Anaïs 15/02/2016

« C’est un quartier difficile, on ne peut rien y faire »

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On regarde parfois les quartiers dits difficiles avec une certaine fatalité. La police, les habitants et les politiques ne semblent pas capables de réagir. Pour Anaïs, il suffirait de quelques infrastructures et d'attention.

J’habite dans une ville de taille moyenne, la bonne province de base où les bus passent toutes les 25 minutes et qui compte plus de vaches que d’habitants à peine sortis d’une voie rapide. Une ville d’apparence tranquille, dans laquelle la presse locale relate les fêtes d’écoles et les manifestations organisées par des clubs type « collectif scrabble ».

5 au-dessus du 10 de moyenne générale

Pourtant, dans cette ville, des quartiers « défavorisés » se sont vite développés. Le genre de quartier construit d’un coup, en proche périphérie du centre-ville, avec des tours d’immeubles et des pavillons qui n’en finissent pas. Des milliers d’habitants qui, d’un coup, se retrouvent là tous en même temps.

Dans ce quartier, il y a deux écoles élémentaires. Je suis allée dans l’une d’elles. Des classes de 40 gosses de la petite section au cm2, souvent sur deux niveaux (types CE1/CE2) pour essayer d’étaler et une seule instit’ complètement dépassée. Nous étions bien trop nombreux et dissipés pour qu’elle prenne le temps de comprendre les difficultés de chacun, si bien qu’en CE2, nous n’étions plus que 5 à être au-dessus du 10 de moyenne générale. Mais comme les classes étaient blindées, personne ne redoublait « Au pire, ils redoubleront leur 6e au collège, ils ont déjà plus de place », avait dit une fois la directrice à une réunion de parents d’élèves.

Séparée de mes compagnons de quartier

Si les trousses volaient dans les salles de classe, les bêtises continuaient la porte de l’école franchie. A l’époque, pas de city stade, pas de maison quartier, juste un bout de parc avec deux toboggans qui se battaient en duel. Les grands frères de mes camarades faisaient des roues arrière sur leurs scooters. Nous, on écrivait au blanco sur les bancs et on faisait des trous dans les grillages pour rentrer dans les infrastructures municipales comme le terrain de foot un peu plus loin.

La chance que j’ai eue, c’est finalement de connaître des problèmes de santé très tôt. J’ai vite côtoyé les hôpitaux, ce qui m’a un peu séparée de mes compagnons de quartier. Je les voyais « de loin » monter en puissance dans ce que nous avions commencé, jusqu’à finalement totalement m’en détacher. Aujourd’hui, plusieurs de mes anciens camarades de classe trainent dans les lieux « réputés » pour le trafic. Certains sont guetteurs, d’autres plus actifs encore. Parfois, ce sont les petits frères de ces camarades-là et ça m’attriste encore plus.

La chance d’être une petite blanche

En fait, j’ai souvent l’impression d’avoir eu de la chance. De la chance d’être une petite blanche, de la chance d’avoir des facilités à l’école, de la chance d’être « sortie » assez tôt de ce quartier. J’ai cette sensation de chance quand je vois que nombre de mes connaissances trainent à la maison de quartier (construite il y a peu), balancés dans des bacs pros sans avenir parce qu’on ne croit pas en eux. Je me dis que j’ai de la chance lorsque finalement, ce sont toujours les mêmes qui se font contrôler par des patrouilles de police alors que moi, je passe sans qu’on me demande quoi que ce soit.

J’ai un réel sentiment d’injustice pour mon quartier. Si moi, avec du recul, je me sens révoltée, pourquoi eux ne le seraient-ils pas ? Parce que finalement, ces jeunes-là sont parqués dans le quartier. Ils n’en sortent pas, ils ne font pas trop taches dans cette belle ville provinciale si tranquille et tout se passe bien. On constate juste tout bas que c’est un « quartier difficile ». C’est ce que m’a dit l’agent de police quand j’ai été faire constater l’effraction de ma voiture : «  C’est un quartier difficile, mademoiselle, on ne peut rien y faire ».

Si on peut y faire. On peut construire des infrastructures pour encadrer ces jeunes. Révéler, exploiter le potentiel et les capacités de chacun. Croire en eux, leur montrer plus loin que l’effet de bande, le chômage et les petites bêtises causées par l’ennui dans leur quartier.

 

Anaïs, 20 ans, volontaire en service civique, Poitiers

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1 réaction

  1. Ces infrastructures existent déjà; il existe des dizaines d’associations de bénévoles dans la moindre petite ville. L’état offre des aides pour partir en vacances, des bibliothèques gratuites,… Certes, on n’a pas été toujours très astucieux dans sa gestion des logements et dans le fait de regrouper tous les étrangers au même endroit. Mais les responsabilités sont très partagées, c’est aux parents de prendre les leurs en empêchant leurs enfants de fréquenter n’importe qui, et de les pousser à réussir et à respecter ce pays qui, malgré tout, les a accueilli, et leur offre malgré tout des perspectives certaines.

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