2/2 Mots pour maux
Le 6 mars 2023, j’ai quitté mon pays, en laissant tout derrière moi, mais en imaginant un bel avenir. On est parties vers la France, un pays avec une langue différente, où on ne connaissait personne, où tout était nouveau.
J’ai retenu mes larmes jusqu’à l’arrivée à l’aéroport de Paris. Mon cœur était en mille morceaux quand j’ai réalisé que j’étais si loin de tout ce que j’aimais. Quand j’ai compris que je ne reverrai jamais mes amis et mes animaux. J’ai tellement pleuré que mon visage ressemblait à une tomate. En plus, j’ai perdu mes valises, qui sont restées à Madrid. Heureusement, il y avait ma mère avec moi. C’était le plus important.
Le processus d’installation n’a pas été facile. J’ai traversé beaucoup de moments tristes. Mais chaque jour j’essaie de faire des efforts et de m’adapter à ma nouvelle vie, aussi difficile soit-elle.
Seul travail possible : les ménages
Une des choses les plus difficiles pour moi, c’est d’apprendre une nouvelle langue et d’arriver à bien m’exprimer en français. Cela signifie que je n’ai pas pu trouver un emploi rapidement. Je souhaite devenir esthéticienne, je travaillais dans ce secteur au Venezuela. Mais on m’a seulement proposé des travaux de ménage, ce qui m’a vraiment rendue triste… Ce serait une des seules choses que je peux faire sans bien maîtriser le français.
Concernant la vie sociale, c’était difficile de communiquer et de m’adapter, et donc de me faire des amis. Aujourd’hui, j’arrive à comprendre plus de choses et à parler de mieux en mieux. Je suis dans une école qui m’a beaucoup fait progresser.
Pour quelles raisons j’ai quitté mon pays ? Vous ne pouvez pas vivre dans un pays si vous ne pouvez pas y vivre en paix, ni avancer par vos propres méthodes, quand le gouvernement vous bloque en permanence… Il y a des gens qui exercent sur vous un pouvoir qui ne leur appartient pas, et ils veulent vous empêcher de faire des choses qui ne devraient pas être entre leurs mains. Ce sont juste des gens injustes.
J’avais aussi des problèmes de santé. J’ai été au bord du gouffre. J’ai frôlé la mort parce qu’il n’y avait pas de médicaments pour m’aider, pas d’hôpitaux qui fonctionnaient pour me soigner… Plusieurs fois, j’ai pleuré parce que je ne pouvais pas être soignée dans mon propre pays. Je remercie Dieu de m’avoir permis de venir en France. Je suis heureuse de vivre ici aujourd’hui, parce que ma mère et moi on peut avoir un avenir meilleur.
Carmen, 21 ans, en formation, Marseille
Crédit photo Unsplash // CC Levon Vardanyan
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