il y a une petite lumière qui s’éteint au bout de seulement cinq minutes – ma mère s’éclaire alors à la lumière de son téléphone –, un siège passager en mode débarras, plus empilement de feuilles et de classeurs, et enfin le volant qui sert à se caler pour écrire quand elle a mal au dos. Et nous, quand on arrive, on rentre dans cette voiture et on détruit toute cette organisation minutieuse. Mais là, je m’égare. Revenons aux activités.

En voiture à la campagne, toujours quelque chose à faire

D’après « mon chauffeur », c’est l’ennemi numéro un du temps libre des parents. Elle pense qu’on en fait trop ! Nous, on n’est pas d’accord, on fait juste du basket, de la danse, du piano… En une semaine, elle fait plus de 82 km pour nous conduire. Les allers-retours s’enchaînent et les pleins aussi. Et le compteur continue de tourner, il ne s’arrête jamais, pas même les mercredis après-midi quand il n’y a pas d’activités. Ses enfants adorés (#Nous), on lui trouve toujours quelque chose à faire.

Série 3/4 – Pâtissière, c’est le métier qui passionne Loreen. Elle trouve des offres d’emploi à Brest et dans ses environs mais, sans voiture et sans permis, personne ne veut l’embaucher.

Deux gâteaux, des cupcakes, sur une table, représentent deux petites voitures.

Aller faire les magasins, rendre visite à la famille ou encore se faire emmener chez des copains, en voiture évidemment. Elle est très souvent dispo, et nous on trouve quand même le moyen de se plaindre quand elle ne peut pas nous emmener chez nos amis ou à la patinoire parce qu’elle a déjà été réquisitionnée pour conduire un autre de ses clients exclusifs (#SesEnfants), ou bien parce qu’elle a trop de travail. Je pense que, si un jour elle veut quitter l’Éducation nationale, elle pourra se reconvertir en taxi professionnel. Bref, si on calcule tous les kilomètres de cette semaine, on arrive à un total de… 190 kilomètres ! Bravo, elle a réussi !

Elle a relevé notre défi et nous a encore conduits partout cette semaine ! C’était presque trop facile, allez, la semaine prochaine, nouvel objectif… 200 kilomètres !

Lucie, 15 ans, lycéenne, Vertaizon

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Jeunes des villes, jeunes des campagnes

L’origine géographique, vecteur d’inégalités

Si la profession des parents affecte le parcours scolaire de leurs enfants, le lieu de vie joue aussi un rôle. 12 % des 17-23 ans issu·e·s de territoires ruraux considèrent leurs choix d’études supérieures comme ambitieux, contre près du double en agglomération parisienne. Les jeunes de petites communes rurales estiment avoir moins confiance en elles et eux que celles et ceux de la capitale.

Un sujet qui ne date pas d’hier

Les préoccupations des jeunes ruraux n’ont pas beaucoup changé en trente ans, comme le montre ce reportage de 1987. On y retrouve l’importance de la mobilité pour avoir une vie sociale, la rareté des infrastructures de divertissement et l’attachement au cadre de vie de la campagne. 

Sortir de l’ombre

Depuis fin 2021, les antennes locales de France Télévisions brossent treize portraits de jeunes qui ont grandi, comme 60 % d’entre elles et eux, loin d’une métropole. Dans les deux premiers épisodes de la série documentaire Jeunesse (in)visible, on rencontre Juliette, jeune aveugle, autiste Asperger et autrice de chansons, et on suit les ambitions de Malo, apprentie forgeronne et rêveuse. 

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