Dans ma cité, j’ai cédé à l’argent facile
Ils cassent la porte, montent dans toutes les chambres, lampe torche plein les yeux, et crient : « Police ! » Et ils ne blaguent pas : tous les grands au sol. Moi, j’étais petit donc ils ne m’ont rien fait. Quand ils attrapent celui qu’ils veulent, ils disent : « Vous êtes placés en GAV [garde à vue] pour… à compter de… » Ils demandent les papiers d’identité aux parents, et ils retournent toute la maison. Vraiment tout. Après, ils partent en laissant une porte cassée.
J’ai grandi en cité. Entre l’âge de 6 et 10 ans, j’ai vécu six perquisitions. C’était pour mes grands frères. Ça dépendait du motif de la perquisition, mais généralement ça se passait brutalement. Ça m’a marqué. J’avais peur parce que c’est surprenant, tu ne t’y attends pas. Le bruit de la porte qui tombe et le bruit des bottes dans les escaliers, les lampes torches dans les yeux quand tu n’es même pas bien réveillé, avec les armes… ils en font trop. Les premières fois, j’avais juste peur, je ne comprenais pas trop. Je savais juste qu’ils venaient arrêter mon frère pour des choses graves et qu’il n’allait pas revenir maintenant. La première fois, mon frère a pris cinq ans. On ne m’a rien expliqué mais j’avais compris. Je n’ai pas pu aller le voir pendant ces cinq ans.
Ils faisaient des bêtises donc j’ai fait pareil
J’ai suivi l’exemple de mes grands frères. Ils faisaient des bêtises donc j’ai fait pareil. J’ai grandi dans ça, donc un moment j’ai voulu essayer. Mes grands frères ne voulaient pas ça pour moi. À chaque fois, en fonction de la gravité de la bêtise, ils me parlaient, ou alors je me faisais frapper.
Avec mes potes, on était tous dans la même situation. Comme on voulait des choses et qu’on voulait de l’argent rapidement, on cherchait des plans faciles. On aimait bien être à la page vestimentairement. C’est ça qui m’a donné envie de faire de l’argent sale, parce qu’on sait que nos parents ne peuvent pas nous le donner. Ils ne peuvent pas nous payer les dernières paires.
La musique aussi a eu une grande influence sur moi. Ça te vend du rêve et ça te pousse à faire des choses que tu ne pensais jamais faire. Quand on est jeune et qu’on écoute beaucoup de rap, on a tendance à croire toutes les paroles, et ça nous motive à faire pareil. Par exemple, le rappeur va dire : « J’ai bicrave de midi à minuit pour me casser d’ici. » Nous, en étant dans ce milieu, ça nous motive vraiment à le faire.
Le rap, mauvaise influence pour la jeunesse ? Pour en parler, StreetPress a réuni Fif Tobossi, un des fondateurs du média Booska-P, le rappeur Bakhaw et le militant associatif Adama Camara, et leur a posé directement la question :
Jusqu’à 14 ans, tout se passait bien, je n’avais jamais de problèmes avec la police. À 15 ans, j’ai commencé par des tirs de mortier, et tous types de vols : vélos, vêtements, téléphones… Pour avoir un peu d’argent.
Suite à un vol, j’ai été en garde à vue (GAV) pour la première fois. J’ai été jugé deux ans après et j’ai eu une amende à payer. Ma première GAV m’a calmé, mais j’ai continué à effectuer quelques vols… Beaucoup moins qu’avant. J’étais plus prudent, mais la GAV m’a fait beaucoup réfléchir et, quelques mois après, j’ai définitivement arrêté.
Le goût d’acheter ses chaussures avec de l’argent propre
Le déclic est venu avec le temps, quand j’ai pris du recul sur mes actes, quand je pensais à ce que j’étais en train de devenir. Même si je ne me disais pas que ça allait finir mal pour moi, parce que malgré tout j’avais mes limites, il fallait que j’arrête.
Yanis, lui, a renoué avec sa religion grâce à ses amis… Et à Youtube !
La religion m’apporte beaucoup. Tu es heureux, tu peux te contenter de peu, tu vis sans avoir besoin de prouver aux autres que « regarde, j’ai la dernière paire » ou « regarde ma voiture ». En vrai, tout ça, c’est éphémère. Et quand t’achètes une paire de chaussures avec de l’argent sale, ce n’est pas le même goût que de l’avoir achetée avec de l’argent propre. Depuis que je me suis investi dans la religion, je peux dire que je suis dans une paix intérieure, je dors le soir. Même si je ne gagne pas énormément, je suis plus serein.
Mara, 21 ans, volontaire en service civique, Villetaneuse
Crédit photo Unsplash //CC Conor Samuel
Ce n est pas facile de grandir quand au tour de toi y a la violence et l argent facile tu veux faire comme tout le monde mais tu oublies les parents tu oubliés la souffrance de ta mère qui rêvait pour toi d une vie meilleure que la sienne .