Amy L. 10/07/2024

Interdite de « sports de gars »

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Depuis son adolescence, Amy subit la méfiance de ses parents à l'égard du sport, qui musclerait trop les corps féminins, selon eux. Ils sont originaires de Côte d’Ivoire, où la rondeur des femmes est synonyme de bonne santé.

Mon rêve, à la base, c’est d’être une championne. Me surpasser pour me dire : « Tu l’as fait ! » Le principal obstacle, ce sont mes parents. À chaque fois que l’on parle de sport, ils me disent que je n’ai pas le temps à cause des cours ou bien que je vais ressembler à un garçon. Ils ont une vision du sport tellement différente de la mienne !

Ce problème a commencé au moment de mon adolescence. Je viens de Côte d’Ivoire où les femmes sont plutôt rondes, avec de belles formes. Chez nous, une femme « chargée » (grosses fesses et grosse poitrine) est synonyme de bonne alimentation et de bonne santé, et une femme maigre est une personne pauvre et mal nourrie. Je suis la seule de ma famille à ne pas avoir le physique adéquat : je suis toute maigre et toute petite. J’ai toujours été complexée par mon corps et par certains commentaires à son sujet.

Les seuls sports que je peux pratiquer, ce sont ceux que mes parents qualifient de « sports de meufs » comme la danse ou la natation. Des sports dans lesquels je me sens mal à l’aise et moins douée que la plupart des autres meufs. En terminale, quand on était en danse contemporaine, elles se débrouillaient toutes bien et faisaient bien les mouvements. Moi, je me forçais. Je faisais ce qu’on me demandait mais je ne voulais pas.

« Je voulais mettre mon talent en avant »

J’avais aussi basket au bac. C’était le contraire de la danse. Si on me faisait des remarques en danse, je me renfermais, alors qu’en basket ça me passait par-dessus la tête. Je me sentais bien. J’étais même trop dynamique ! En fait, le foot, le basket ou encore l’athlétisme, c’est vraiment moi. Vous savez, les « sports de gars ». Quand j’étais enfant, mon père me laissait faire, parce qu’à ce moment-là on s’en foutait de mon apparence. On allait souvent jouer au foot avec des gars des HLM. Il me faisait des compliments et il m’encourageait.

Étant donné que je cours très vite, j’ai voulu mettre mon talent en avant en faisant de l’athlétisme. Mais mes parents m’ont dit : « C’est un sport de garçon, tu seras trop musclée. » J’ai évidemment respecté leur choix. Je partais du principe que s’ils me le disaient, c’était vrai et que je devais faire des efforts.

Cette année, j’ai eu 18 ans et je suis allée à la salle sans le dire à ma mère. Le soir en rentrant, je lui ai avoué. Je m’attendais à ce qu’elle me crie dessus. Et en fait, elle m’a proposé d’y aller avec elle. J’ai été surprise et soulagée. Ça aurait été compliqué d’y aller en cachette. Dans quelque temps, je sens que je vais commencer à avoir le physique que je veux. Celui dans lequel je me sens à l’aise. Parce que j’ai décidé d’être autonome, libre de mes propres choix.

Amy, 18 ans, étudiante, Melun

Crédit photo Pexels // CC RF._.studio

 

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