Kadiatou N. 28/02/2020

4/4 Ma victoire : des filles au city stade

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Pour avoir le droit de jouer au foot, Kadiatou a dû balayer les clichés : convaincre sa mère et prouver aux mecs de sa ville qu’elle avait sa place sur le terrain du city.

Le foot, ça a commencé pour moi quand j’ai vu mon frère jouer. J’avais 6 ans et lui 10. Il jouait dans la cour de notre petit immeuble à Drancy, avant de s’inscrire dans le club de la ville. Moi, j’ai demandé de m’inscrire avec lui, mais ma mère m’a répondu : « Non, c’est un sport de garçons et déjà que tu te comportes comme un garçon… » Ce n’était pas faux, j’ai toujours été un garçon manqué. Je m’habillais et me comportais comme un gars.

Sur le coup, ça m’a mise en colère, parce que je trouvais que le foot c’était pour tout le monde. Vers mes 8 ans, j’ai redemandé, elle m’a répondu la même chose. Le lendemain, je suis allée voir mon frère à son match au Blanc-Mesnil. Sur le banc, avec le reste des joueurs, je me sentais à ma place. J’avais trop envie de jouer. Le soir, j’ai encore essayé de convaincre ma mère. Encore un non.

Je me suis mise à pleurer. Pour me réconforter, mon frère m’a emmenée dans notre cour et il a joué avec moi. Il m’a appris à faire une conduite de balle. Il allait trop vite ! Je ne comprenais pas comment il faisait. Mais il m’a bien expliqué, et j’ai capté qu’il fallait pousser avec l’extérieur avant du pied.

Les mecs au city, les filles à côté

On a continué à jouer ensemble à chaque fois qu’il n’avait pas entraînement. Toujours dans notre cour, jamais au city, le terrain dans le parc de ma ville. C’est là où il y a tous les gars de Drancy qui vont s’entraîner et faire des matchs entre eux. Sans filles. Parce qu’elles aussi, elles pensent que le foot c’est pour les gars. Celles qui sont là, en général, c’est juste pour regarder leur gars jouer.

La première fois que je suis allée au city, c’était avec ma grande sœur. Elle était comme les autres : elle était là pour regarder l’un de ses potes jouer. Relou. Une autre fois avec mon frère, on y est retournés. Ma place était encore sur le banc, pas sur le terrain. Les gars qui jouaient, je ne les aimais pas trop parce qu’à chaque fois qu’ils me calculaient, c’était pour me dire d’aller chercher la balle quand elle sortait (sans s’il te plaît, ni merci).

Vers mes 10 ans, ma mère m’a inscrite dans le club d’athlétisme de la ville, comme ma grande sœur. Mais, à chaque entraînement d’athlé, je regardais les gars qui s’entraînaient au foot à côté. Six mois plus tard, une copine de l’athlé m’a proposé d’aller faire du foot avec elle dans une association qui s’appelle Sport dans la Ville. C’était gratuit et il n’y avait que des filles, donc ma mère a fini par accepter.

M’entraîner, m’incruster et leur prouver

À mon premier entraînement, je me suis rendu compte que j’avais un meilleur niveau que les autres filles qui faisaient déjà du foot en club depuis un an et demi. Ce jour-là, j’étais heureuse comme jamais. Mais mon objectif à moi, c’était d’atteindre le niveau des gars du city.

Alors, depuis trois ans, je m’entraîne tous les mercredis avec les filles et, le samedi, je vais à un des stades de ma ville. Là-bas, j’ai le droit de jouer avec les gars parce que c’est celui où on s’entraîne tous, c’est NOTRE stade à TOUS. Je suis même devenue plus forte que certains gars. Au fil du temps, j’ai appris à jouer en équipe, à lever la tête, à prendre en compte les autres joueurs.

SÉRIE 1/4 – Pour les jeunes de l’ASLCV de Caen, le club le plus important, c’est celui du quartier. Ils sont fiers de leur équipe soudée et solidaire.

Illustration de l'article. Le club de foot est représenté par cinq jeunes joueurs et joueuses. Dans un décor urbain, sur un terrain de foot, ils et elles se tiennent par l'épaule. L'un d'entre eux porte une coupe et une autre lance un ballon dans les airs.

Après un an et demi, je me suis sentie assez sûre de moi pour aller jouer au city. J’ai été assez mal accueillie. Ils ne voulaient pas que je joue. J’ai forcé, j’ai réussi à m’incruster sur le terrain. On a fait des « deux contre deux ». J’étais en équipe avec un gars qui ne le voulait pas. Mais quand j’ai commencé à jouer, il m’a dit qu’il était content que je sois dans son équipe parce que je jouais mieux et que j’étais plus technique que lui.

À ce moment-là, j’étais tellement heureuse et fière de moi. À tous les matchs qui ont suivi, les gars n’arrêtaient pas de dire : « Je veux la meuf forte dans mon équipe ! » C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que j’avais gagné le respect des gars, ceux qui me rejetaient au début.

Maintenant, j’ai le droit de jouer au city. Les autres filles qui ont un peu de niveau aussi ont gagné ce droit. C’est ma petite victoire pour le foot féminin.

Kadiatou, 13 ans, collégienne, Drancy

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

 

 

Boycott du « Mondial de la honte »

De nombreuses et nombreux supporters et fans de foot envisagent de ne pas suivre cette Coupe du monde 2022.

– Paris, Rennes, Marseille et une vingtaine de villes ont décidé de ne pas retransmettre les matchs sur écran géant.

– les footballeurs du Danemark joueront avec des maillots noirs aux logos atténués pour ne pas « être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes ».

– ceux de l’équipe de France ont promis, à la veille de leur départ au Qatar, de « soutenir des ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains. »

Rarement une édition du Mondial n’aura été aussi critiquée, secouée par de graves scandales politiques, humanitaires et écologiques.

 

Boycotter, pour quoi faire ?

 

Le boycott d’évènements sportifs n’est pas nouveau. Mais est-ce que ça sert à quelque chose ? Si c’est un mode d’action symbolique récurrent, il n’est pas le seul.

Participer à la Coupe du monde (ou la regarder) ne signifie pas pour autant cautionner. On peut aussi faire passer un message une fois sur le terrain. En 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick a refusé de se lever pour l’hymne : un geste symbolique pour dénoncer les violences policières à l’encontre de la communauté noire.

L’ONG Amnesty International a d’ailleurs demandé aux Bleus de se servir de leur célébrité pendant ce Mondial pour prendre la parole publiquement. Et de ramener une troisième étoile pour continuer à nous faire rêver.

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1 réaction

  1. Bravo!!!
    Il faut suivre ses convictions et se battre avec assertivité (concilier l’affirmation de soi-même et le respect d’autrui).
    Dans la vie, nous sommes avant tout des individus libres et égaux en droits. C’est tellement réducteur de définir les individus par leur genre (féminin, masculin) et d’en faire de même pour les pratiques sportives et professionnelles. Le monde doit évoluer. Merci d’y contribuer dans le bon sens en rapprochant les individus quelques soient leur sexe, leurs origines, leurs différences.

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