Les pires, ce sont les policiers de la BST
Je vis à la Castellane, une cité des quartiers Nord de Marseille. En vrai, le quotidien y est plutôt banal. Il y a de la solidarité, les plus grands qui aident les plus petits… Et les forces de l’ordre qui viennent souvent tout gâcher.
J’ai souvent affaire aux policiers, mais tous les policiers ne sont pas les mêmes. Je trouve qu’il y en a qui sont aimables, comme ceux de la BAC (brigade anti-criminalité). Avec eux, on peut avoir des dialogues. Ils ne se cassent pas la tête à contrôler un individu sans casque sur un scooter en règle.
Au contraire, les policiers municipaux ne vont pas faire de cadeaux sur les petites infractions, type le non-port des gants sur une moto. J’ai déjà été malmené, chiffonné lors d’un contrôle de CRS. Ils ont eu des propos abjects envers ma couleur de peau, ils m’ont traité de noms de singes, et parfois ont utilisé leurs gazeuses pour un rien.
La peur de la bavure
Un jour, une patrouille de la police nationale qui roulait en Mégane a contrôlé un scooter à l’entrée de la cité. Là, plusieurs personnes se sont attroupées, sans se montrer menaçantes, mais un policier a fait usage de sa bombe lacrymogène. À la Castellane, les contrôles au faciès se multiplient. Les policiers pensent que nous fuyons ces contrôles parce que nous avons quelque chose à nous reprocher, mais non ! On ne veut juste pas perdre de temps à se faire humilier. Et on ne veut pas être victimes d’une bavure.
L’astuce dans la cité, c’est que lorsqu’une personne se fait contrôler par les forces de l’ordre, il ne faut surtout pas se faire emmener dans un bloc car, là, on ne sera pas vu par les autres habitants. Les policiers pourraient alors sortir de la procédure et faire ce qu’ils veulent. Même si on n’a rien fait.
Une descente qui dégénère
L’été dernier, il y a eu beaucoup de règlements de comptes dans les quartiers Nord. Alors, niveau police, c’était très tendu. On a eu affaire à une patrouille de la BST, la brigade spécialisée de terrain, qui ne va que dans les quartiers dits « sensibles ». Ils ont fait irruption dans la cité et, en fouillant des recoins, ils ont réussi à trouver un sac rempli de stupéfiants et d’argent. Mais ils ont continué à fouiller les locaux poubelles en espérant trouver autre chose. Et là, c’est devenu chaud. Des policiers ont gazé des parents et des enfants qui n’avaient rien demandé. Le lendemain, l’équipe de la BST a voulu refaire la même chose. Sauf que, cette fois, ils n’ont pas été accueillis à bras ouverts…
Ils ont reçu des projectiles : des pavés, des bouteilles, des chaises, des Caddies… suivis d’une émeute d’environ quinze minutes. Les huit policiers se sont repliés et, une heure après, le calme est revenu. Mais, deux heures plus tard, ce sont les CRS qui ont débarqué. Ils n’ont pas fait de cadeaux, ils sont sortis des camions en courant pour en découdre. Ils n’ont pas réussi à contrôler grand monde mais, avec tous leurs armements, ils ont réussi à choquer les plus jeunes d’entre nous.
Aujourd’hui, on filme les bavures
Notre époque est violente, mais je pense que c’est plus simple aujourd’hui de dénoncer les violences policières. Parce qu’avant, tout le monde n’avait pas Snap. Aujourd’hui, on peut tout filmer. Mais bon, j’ai l’impression que, nos images, elles n’arrivent jamais au commissariat. À Paris oui, il y a des affaires qui éclatent. Ici, moins. Et, sans vidéo, on ne peut pas nous-même aller au commissariat, parce qu’on sait que ça sera notre parole contre la leur.
BAC, BST, TDM… Reda repère lui aussi les policiers qui arpentent sa ville : leurs véhicules, leur caractère, et surtout leur comportement à son égard. Un témoignage extrait de notre série sur la police de (trop grande) proximité.
De mon expérience, je sais que nous pouvons avoir des dialogues avec certains policiers. Je dis bien certains. Ce n’est pas la majorité avec qui on peut parler.
Il n’y a pas longtemps, j’ai vu un homme dans une vidéo sur TikTok qui a eu une phrase qui m’a beaucoup marqué et qui résume bien ma pensée. Il disait, en gros, qu’un citoyen lambda qui se mange ne serait-ce qu’un contrôle de la BST comme nous on en mange tous les jours, demain il va chez le psychologue.
Yacine, 23 ans, en formation, Marseille
Crédit photo Yohan Bonnet // © Hans Lucas. Une équipe de la BST en discussion avec des jeunes du quartier populaire du Champ de Manœuvre à Soyaux près d’Angoulême, en Charente, le 16 mars 2022.