Otto V. 22/02/2022

2/2 Eux à Paris Plages, moi à Manhattan

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Otto a pris conscience de son statut privilégié quand il a réalisé que ses ami·e·s d’enfance ne pouvaient pas s’offrir les mêmes choses que lui.

J’habite à Stalingrad, à une dizaine de mètres d’un camp de réfugiés, à une centaine de mètres des junkies (comme dit mon père américain), et à quelques minutes de la fameuse colline du crack. Néanmoins, j’adore mon quartier, je me sens chez moi. Même si je ne le voyais pas forcément à l’époque, je remarque maintenant mes privilèges, que moi et mes amis, on était déjà séparés dans deux mondes différents.

Ma famille habite ici depuis dix ans. En maternelle, à l’école au coin de la rue, c’est là que j’ai rencontré ceux qui sont toujours mes meilleurs amis à ce jour. Petit, que tu sois noir, blanc, beur ou jaune, c’est le dernier de nos soucis (en tout cas, ce n’était pas le mien). Des liens se sont créés entre ceux de mon quartier et moi. Que ce soit en jouant au foot à la récré ou en se mangeant des pizzas devant Les Marseillais.

On n’a pas la même vie

J’habite dans un 150 mètres carrés alors que leurs apparts, dans la même rue que moi, font la taille de mon salon et de ma cuisine. Alors que leurs familles sont deux fois plus nombreuses que la mienne.

Mon père est écrivain et il investit, il fait aussi des pubs, et ma mère travaille dans le théâtre. Alors que les parents de mes amis travaillent au service client d’Orange, comme agents de sécurité, ou bien n’ont pas de travail.

L’argent de poche n’a jamais été un souci pour moi. Mes parents m’en donnent quand j’en ai besoin. C’est une différence avec eux : ils n’en ont pas, mais cherchent à gagner de l’argent comme si c’était une nécessité malgré leur âge. Par exemple, ils font des paris sportifs, trouvent n’importe quel moyen pour se faire de l’argent pour s’acheter des habits, des McDo, des maillots de foot…

Prendre conscience de mes privilèges

J’ai toujours ressenti une différence entre moi et mes amis, quand je devais payer chaque mercredi leur kebab à 5,50 euros car leurs parents ne voulaient ou ne pouvaient pas le faire. Ou encore quand on se racontait nos étés, moi à Manhattan chez mon parrain et eux très contents de leur après-midi à Paris Plages.

J’ai un pote qui n’a pas eu son brevet et a fini en pro, mais avec qui je peux passer des heures à parler de foot. C’est ça qui nous lie tous les deux. J’ai été dans sa classe depuis la maternelle. Récemment, je l’ai invité voir un match du PSG car je sais que c’était un de ses rêves. C’était sa première fois au Parc des Princes, je savais à quel point c’était important pour lui, ça m’a fait plaisir de partager cette super expérience avec lui et de voir mon ami heureux.

J’ai une autre anecdote assez récente qui m’a marqué. C’était le soir de mon anniversaire, nous sommes allés le fêter dans un restaurant. Au moment de la commande de nos burgers, la serveuse lui a demandé la cuisson, je me rappelle comme si c’était hier. Il m’a regardé avec un sourire nerveux avant de répondre à la serveuse « ouais une bonne cuisson s’il vous plaît, une bonne bonne cuisson », on a explosé de rire sans trop réfléchir.

Mais, au fond de ma tête je me suis rendu compte de mes privilèges, de la différence entre moi et mon ami. On est allés à la même crèche, dans le même quartier, on supporte la même équipe, pourtant je n’ai pas les mêmes privilèges, je vais dans des restos depuis tout petit… Alors que c’était sa première fois.

Otto, 15 ans, lycéen, Paris

Crédit Photo Unsplash // CC Joshua Earle

 

 

De l’école à la tombe : la lutte des classes, c’est toute la vie !

Personne ne joue avec les mêmes cartes

Si l’éducation n’aggrave pas les inégalités, elle les reproduit. Les chances de réussite scolaire et professionnelle ne sont pas égales selon le milieu d’où l’on vient. Un·e élève issu·e de milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’aller au lycée, et les enfants d’ouvrier·e·s sont trois fois moins nombreux·euses que celles et ceux de cadres supérieur·e·s à poursuivre des études après le bac.

Classe moyenne, vraiment ? 

Une grande majorité des Français·es se définissent comme appartenant à la « classe moyenne ». Mais cette auto-évaluation a ses limites : les classes populaires préfèrent utiliser ce terme qu’elles trouvent plus valorisantes. De l’autre côté, les plus riches ne se rendent pas toujours compte qu’ils et elles le sont. On peut parler de classe moyenne lorsque les revenus se situent, pour une personne seule, entre 1 265 euros et 2 275 euros par mois.

Quand les riches colonisent les quartiers populaires

Il arrive que des familles aisées emménagent dans les quartiers originellement pauvres. Leur présence fait monter le prix de l’immobilier, et les plus défavorisé·e·s n’ont plus les moyens de continuer à y vivre. Ce processus s’appelle la gentrification, et il est à l’œuvre dans toutes les grandes villes.

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