Mathis S. 30/10/2024

Ces joints qui vident la tête

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Mathis a glissé dans la drogue dès la cinquième. Son humeur a changé. Il s’est renfermé et même automutilé. S’il n’a pas encore réussi à arrêter, le jeune homme est fier d’avoir réduit sa consommation.

« Tu veux tirer ? » Voilà la question qui a tout démarré. En cinquième, je décide de sortir avec deux amis. L’un s’appelle Diego et l’autre Ethan. On décide d’aller squatter un garage pour se caler. En arrivant, Ethan dit : « J’ai du shit. Venez on s’enfume. » Nous sommes tous d’accord et j’ai surtout peur d’être rejeté si je refuse. Quand on me passe le joint, ma première réaction après ma taffe est : « J’adore le goût. » Puis, dix minutes plus tard, j’ai l’impression d’être tout léger et ma tête tourne. C’est agréable et assez drôle.

Dans l’après-midi, nous en avons roulé trois. Quand je suis rentré, nous avons directement prévu notre sortie du lendemain pour recommencer à fumer. Puis nous l’avons fait tous les jours à nos pauses, entre 12 heures et 14 heures. Puis chacun de son côté.

Petit à petit, tu tombes dans l’addiction sans même t’en apercevoir. À 13 ans, je fumais déjà depuis deux ans et ma vie sentimentale était assez mouvementée. J’étais souvent à fleur de peau et la bédave servait à me « canaliser ».

Les problèmes sont arrivés : démotivation, fatigue, sautes d’humeur, renfermement, consommation d’alcool, jusqu’à l’automutilation. D’abord superficielle, puis de plus en plus profonde.

Guérir grâce à l’amour

Ma mère était assez déçue et démunie face à la situation. Elle a tenté plusieurs approches : me faire la leçon, essayer de comprendre, les menaces… Je refusais chaque solution. J’ai finalement décidé de faire le tri dans mes amis. Je me suis fait suivre par un éducateur à la maison des adolescents (MDA) qui avait, lui aussi, consommé du cannabis. Parler avec lui m’a beaucoup aidé. Il n’était pas là pour me faire la leçon. J’ai alors réussi à arrêter de fumer pendant deux mois. Mais une rupture accompagnée du suicide de mon oncle et de la mort de mon grand-père m’ont fait retomber dans l’addiction.

Par la suite, j’ai eu la chance de rencontrer une fille superbe à laquelle je tenais réellement. Cette fille ne fumait pas et ça ne la dérangeait pas que je fume, mais je réduisais la dose de manière à ce que ça sente moins. Puis je me suis fixé des défis du style : je fume mon « bedodo » (joint avant d’aller dormir) uniquement un jour sur deux. Le fait d’être en couple m’a beaucoup aidé et mon meilleur ami m’accompagnait dans mes défis.

Séparation et rechute

Puis est venue la rupture. Une des séparations les plus douloureuses et dont je me souviendrai sûrement toujours. Quand c’est arrivé, j’étais chez de la famille. J’ai pleuré toute la nuit. Sur le retour, je faisais juste semblant de dormir en sachant que j’avais 30 grammes qui m’attendaient chez moi. Dès que je suis arrivé, je me suis roulé un joint.

Aujourd’hui, ça fait deux mois et quatorze jours que cet événement est passé et cela m’affecte énormément. Je fais de mon mieux pour réduire ma consommation, même si cela reste compliqué car ma tête est pleine de questions. Ça m’empêche de dormir ou simplement de profiter du moment présent. Le joint me permet de me vider la tête. Je fume encore mais beaucoup moins et je continue de réduire ma consommation, et j’en suis très fier.

Mathis, 16 ans, en formation, Salon-de-Provence

Crédit photo Unsplash // CC Mart Productions

 

« Fumer du cannabis nuit à la santé mentale d’un ado »

Ludovic Grellier, infirmier au centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) de Créteil, réagit à ce récit. Il explique notamment que l’usage précoce du cannabis peut entraîner de graves dommages sur le cerveau.

 

« Le texte de Mathis est très intéressant parce qu’il montre bien les conséquences directes que peut entraîner une consommation de cannabis chez les adolescents ou les jeunes adultes.

Les risques sont multiples. Lorsqu’un jeune consomme régulièrement, il subit les mêmes effets négatifs qu’un fumeur de tabac. Souvent, les joints contiennent du tabac donc on retrouve les mêmes problèmes d’hygiène : la mauvaise haleine, les dents qui jaunissent ou les cernes… Pas très classe, hein ! Les conséquences physiques peuvent être aussi plus graves : moins de résistance à l’effort pendant le sport et l’apparition de bronchites à répétition.

Il faut également faire très attention à ce que Mathis appelle le « bedodo », ce joint qu’il fume avant de dormir. Souvent, les jeunes pensent que fumer du cannabis leur permet de mieux dormir, mais c’est le contraire ! Cela dérègle complètement les cycles du sommeil. Sur le long terme, on parle même de risques cardiovasculaires et de cancer du poumon ou ORL.

Contrairement aux idées reçues, consommer du cannabis n’est pas sans danger pour le cerveau, surtout chez les jeunes. La consommation régulière peut altérer le développement du cerveau, qui se finit autour de 25 ans. L’adolescence est donc une période charnière. Les effets peuvent être de l’ordre du trou de mémoire, de difficultés à se concentrer ou à être attentif. Forcément, ça peut se répercuter sur les résultats scolaires. Fumer du cannabis peut aussi nuire à la santé mentale d’un adolescent, en accentuant ses troubles de l’humeur. Dans certains cas, même s’ils restent rares, il peut y avoir un déclenchement de troubles psychologiques plus sérieux comme la schizophrénie, la dépression ou l’anxiété.

Mon rôle, au sein du centre, est d’atténuer tous ces risques. Avec l’aide d’un addictologue et d’un psychologue, nous essayons de trouver des solutions pour aider les patients à sortir de la dépendance. Il ne faut pas hésiter à se faire aider. »

 

Qui contacter ?

Vous souffrez d’une dépendance à une drogue ? Vous avez des craintes pour un·e proche ?

Le site drogues-info-service.fr est à votre disposition pour répondre à vos questions. Vous pouvez joindre anonymement et gratuitement l’un·e des écoutant·es, tous les jours de 8 heures à 2 heures, au 0 800 23 13 13 ou par tchat.

Vous pouvez également vous adresser aux centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ces structures accompagnent les personnes dépendantes aux drogues. Elles proposent des consultations jeunes consommateurs, venant en aide aux jeunes de 12 à 25 ans et à leur entourage. Vous pouvez retrouver l’ensemble des établissements spécialisés près de chez vous sur le site de l’association Addictions France.

 

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