Bruno M. 01/02/2024

Exil : qu’aurait-il fait sans mon aide ?

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Pas d’aide de l’État, des hébergements d’urgence, et peu des assos… Après le périple en mer, les demandeurs d’asile sont confrontés au manque de prise en charge de la France et doivent se débrouiller seul pour survivre. Bruno est venu en aide à son cousin, abandonné par les institutions.

Mon cousin a quitté le Libéria à cause de la guerre, il fait partie d’une ethnie minoritaire, les Koniankés. Il a traversé la mer pour arriver sur le continent européen. Il a perdu son meilleur ami dans l’eau. Traumatisé par cet événement, il a dû surmonter ça et continuer son chemin de migrant. Puis, il est arrivé en France. Il s’est retrouvé dans la rue, sans rien. Il ne savait pas par où commencer. Il était totalement perdu. 

J’habitais dans un studio de neuf mètres carrés, mais je l’ai quand même accueilli chez moi. Je l’ai pris en charge pour tout : pour manger, l’habillement, les transports… J’ai dû payer plus de 120 euros pour la radio et ses médicaments quand il est tombé malade, parce qu’il n’avait pas de Sécurité sociale. C’était un peu compliqué, mais j’arrivais à gérer avec le Smic que je gagnais. Je ne pouvais pas l’aider beaucoup non plus, mais j’ai fait tout ce que j’ai pu. Ma situation était plus ou moins stable. Je travaillais comme serveur dans le 15e arrondissement.

Aucune prise en charge

Il récupérait à manger chaque semaine chez les Restos du cœur. Pour ses démarches, pour se loger ou parler à un psychologue, il est parti dans certaines associations, mais ça n’a pas abouti à grand-chose. Il prenait des rendez-vous cinq à six mois en avance pour voir un psychologue et on l’appelait finalement pour annuler le rendez-vous. C’était les mêmes délais pour les rendez-vous administratifs, et c’était avec des avocats stagiaires qui ne pouvaient rien faire. Il était découragé.

Il me racontait beaucoup de scènes traumatisantes, comme la fois où il a été impuissant face à une injustice. Une dame a été frappée avec des coups de bâton par les passeurs et violée devant lui. Il a mis du temps à se remettre de son périple sans psychologue. Il vivait dans la peur, l’angoisse. 

Il ne pouvait pas aller dans les endroits avec beaucoup de monde ou dans les magasins. Il restait bloqué. Je lui montrais comment prendre le train, le métro. Il m’accompagnait dans les restaurants, les grecs, je le faisais beaucoup sortir pour qu’il ait le courage de le faire tout seul. 

Une fois, on est allés dans un restaurant. D’habitude, c’est moi qui dicte les commandes. Cette fois, je lui ai dit : « Fais comme si je n’étais pas là, fais la commande. » C’était un peu étrange pour lui, mais il a quand même réussi son test et par la suite, il faisait ses commandes tout seul.

La France ne lui a pas laissé sa chance

Notre cohabitation était plutôt très sympathique, il m’apprenait des bases d’anglais et d’informatique. Je trouvais que c’était dommage pour quelqu’un de très intelligent comme lui, de ne pas avoir sa place en France. Il avait 37 ans à l’époque. Il parlait super bien français et anglais, avec un niveau d’études supérieur d’architecture, il a bien étudié dans son pays, il était parmi les meilleurs de sa promotion. 

Malgré tout ce qu’il a dit, les preuves qu’il a pu ramener de son pays, rien n’a marché. Il n’a pas eu sa demande d’asile. Il est resté avec moi pendant à peu près sept mois. À ce moment-là, je suis tombé malade pendant un long moment, j’étais dans le coma.

Amina ne sait pas encore si sa situation va être régularisée. En attendant, elle ne peut pas se soigner, ni travailler.

Capture d'écran de l'article "J'attends de savoir si je peux rester", illustré par une photo où l'on voit les mains d'une jeune femme noire, tenant un stylo et des feuilles de papiers administratifs. En arrière-plan, on distingue le bureau où elle se trouve.

Un jour, il est venu me voir avec sa femme, une Américaine. Il l’avait rencontrée sur son lieu de travail à Paris. C’était un travail au noir. Le monsieur de cette entreprise était un Libérien et il savait que mon cousin travaillait bien.

C’est quand il a croisé sa femme que tout a changé. Il a déménagé avec elle aux États-Unis, ils ont quitté la France il y a huit mois. Il va très bien, avec sa femme et son fils. Il a une maison, et il peut travailler de manière légale. Il est consultant dans une entreprise d’architecture. Je suis très content pour lui, il a eu de la chance… Il mérite tout ça.

Bruno, 23 ans, stagiaire, Juvisy-sur-Orge

Crédit photo Unsplash //CC Durmuş Kavcıoğlu

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1 réaction

  1. Les migrants souffrent beaucoup. Heureusement qu’on croisent des anges comme vous sur notre chemin sachant que même la famille est souvent très réticente. Donc merci ton acte très humain

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