« J’aimerais visiter la Syrie »
En 2012, j’ai quitté la Syrie, mon pays, à cause de la guerre civile. J’avais un an. Aujourd’hui, j’en ai 15. J’ai deux sœurs et un frère, et je vis avec ma famille à Brive-la-Gaillarde depuis trois ans.
Avant de venir en France, je vivais au Liban, dans la région de Ain Dara. J’y suis resté onze ans. Avant ça, en Syrie, j’habitais dans une ville qui s’appelle Idlib.
En 2011, le peuple syrien s’est révolté. Les gens sont sortis dans les rues. Ils ont levé le drapeau noir, vert, blanc et rouge de la liberté. Et la guerre a commencé. Le président Bachar al-Assad a envoyé des soldats tirer des obus sur le peuple, frapper et mettre des gens en prison.
Mon père était déjà allé au Liban en 2008, pour travailler comme électricien. Nous y sommes partis en 2012, avec 80 autres familles syriennes.
Là-bas, j’étais en classe avec mon meilleur ami, Omar, qui venait d’Alep. Mon père travaillait chez des vieux Libanais qui avaient besoin d’aide pour nettoyer les jardins, couper les arbres… Parfois, quand je n’avais pas école, j’allais avec lui pour l’aider. En Syrie, ma mère, elle, était coiffeuse.
En 2015, ma sœur est née. À cette époque, les Syriens commençaient à quitter le Liban pour aller en Europe et tenter d’y trouver une meilleure vie. Parce qu’au Liban, passer le permis ou obtenir des diplômes de l’université en étant étrangers coûtait très cher. Il y avait aussi du racisme contre les Syriens qui ne pouvaient pas se défendre sans risquer d’aller en prison…
En 2020, mes parents ont monté un dossier pour raconter nos conditions de vie difficiles. Quelques mois plus tard, l’Union libanaise, une association qui aide les étrangers, nous a appelés pour nous demander si nous voulions partir en Europe. Nous avons accepté. J’étais heureux. Mais j’allais laisser tout seul mon meilleur ami Omar.
Du Liban à la France
Cette année-là, ma mère a eu un nouvel enfant, Mazen. Le 15 décembre 2021, nous avons pris un bus pour aller dans un hôtel où nous sommes restés deux jours. On était 20 familles. Le lendemain, nous avons quitté l’hôtel pour l’aéroport. Cinq heures plus tard, l’avion a atterri à Paris et nous sommes arrivés en France. Une assistante sociale nous attendait. On nous a accompagnés dans une ville à côté de Lyon.
Nous avons d’abord passé deux mois là-bas. Puis, nous sommes arrivés dans un village à côté de Brive. Mon petit frère Mazen a commencé à marcher. Moi, j’ai commencé à aller à l’école, en sixième.
En 2024, on nous a trouvé une maison à Brive. Le rendez-vous pour le déménagement était fixé au 17 juin. Trois jours avant, c’était le dernier jour de collège. Quand je suis revenu à la maison, j’ai appris que Mazen était tombé malade et qu’il avait dû partir à l’hôpital. À 21 heures le soir même, mon petit frère est décédé d’une inflammation du cerveau. J’ai pleuré. J’étais très triste. Dans les deux jours qui ont suivi, nous avons quitté le village et sommes arrivés à Brive.
Aujourd’hui, après ce périple, je suis en classe de troisième. Mon père ne parle pas français et n’a pas encore trouvé de travail. Ma mère ne travaille pas non plus. Mes frères et sœurs sont à l’école et au lycée. Après une terrible guerre, la Syrie est libérée. J’aimerais bien aller visiter mon pays d’origine, pour la première fois de ma vie.
Mohamad, 15 ans, collégien, Brive-la-Gaillarde
Crédit photo Flickr // CC Warre Schelfhout
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