3/4 Comme une intruse dans mon pays
J’ai deux cultures et ça me gêne.
J’ai vécu deux ans à Lyon avec mes parents pendant mon enfance. Même si j’ai l’air heureuse sur mes photos, je me souviens de l’écart que je ressentais vis-à-vis de mes camarades de classe : pour eux, je n’avais pas vraiment ma place, car je n’étais pas née en France.
Ils passaient leur temps à me faire des remarques là-dessus. À l’époque, pour être acceptée en France, il valait mieux être blonde, avec des cheveux lissés, des yeux bleus et une peau claire. Moi, j’étais brune aux cheveux bouclés et ma peau était beaucoup plus foncée que celles des filles de ma classe. Je me souviens de supplier ma mère de me lisser les cheveux et d’accepter de me les teindre en blond.
Mon prénom arabe et mon accent étaient atypiques. Toutes ces différences faisaient qu’on ne pouvait pas être amis. Je n’avais qu’une seule envie : retourner au Maroc.
Quand mon père a quitté l’armée, mes parents ont pris la décision de s’installer à Tanger. Ils m’ont inscrite à l’école française.
Trop française ou trop marocaine ?
Je pensais que tout serait différent au Maroc, mais comme j’étais franco-marocaine, mes camarades marocains me voyaient comme une intruse.
Contrairement à eux, je n’avais pas passé le test d’admission obligatoire pour les enfants non européens. Ce test reste encore aujourd’hui indispensable pour être scolarisé dans les écoles françaises à l’étranger si l’on est pas français.
Ils me disaient que j’étais « privilégiée » et ont commencé à me considérer comme une imposteure. Je pensais que cela se passerait mieux avec les filles européennes de ma classe, mais elles m’ont dit qu’elles n’acceptaient pas les Marocaines.
SÉRIE 4/4 – Bilal n’ira pas en France pour poursuivre ses études, malgré ce qu’on lui conseille au lycée : la France de « là-bas », comme il dit, lui fait un peu peur.
Même les filles ayant une double nationalité n’avaient pas leur place parmi elles. Malgré le fait que j’ai grandi avec la culture française, que j’appréciais les mêmes dessins animés, les mêmes jouets qu’elles et que je rejetais mes origines, je ne pouvais pas leur parler.
J’étais trop française pour certains et trop marocaine pour d’autres. Avoir deux nationalités, c’est comme un exil. Pire, c’est comme si je n’avais pas d’identité.
Ellie, 16 ans, lycéenne, Tanger (Maroc)
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)