93 sur le CV, direct recalée ?
« Les gens du 93 sont désorganisés, n’aiment pas travailler, n’aiment pas l’école, sont moins bien élevés, leur niveau est faible. » J’en ai marre que les facs et les BTS de Paris refusent immédiatement les dossiers et les lettres de motivation venant de jeunes du 93. Ils les refusent sans les lire et sans nous connaître. Ils ne nous jugent pas par nos capacités, mais par le fait qu’on vient de Seine-Saint-Denis.
Moi, j’ai envie d’apprendre, je suis curieuse et je trouve ça injuste. Depuis que je suis en seconde, je rêve d’aller étudier à Paris. Sur Parcoursup, j’ai mis infirmerie et un BTS économie sociale et familiale.
Jugés car on vient du 93
Mais, une fois en terminale, une de mes profs m’a dit que ce serait difficile d’accéder à des écoles de Paris car, dès qu’ils voient le dossier d’un jeune du 93, ils ne le regardent pas. Ils pensent que le niveau de scolarité du département est très faible et qu’on a pas les capacités de réussir. Quand elle m’a dit ça, je me suis sentie triste et en même temps énervée : ils n’ont pas le droit de juger quelqu’un parce qu’il vient d’un département pauvre et mal vu.
Ça m’a influencée dans mes choix. J’ai hésité à mettre certains vœux à Paris, car j’avais peur d’être refusée et de me retrouver sans rien.
Ça fait trois ans que je vis en France. Je suis née et j’ai grandi en Italie, je suis venue ici avec ma mère et ma sœur. J’aurais préféré y rester pour finir mes études. En France, j’ai perdu deux ans : j’ai dû apprendre la langue à l’école, je ne parlais que l’italien et le bambara.
Deux lycées, deux ambiances
J’ai fréquenté deux lycées de Seine-Saint-Denis. Le premier, c’est le lycée Eugène Hénaff à Bagnolet, où j’ai passé ma plus belle année scolaire. Ils étaient très accueillants envers les étrangers. J’ai appris beaucoup de choses, en particulier la langue française ! Les professeurs étaient de haut niveau, leur objectif était de faire réussir les élèves à tout prix, de donner une bonne éducation et une image positive des élèves.
J’ai dû le quitter car il n’avait pas ma filière dans le social. En 2018, j’ai donc commencé à fréquenter le lycée Angela Davis [à Saint-Denis, ndlr]. J’ai alors vu une autre réalité. Certains élèves manquaient de respect aux professeurs et, la première fois que j’ai vu ça, je suis restée choquée. En Italie, ce n’est pas comme ça.
Étudier à Paris : un rêve que j’espère réaliser
J’espère être acceptée à Paris, à la Pitié-Salpêtrière. Si ce n’est pas le cas, je serai un peu triste, mais pas désespérée. J’ai envie de m’occuper des gens, notamment des bébés, d’être infirmière en prénatal et je trouverai un moyen de le faire !
Salife a grandi en Seine-Saint-Denis : il sait qu’il n’a pas eu les mêmes opportunités que d’autres né·e·s ailleurs. L’égalité des chances ? Il n’y croit plus.
Je reste un peu sur mes gardes, parce que si je ne suis pas acceptée, on ne saura jamais si c’est parce que je viens du 93 ou parce que je n’ai pas les capacités. Je pense qu’à situation égale, un Parisien sera toujours avantagé vis-à-vis de moi. Par contre, s’il est plus nul que moi, lui, il aura sa chance, et ça, je trouve ça injuste.
Massita, 20 ans, lycéenne, Saint-Denis
Crédit photo Pexels // CC RODNAE Productions
Je viens aussi du 93 et je n’ai jamais ciblé de formations autres que la fac sur Paris. Et c’est pour le mieux !
J’ai atterri en DUT à Cachan qui s’est avéré être excellent et un des meilleurs du pays. J’ai été acceptée dans une des meilleures école d’ingénieurs par la suite.
N’hésite pas à aller voir autour de Paris, tu y trouveras sûrement des formations tout aussi qualifiantes sinon plus et surtout un environnement plus humain !