1/4 Exclue du collège pour un jean troué
En sixième, je suis arrivée au collège avec un pantalon « déchiré » au genou. Selon moi, ce mot ne convenait pas vraiment pour qualifier mon pantalon… mais, d’après la CPE, cette tenue était « non adaptée ». Je me suis demandée, bien évidemment, en quoi mes deux genoux à peine visibles étaient dérangeants pour autrui. Elle m’a alors dit que « les garçons pouvaient, en voyant ça, avoir des pensées obscènes ».
Imaginez seulement deux minutes ma tête d’enfant d’à peine 11 ans, quand on lui a expliqué que deux genoux pouvaient engendrer certaines pensées chez les garçons ?! J’ai été surprise et dans l’incompréhension. Même si je savais déjà à cette époque que les garçons pouvaient avoir un esprit mal placé, je n’aurais pas imaginé que cette prétendue imagination débordante pouvait m’empêcher de montrer mes genoux.
Insultée de « pute » par une surveillante du collège
Pour autant, je n’ai pas arrêté de mettre des habits dits « non adaptés ». J’ai continué, pendant mes quatre ans passés au collège, de porter des habits de ce genre. Car ils me plaisaient, tout simplement. Des crop-tops, des jeans déchirés, des jupes, des robes ou encore des décolletés. Mais, pour chacun de ces vêtements, j’ai une anecdote accompagnée de réflexions bien sympathiques comme : « Plus court le t-shirt la prochaine fois, non ? » Ou : « On voit ton soutif tellement c’est décolleté. » Ce à quoi il faut ajouter des regards accusateurs, en mode : « Elle cherche quoi à s’habiller comme ça celle-là ? »
Ça pouvait aller jusqu’aux insultes, que ça vienne d’adultes ou d’enfants. Un jour, je me suis fait insulter de « pute » par une surveillante de cantine. Charmant, non ?
Je me faisais reprendre par les surveillants, la CPE ou encore la principale avec des : « Habillée comme ça, tu vas déconcentrer les garçons ! » Comme si le fait que certaines parties de mon corps ne soient pas totalement couvertes – ce qui se comprend quand les températures dépassent les 25 degrés au printemps – pouvait offrir une justification si je me faisais éventuellement agresser par un garçon.
Une blouse de cantine sale XXL en guise de tenue
La plus grosse sanction que je me suis prise a été la fois où je me suis fait virer d’un cours. Ça ne s’est pas arrêté là : le collège m’a proposé de porter une blouse de cantine tachée et beaucoup trop grande pour me couvrir. Ma mère ayant refusé que je porte ça, le collège l’a appelée afin qu’elle me ramène chez moi pour que je change mon jean. Tout ça a pris plus d’une heure. Pour un bout de cuisse apparent.
Avec le recul, je me rends compte de l’humiliation globale que mon collège m’a fait subir. Je me suis fait exclure pour ensuite qu’on me dise de façon subtile qu’une blouse de cantine sale et de taille XXL était plus adaptée qu’un jean et un t-shirt. J’ai été rapatriée chez moi, pour un trou d’environ cinq centimètres…
2/5 – Le 14 septembre 2020, Louanne a manifesté pour ne plus être sexualisée par les profs et les surveillant·e·s.
Maintenant, je suis au lycée. Pour l’instant, je ne reçois pas de remarques sur ma tenue. Néanmoins, je sais que je ne pourrai jamais m’habiller comme je le veux sans me sentir jugée.
Jade, 15 ans, lycéenne, Gardanne
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Bonjour,
C’est exactement ce que subit ma fille. Cela commence à engendrer un complexe sur son corps, elle a peur de son corps, peur du regard des autres car on l’insulte dès qu’elle porte un jean troué, une jupe ou un short. Elle s’est fait exclure également. C’est devenu invivable pour elle. Depuis elle ne veut plus mettre que des vêtements amples et a développé un début de dépression.
Que peut-on faire ?
Bravo Jade, vraiment, je ne sais pas si j’aurais eu cette force à ton âge, et j’en ai bouffé du ‘tu vas gêner les garçons / tu cherches les ennuis’
J’admire ta force 🙂 belle continuation à toi