Mallory G. 08/03/2022

4/4 « Sois une bonne fille, Mallory ! »

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La mère de Mallory ne la laisse pas vivre. Sa fille n’a pas droit à l’erreur et doit être parfaite, dans tous les domaines.

Ma mère est persuadée que je suis naïve, fragile, hyper influençable, une fille facile qui se laisse embarquer dans des plans foireux et qui fait tout ce qu’on lui dit de faire. Elle me connaît très mal. Je suis du genre sur la défensive, qui ne se laisse pas marcher dessus, qui sait être gentille mais qui connaît les limites de la gentillesse. Je suis devenue, par la force des choses, très indépendante, je sais me débrouiller seule. Si seulement ma mère m’accordait de la liberté.

À la maison, je me sens comme exclue par mes parents. C’est mon impression. Par exemple, à table, ma mère sert mes frères et ma sœur, mais moi je dois me servir toute seule. Elle leur accorde plus d’attention, se préoccupe de savoir si tout va bien pour eux. Et moi ? Jamais ! Ma mère fait beaucoup de différence entre eux et moi, parce que je suis une fille, la fille aînée. Mes frères peuvent sortir alors que je dois plutôt rester enfermée. Je dois effectuer toutes les tâches ménagères : laver la maison, m’occuper du linge, repasser, faire la vaisselle, garder mes deux petits frères et ma petite sœur. J’ai l’impression d’être en prison.

La pression d’être une bonne fille

Quand je vais au sport, je dois être accompagnée de mon grand frère, « à cause des gens dehors ». De manière générale, il faut qu’il soit là quand je vais quelque part. Quand je sors mon chien, j’ai pas le droit de rester plus de vingt minutes dehors, sinon c’est un interrogatoire en rentrant. Ma mère me bombarde de remarques : « Tu foutais quoi ! » ; « Il te faut autant de temps pour sortir un chien ? » ; « T’étais où ? » « Tu étais avec un mec, c’est sûr ! » Si je suis au téléphone avec une pote chez moi, elle est toujours là à écouter, à vouloir savoir de quoi on discute. Elle ne se permettrait jamais de faire ça à mes frères.

Ma mère me répète à longueur de journée : « Sois une bonne fille, Mallory ! » Elle veut dire : ne pas traîner dans la rue, ne pas fumer, ne pas boire, être respectable et respectueuse, bien travailler à l’école, faire de longues études, avoir un bon métier… La liste est encore longue. J’ai un peu le sentiment d’être sous pression tout le temps. Je ne lui ai jamais parlé de tout ça. J’ai déjà essayé de lui faire comprendre, mais elle s’énerve à chaque fois que je me plains. Elle ne veut pas entendre, elle m’étouffe. Elle ne veut pas me laisser grandir tranquillement.

Un petit copain ? Impossible !

Je n’ai pas le droit d’avoir un petit copain. Si j’ai le malheur d’en avoir un, ma mère ne me laisse pas sortir, ni le voir. Et s’il ne lui plaît pas, elle fait tout pour que la relation prenne fin. Elle me fait la misère. Limite c’est elle qui veut choisir mon mec. Ses critères : qu’il habite près de chez nous, qu’il soit « français » comme nous, surtout pas un Arabe ou un musulman. Il doit avoir le même âge que moi, ne pas être un charo, c’est-à-dire ne pas traîner dans la rue avec ses potes.

Elle contrôle toute ma vie. Elle fait ça pour me protéger et parce qu’elle craint le qu’en-dira-t-on. J’habite dans un petit quartier plutôt calme. Mes voisins connaissent ma mère et lui balancent le moindre de mes faits et gestes, quoi que je dise ou fasse. Une fois, on m’a vue avec un mec, elle a pété un câble alors que c’était juste un pote d’école. Les mauvaises langues…

Série 1/4 – Alors que ses trois frères pourraient s’en charger, Mary-Kate se tape à 14 ans toutes les tâches ménagères. Et elle en a marre !

Illustration d'une jeune qui porte un panier de linge. Derrière elle, deux garçons sont affalés sur un canapé. L'un est sur son téléphone, l'autre tient la télécommande d'une télé.

Ça me fout tellement la haine d’avoir une mère comme ça. Ça crée beaucoup de conflits entre nous. En ce moment, je me rebelle. J’ai attrapé de la gueule, comme on dit ici. Je ne veux plus rien laisser passer. J’en ai marre d’être la gentille Mallory qui la ferme. Résultat, je finis souvent punie : elle me confisque mon téléphone, je dois faire plus de corvées que d’habitude, etc. La double peine.

Une mère trop stricte, c’est étouffant

Mes parents sont séparés depuis que j’ai un an et demi. Je vis avec ma mère et mon beau-père. Plus je grandis, plus ma mère m’empêche de voir mon père. Parfois, je n’ai qu’une envie, c’est de me barrer de chez elle et aller chez lui. Chez lui, j’ai le droit de sortir, je me sens libre de faire ce que je veux. Je n’ai pas de compte à rendre. Mon père me laisse faire des erreurs, ça m’aide à grandir, à gagner en maturité, à apprendre à ne plus les faire. Une vie normale, quoi.

Une mère trop stricte, c’est étouffant. J’aimerais pouvoir faire des erreurs et savoir me débrouiller seule. Après on s’étonne que je fasse des « choses » dans leurs dos. Comme sortir avec un mec qui ne lui plaît pas, être sur les réseaux alors qu’elle me l’interdit, ne pas rentrer à la maison tout de suite après les cours. Pas de grosses conneries. Okay, elle me protège, mais au point de me priver de tout. C’est plus me protéger, c’est m’enfermer !

Mallory, 15 ans, lycéenne, Grande-Synthe

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

À bas l’éducation genrée !

Les filles ont moins de temps libre que les garçons

Selon une étude réalisée en France en 2015, les jeunes filles et femmes entre 15 et 24 ans consacrent en moyenne 44 minutes de plus par jour aux tâches domestiques que leurs homologues masculins. Et la pandémie n’a fait qu’aggraver ces disparités. En 2021, une étude britannique a révélé que 66 % des filles et femmes de cet âge affirment passer plus de temps à cuisiner depuis la crise sanitaire, contre 31 % des garçons. Un temps qu’elles pourraient allouer à leur vie personnelle… et à leurs études.

Jouer les stéréotypes

Depuis 2019, les acteurs de la filière du jouet s’engagent chaque année à favoriser la représentation mixte des jouets à travers la signature d’une charte. Cette prise de conscience tardive a notamment été impulsée par des associations comme Pépite Sexiste, qui dénonce les stéréotypes sexistes diffusés par le marketing. Car, dès le plus jeune âge, les jouets participent à la reproduction des rôles traditionnels de genre. 

Vers une éducation non-genrée ? 

Encourager une éducation égalitaire, notamment à l’école, permettrait aux enfants de se construire hors des stéréotypes de genre. Mais l’institution scolaire fait face à des levées de boucliers. On se rappelle notamment de l’abandon de l’ABCD de l’égalité en 2014, suite à des pressions de groupes réactionnaires. Ce programme d’enseignement, proposé par l’ancienne ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, était pourtant seulement destiné à « transmettre des valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons ». Pas gagné…

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