2/2 Comme des frères et sœurs à la MECS
Je vis dans une Maison d’enfants à caractère social (MECS). C’est une maison avec des enfants placés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sous ordonnance du juge des enfants. J’ai quelques contacts avec ma mère par message mais ça s’arrête là. Ma famille, c’est au foyer que je l’ai trouvée.
Pendant les vacances, il y a des jeunes qui peuvent rentrer chez eux et d’autres, comme moi, qui restent au foyer. On fête Noël, les anniversaires, comme dans une famille. On fait des sorties aussi. On va au karting, à Disneyland, au Parc Astérix, à Center Parcs… Souvent, quand je dis ce qu’ont fait, les gens s’imaginent que c’est la belle vie. On n’est pas à plaindre mais ça reste un foyer. Ce n’est pas un centre de loisirs où on fait des sorties tout le temps. Certains pensent que c’est « amusant » d’être au foyer. Ils ne pensent pas à la souffrance, la solitude, au traumatisme qui persiste jusqu’à l’âge adulte.
Je suis très solitaire de base. Je suis seule face à mes problèmes, mes peurs. Je n’ai pas trop d’amis. Les éducateurs sont gentils mais moi je ne leur parle pas de mes problèmes. Certains éducateurs s’en foutent et d’autres s’inquiètent, ça dépend. Quand je ne vais pas bien, je le garde pour moi. Je trouve qu’ils ne me comprennent pas et ça me frustre. J’écris le plus souvent, je fais des poèmes avec mes peines.
« C’est grâce à elle que je tiens »
Je suis très bien en foyer. J’ai été en famille d’accueil mais ça s’est mal passé. Je suis très casanière mais je sors parfois pour voir ma « grande sœur ». Elle était au foyer et elle est partie. À 18 ans, on est censé quitter le foyer pour aller en semi-autonomie. On s’est connues en 2021. J’avais 15 ans. Quand je suis arrivée, c’est elle qui m’a accueillie et m’a présenté les lieux. On n’était pas dans la même chambre mais tout le monde savait qu’on était un duo. Je ne sais pas pourquoi nos liens sont aussi forts.
Je lui dis souvent que si on ne s’était pas rencontrées, je crois que la terre aurait carrément explosé ! Je me dis que c’était écrit, qu’on devait se rencontrer et que ça allait matcher. Pour certains, ce n’est pas ma sœur, mais pour moi si. Comme elle est blanche et moi noire, ils se disent : « Ah non ça c’est pas possible ! » Mais il y a des liens plus forts que ceux du sang : les liens du cœur.
C’est grâce à elle que je tiens. C’est elle qui me donne de la force. Grâce à sa détermination, sa joie de vivre, elle m’inspire au quotidien. La vie ne lui a pas fait de cadeau mais elle ne lâche rien. Elle se bat tous les jours. On essaie de se voir au moins une fois par semaine. Maintenant, elle vit à Drancy. Je ne sais pas si un jour on va vivre ensemble. J’aime bien rester seule et, des fois, quand on est trop ensemble c’est trop, je suffoque, mais ça va, elle comprend. La rencontrer a été la plus belle chose que la vie puisse me donner.
Grande sœur à son tour
Dans mon foyer, on est plus ou moins onze. Ça varie. C’est mixte. Il y a des petits garçons et des grandes filles. La cohabitation, des fois c’est compliqué, parce que les garçons sont plus petits que nous. Ils sont à la fois mignons et casse-pieds. Des fois, j’ai envie de les taper. Quand on sort, on prend les gros camions qui sont bien voyants et qui font bien foyer. Souvent, je vois des regards ; soit des gens curieux, soit des gens qui jugent ou même des fois qui nous regardent mal.
Abandonné par ses parents à la naissance, Elias, 18 ans aujourd’hui, a été accueilli par une super famille. L’épreuve de l’abandon a renforcé ses liens avec ses frères de sang.
Moi, ça ne me fait rien, c’est surtout pour les petits que ça me dérange. Ils comprennent pourquoi les gens les regardent mal et les pointent du doigt. Ils sont comme des petits frères, je veux les protéger. Ce ne sont pas des enfants qui ont fait des bêtises ou je-sais-pas-quoi. Ce sont des enfants qui ont souffert. Ils méritent d’être regardés avec respect ou compassion, pas méprisés. On peut dire que je suis comme une grande sœur à la MECS. Si on me demande un truc, peu importe la personne, si je peux, je donne. Quand je rencontre de nouvelles personnes, je dis que je suis en foyer. Ce n’est pas une honte. C’est là où je vis. Une maison un peu spéciale et atypique.
Marie, 18 ans, Île-de-France
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