La fripe a sauvé mon image
J’ai beau habiter dans Paris, j’avais quand même quarante-cinq minutes de trajet en métro. Du 20e où j’habite, à mon collège public dans le 16e. Ce sont les deux arrondissements les plus aux antipodes de Paris. C’est à 12 ans que j’ai commencé à comprendre le principe d’inégalités sociales, parce qu’on critiquait mes vêtements.
J’avais des vêtements de qualité moyenne, achetés dans des magasins peu chers, et ça contrastait avec mes camarades qui avaient des vêtements de marque de « haute qualité ». Les imprimés sur mes quatre seuls pulls s’effaçaient en quelques lavages et avaient des peluches, tandis que ceux de mes camarades semblaient tous les jours plus neufs ! Même chose pour les pantalons, manteaux, chemises… Moi, je me trimballais toute l’année avec ces vêtements de mauvaise gamme, parce qu’on n’en rachetait pas souvent à l’époque !
Il critiquait tous mes vêtements
À cet âge-là, on est cruel. Je me souviens d’Antoine qui avait de la vraie fourrure de loup autour de sa capuche. Une capuche que tout le monde voulait caresser dans la queue pour aller à la cantine ! Il se permettait de critiquer tous mes vêtements, sans doute pour paraître plus fort. Le pire, c’était que mes amies ne me défendaient pas. Pour la simple et bonne raison qu’il n’avait pas tort… Je faisais comme si ça m’était égal et je cherchais des solutions de mon côté.
Un beau jour, en quatrième, je suis allée dans une friperie avec ma mère. C’était dans le 5e. J’ai trouvé de beaux pulls, des pantalons larges et solides, à 1 euro l’unité ! J’ai vu ça comme une révolution dans ma vie !
Marguerite va en friperie pour des raisons écologiques plus qu’économiques. Elle a opté pour un mode de vie plus écolo, mais elle a néanmoins des doutes sur l’utilité de cette démarche.
Dans un premier temps, comme acheter des vêtements de seconde main ne correspondait pas à avoir des vêtements à la mode, j’avais mon style. Mais on me critiquait toujours pour ça. Ce qui est ironique, c’est que les personnes qui me critiquaient au collège du fait que j’étais « un peu trop originale » et que j’achetais de la seconde main, le font maintenant eux aussi !
« La fille avec du flow »
Acheter de la seconde main, c’est désormais normal, à la mode, et même recommandé vu la pollution due aux grandes enseignes de vêtements neufs. Même des grandes stars comme Billie Eilish achètent exclusivement de la seconde main ! Il y a aussi des alternatives en ligne, comme Vinted, qui sont intéressantes et pas chères.
Ces critiques, au lieu d’en faire une barrière, j’en ai fait une force : à l’aise dans mes grands pantalons, j’aime me sentir originale par mon esthétique. Au final, je suis passée de la « fille avec un look nul » à « la fille avec du flow ».
Karina, 16 ans, lycéenne, Paris
Crédit photo Pexels // CC Kei Scampa
L’essor de la seconde main
La fripe renaît de ses cendres en France
Le nombre d’adeptes de la seconde main a doublé en dix ans. Aujourd’hui, 40 % des Français·es ont déjà acheté un vêtement d’occasion. L’enseigne Kiloshop illustre cet essor : elle avait fermé dans les années 2000… pour finalement rouvrir une vingtaine de boutiques partout en France depuis 2012.
Le public de la seconde main a changé
Jusqu’à la fin des années 2000, les friperies étaient surtout fréquentées par des familles à faibles revenus. Aujourd’hui, les 13-18 ans sont les plus adeptes de la seconde main. Les économies réalisées sont toujours une motivation, mais l’impact écologique et la mode du vintage sont également au cœur de cette consommation.
Sur internet, c’est moins cher… mais pas écolo
Vinted aussi devient très populaire, et compte 23 000 nouveaux et nouvelles client·e·s par jour en France. Transport des colis, stockage des données… La démarche est économique, mais pas vraiment écologique.